Située à Cusignana di Giavera dei Montello, près de Trévise, cette belle villa vénitienne du début du XVIème siècle est menacée par un projet de route décidé sans concertation par l’un des gouvernements précédents.
Le complexe architectural de la Villa Agostini peut être daté entre la fin du XVème siècle la première décennie du XVIème siècle. Le domaine se compose d’une maison avec granges attenantes, une chapelle, un jardin, des zones agricoles et des dépendances le tout dans un parc.
Le nom de l’architecte qui a construit cette maison de vacances (ainsi nommée dans le cadastre napoléonien) est encore inconnu. Mais nous devons reconnaître l’excellence de son œuvre.
Précieux exemple de l’architecture pré-palladien, la villa Agostini Tireta qui est resté intacte pendant cinq siècles, pourrait être détruite par des bétonneurs décidés à construire une route, qui semble, de plus totalement inutile.
C’est donc à une visite guidé empreinte d’émotion que nous vous convions. La villa se dévoile à travers les arbres du parc, avant de s’offrir à nos yeux dans toute sa beauté.
Les connaisseurs de l’architecture palladienne mettent en évidence la villa Agostini et la villa Emo, beaucoup plus abondamment décrite dans Architettura di Villa. Toutefois, il semblerait que l’antériorité de la villa Agostini ne fasse aucun doute, et que, donc, Andrea di Palladio ait vu cette villa avant de construire celle de la famille Emo.
Le 29 novembre 1561 (au moins vingt ans avant la conception de la villa Emo) s’est tenu un procès devant le Collegio delle Acque della Piavesella à Treviso opposant les Frati del Bosco au comte Battista Tireta (Processo dei Frati del Bosco con il Conte Tiretta) pour une histoire de concession de prise d’eau (bocaruol) sur la Brentella. On y apprends entre autres choses que :
"…et ritrovandomi io Battista Tiretta cavalier una assai grossa possessione in loco ditto alla Colombara sulla quale ho già edificato molte habitationi, si per uso mio como delli coloni et animali suo, li quali sono in grandissimo numero, et essendo questo loco di sua natura aridissimo senza pur una goccia di acqua se non quella che viene dal cielo mi è convenuto far fare una cisterna, non essendomi riuscito un pozzo profondissimo il quale prima havea fatto fare con non poca mia spesa, aciò che gli huomeni et gli animali non muorino dalla sete…"
La façade de la villa est couverte de fresques, comme l’étaient autrefois les façades des palais sur le Grand Canal de Venise. L’eau et le salpêtre ont fait disparaître les façades vénitiennes, mais celles de cette villa nous permettent d’imaginer à quoi les palais d’alors pouvaient ressembler.
Certes, la lecture de ces fresques, qui ont supporté les outrages de cinq siècles sans aucune restauration, est à peine possible. Les peintures ont perdu en presque totalité leurs couleurs et il reste essentiellement les contours plus marqués de la main du peintre.
Une fois passée la grande porte, on entre dans le salon du rez-de-chaussée surveillé par deux mascheroni à tête de lion peint à fresque sur la paroi interne. Le salon traverse tout le rez-de-chaussée dans la partie centrale de la maison, est est inondé de lumière.
L’ensemble des murs est recouvert par un bel ensemble de fresques du XVIIème siècle, qui a subis quelques raccords suite à des accidents, dans les années 1960.
Il existe dans la maison une chambre, dont les murs sont également décorés de fresques, avec d’originaux anges noirs (puti neri).
Immergé dans le parc, un oratoire dédié à la Beata Vergine del Rosario, petit édifice rectangulaire néo-classique, sur lequel se dresse un clocheton carré sur un toit en dôme, est aligné sur le mur d’enceinte de la villa.
De 1943 à la fin de la guerre, l’historien d’art, écrivain et journaliste Bepi Mazzotti avait installé ici son atelier d’où il menait des études sur les villas vénitiennes, dont il a été le premier à dresser un catalogue exhaustif.