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Jimmy's Hall : Ken finit en beauté

Par Filou49 @blog_bazart

 Jimmys_Hall_MASTER_STILLS_259__c__Sixteen_FilmsKen Loach est forcément un cinéaste pour qui j'aurais jusqu'à la fin de ma vie une tendresse particulière. En effet, il restera le tout premier que j'ai pu interviewer il y a de cela deux ans, à l'occasion du prix Lumière qu'il recut lors de 4ème édition du Festival Lumière et ce moment, un peu à part dans mon quotidien,  est resté intimement gravé dans un coin de ma tête.  Un prix que Frémeaux lui avait attribué pour l’ensemble de son oeuvre, pour son regard personnel sur la société industrielle et pour sa contribution à l’histoire du cinéma anglais, européen et mondial.

Ainsi, vu l'importance prise par Loach dans mon esprit et dans celles de tous les cinéphiles rendait l'idée de voir Jimmy's Hall, la cuvée 2014 de Ken Loach proclamée par le cinéaste comme sa dernière oeuvre de fiction, particulièrement triste et nostalgique. 

 En effet, il a été dit un peu partout, et notamment au Festival de Cannes où le film a été présenté en compétition officielle que ce drame historique  pourrait parfaitement constituer le dernier film de fiction de Sir Ken , arrivé à un âge pour le moins raisonnable (78 ans), même si d'autres immenses réalisateurs de la même génération comme Woody Allen et Clint Eastwood ne semblent pas être sur le point de raccrocher.

Je ne pouvais donc décemment pas rater ce Jimmy's Hall, même si a priori, sa veine plus dramatique et plus historique (celle du Vent se lève, sa seule palme d'or) me sied moins que ses comédies contemporaines. Ce dernier film évoque  en effet le destin de Jimmy Gralton, jeune irlandais qui émigra aux Etats-Unis en 1909, avant de revenir dans son pays et d'y créer en 1921 un dancing, Le Hall, lieu d’enseignement et de joie loin de l’éducation catholique stricte.

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Jimmy Gralton est présenté comme un fauteur de troubles (aux yeux de l’Eglise) avec des idées progressistes. Jugé indésirable, Jimmy Gralton fut déporté en Amérique en 1933 -cas unique dans l'histoire du pays. Un retour au drame et à l'histoire, quelques années après 'Le vent se lève', que certains ont vite fait de voir comme le second volet d'un dytpique consacré à l'Irlande des années 20.

Mais très vite, en voyant Jimmy’s hall, on s'aperçoit que le film n'est pas qu'une simple fresque historique vaguement passéiste. Loach arrive à y insuffler de la modernité et surtout y poser  son traditionnel regard plein d'humanité sur ces êtres humains et grâce aussi à des dialogues d'excellente qualité.

Le cinéaste britannique réussit particulièrement à valoriser une culture celtique et une partie de l'histoire de l'Irlande,  à une période où les irlandais, ne pouvant plus migrer à cause de la crise de 1929, étaient coincés dans un pays pauvre et traditionnaliste où toute forme de progressisme était rejetée par la puissante Eglise catholique.

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En plus d'être le touchant portrait d'un leader particulièrement charismatique,  Loach y montre ce peuple irlandais à travers une truculente galerie de personnages secondaires attachants, cocasses et filmés avec cette  même tendresse  et ce même sentiment qui anime les personnages de Loach, ce mélange d'une volonté d'une vraie liberté et d'un refus de toute forme de domination, quelle qu'elle soit.

Comme dans ses meilleures oeuvres, Loach sait placer sa caméra là où il le faut pour que le spectateur se sente à idéale distance des personnages, dans une sorte de complicité parfois amusée et amusante, et ce, malgré les thématiques et le contexte particulièrement douloureux. Il faut en effet ne pas oublier que la société que décrit Loach dans Jimmys' Hall est une société où les désirs et les rêves semblent encore si cloisonnés par les contraintes de toutes sortes, qu'elles soient politiques, sociales ou religieuses.

 Si Loach a du coup à parfois tendance à verser un tout petit peu dans le manichéisme, son petit péché mignon, avec notamment le personnage du père de Marie, un peu trop chargé,  Jimmy's Hall ne peut que toucher par le message forcément universel qu'il véhicule, ce désir d'être libre, de n'avoir personne pour nous donner des ordres et de créer un lieu oh combien utopique (un lieu paticulièrement démocratique où les gens s'éduquent entre eux afin de s'améliorer, un endroit à chacun écoute l'avis de l'autre pour prendre des décisions) mais qui  pourrait parfaitement fonctionner, si la société était moins arc boutée sur ses dogmes et principes moraux.

Avec ce beau "Jimmys Hall", Loach semble nous pousser à nous accrocher à nos idéaux, à nos rêves, malgré les obstacles de toutes sortes qui peuvent se poser sur notre route. Et un tel message final pour clôturer une si belle oeuvre, franchement,  moi je prends, pas vous?

Bande-annonce : Jimmy's Hall, de Ken Loach


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