Petit à petit, les grandes banques prennent conscience de l'impasse dans laquelle elles se trouvent aujourd'hui, face à une impérieuse nécessité d'innover qu'elles n'ont pas la capacité à assumer au sein de leurs structures historiques. Alors, progressivement, elles se tournent vers les entrepreneurs de la « fintech » pour répondre à leurs besoins.
Au Royaume-Uni, où l'écosystème de startups spécialisées est particulièrement vivace, plusieurs institutions financières ont déjà créé (ou participé à la création de) incubateurs et autres accélérateurs, grâce auxquels elles espèrent capter les bonnes idées qu'elles ne parviennent pas à développer seules. Poursuivant le même objectif mais avec une approche différente, le groupe espagnol Santander a récemment décidé de lancer à Londres un fonds de capital risque, doté de 100 millions de dollars.
Les motivations de cette initiative sont sans surprise : l'innovation dans la technologie financière est pour seulement 10% le fait des banques, tandis que les jeunes pousses (soutenues par le capital risque) y contribuent à hauteur de 60%. En conséquence, si Santander veut survivre dans le monde numérique en gestation, elle n'a d'autre choix que de s'allier avec ces nouveaux entrants. Ainsi, le fonds qu'elle met en place a d'abord vocation à détecter les opportunités qui construiront son avenir, la rentabilité de ses investissements n'étant pas une priorité.
Les grands domaines sur lesquels la banque souhaite se focaliser initialement sont d'ailleurs explicites, en ce sens : la « distribution numérique » (notamment dans les paiements et l'e-commerce), le crédit en ligne (y compris le crowdfunding), les nouveaux modèles d'investissement (par exemple le conseil en patrimoine automatisé), l'analyse de données (avec les big data) figurent au premier rang des sujets importants du moment, sur lesquels les établissements traditionnels prennent un retard inquiétant.
Pourtant, malgré toutes les bonnes intentions qui président à sa naissance, le fonds de Santander risque de manquer sa cible, tout simplement parce que les vieux démons de l'entreprise du vingtième siècle sont toujours aux commandes. Cette ambiguïté apparaît clairement lorsqu'un directeur est interviewé pour expliquer la stratégie de la banque : les réponses qu'il donne à quelques questions importantes pour l'attractivité de la structure auprès des startups sont pour le moins évasives.
Car, par les temps qui courent, la « fintech » a le vent en poupe et les entrepreneurs qui ont de bonnes idées n'ont pas trop de difficultés (au moins à Londres) à trouver des financements. Dans ce contexte, l'avantage exclusif qu'offre Santander par rapport au capital risque classique est un accès potentiel à l'immense marché que représentent ses 100 millions de clients à travers le monde. Malheureusement, c'est dans la description de la contrepartie qu'attend la banque que le discours est moins clair.
En effet, il y est rapidement question d'exclusivité, sous une forme ou une autre (éventuellement limitée en termes de secteur d'activité, de géographie ou de temps), même si le responsable interrogé affirme que chaque situation sera examinée au cas par cas. Or, avec la compétition qui règne actuellement parmi les investisseurs, il y a fort à parier que les startups qui accepteront de telles conditions ne seront pas toujours les plus porteuses de valeur pour la banque…
L'erreur fatale que semble prête à commettre Santander est de ne pas comprendre jusqu'à quel point la révolution numérique transforme aussi la manière dont se joue désormais la course concurrentielle : il ne peut plus être question de posséder (longtemps) l'exclusivité d'une idée, seules la vitesse de mise en œuvre et l'innovation constante sont susceptibles de réellement procurer et maintenir une avance technologique significative…