C’était le dernier week-end pour filer voir les œuvres grandeur nature de streetart dans la friche qui jouxte le Fort d’Aubervilliers. L’accès est facile à trouver et proche du terminus du Métro 7. J’ai visité les lieux le seul week-end où il tombait des cordes, et sur le site, les consignes étaient pourtant claires : « Nous vous conseillons de venir avec des chaussures couvertes, particulièrement par temps humide. » C’était un euphémisme, ce jour là, c’était le déluge…
Le projet du festival était d’inviter 50 artistes de streetart à investir et à transfigurer une friche industrielle, située derrière le Fort d’Aubervilliers pour l’ouvrir au public. La mission est bien réussie, puisqu’après un mois d’ouverture on dénombre déjà 12 000 visiteurs.
Voici l’exploration de la friche de la casse automobile du Fort d’Aubervilliers, en immersion. Au sens littéral.
In situ art Festival retrace la diversité des activités de la friche du Fort d’Aubervilliers
C’est à la fin de l’année 1830, que le Fort est construit au milieu de la végétation, sur la commune de Pantin, s’inscrivant alors dans le système d’enceintes mis en place par Thiers pour protéger Paris.
Il est occupé par l’armée dès la fin de la seconde Guerre Mondiale et sera utilisé militairement jusqu’en 1969. Ses alentours s’urbanisent et dans les années 1980, le Fort est investit par les artistes comme par exemple le théâtre équestre Zingaro, mais dans son sillage aussi des groupes de cultures urbaines ou de contre-cultures.
Puis en 1980,le Casse Center voit le jour. Il marque le monde de la mécanique au nord de Paris, puisque c’est le premier grand magasin de pièces détachées d’Europe.
De premières grandes réflexions sur l’avenir des lieux émergent alors : stade pour le mondial 1998, hôpital, ou site olympique dans la candidature de Paris 2008…
Aujourd’hui, on envisage la mutation du Fort, et on l’inscrit dans la perspective du Grand Paris. On imagine alors un nouveau quartier durable, composé d’espaces verts, d’habitats et d’équipements.
Le street art comme empreinte urbaine marquant les lieux en transformation
Le street art marque les lieux oubliés, abandonnés et redonne vie aux lieux autrefois occupés. La reconversion du site d’Aubervilliers était ainsi un terrain propice à une performance à ciel ouvert, chargée de se référer à l’histoire du Fort pour la traduire au public. Ainsi donc les artistes urbains, s’approprient les faits et s’inscrivent dans la ville pour préfigurer sa mutation.
Jalonné par des scènes de vie ou des portraits c’est une vision de la mixité à venir qui s’esquisse.
Mais de plus en plus, à Paris en particulier, le street art signe lieux ou bâtiments voués à la destruction, comme un formidable chant du cygne tout en couleurs.
Ce fut le cas à la Tour Paris 13, ou dans les Magasins Généraux, anciens entrepôts de la CCIP à Pantin.
Entrer dans la friche du Fort d’Aubervilliers
On est escortés par la ribambelle de poteaux revisités et personnifiés par le Cyclop qui soutiennent notre regard à mesure qu’on s’enfonce dans le paysage.
On parvient alors sur une première place… Les graffs s’étalent sur les barrières tôle et sur le sol.
Le ballet des parapluies se mêle aux couleurs des dessins, qui se réfléchissent sur le sol inondé.
Il faut alors traverser une flaque immense, qui ne cesse d’augmenter avec la pluie battante.
Nous continuons plus loin dans la friche, pour nous trouver proches des épaves de voitures, qui rappellent l’ancienne casse automobile.
La pluie incessante rend la visite plus ardue, et bientôt force l’ensemble des visiteurs à nous abriter près de l’entrepôt duquel on peut voir la fresque gigantesque réalisée au sol.
Les lieux se remplissent d’eau et le temps dessine un nouveau décor pour les oeuvres.
Murs de briques, alcôves, sol ou camionnettes, les supports sont multiples et la balade agréable malgré la pluie.
L’énorme rigole que la pluie a créé, donne aux fresques des alcôves une tout autre dimension.
Les camionnettes calcinées disposent d’une nouvelle identité : installations, peintures et fresques les habillent désormais.
C’est un plaisir pour les photographes et les amateurs d’art urbain comme le décrit bien ce dessin qui met en abime ses visiteurs.
Histoire des lieux et diversité de son existence nouvelle, les dessins parviennent à une formidable synthèse du passé et du futur.
Bientôt revenus sur la place la plus grande, on trouve le café aux tables et chaises originales, dans un décor où les épaves de voitures viennent éclairer l’ensemble.
Mais le retour devient ardu, quand on s’aperçoit que la pluie a rempli comme un bassin la friche par endroits.
Une visite finalement hors du commun de cette friche transfigurée.
Le Fort d’Aubervilliers
174, Avenue Jean Jaurès
93300 Aubervilliers