378ème semaine politique: Jaurès éclipse Hollande

Publié le 02 août 2014 par Juan

Les journaux allègent leur pagination, les radios-télévisions passent en grille estivale. Sous prétexte du mois d'août, l'actualité s'allège artificiellement. Car le monde donne au contraire l'image d'un embrasement général. La guerre n'est pas mondiale, mais elle est partout.

Fâcheuse coïncidence, il est temps de célébrer le centenaire du déclenchement du premier conflit mondial, et de l'assassinat de Jean Jaurès cette exacte semaine.


Eviter la guerre
Le souvenir de la Guerre de 14 s'impose facilement, malheureusement. Nul besoin de commémorations. En 2014, la guerre est partout.
A Gaza, la guerre fait encore rage. Un premier cessez-le-feu, humanitaire, n'avait duré qu'une vingtaine d'heures le weekend précédent. Le Hamas refuse tout arrêt des combats. Il réclame la fin de l'intervention terrestre et même la levée du blocus contre Gaza. Mais Tsahal poursuit la destruction des tunnels clandestins vers Israël. Mercredi, l'armée israélienne fait un carnage dans une école de l'ONU. Le cessez-le-feu dure trois jours, puis se brise à nouveau.
Sur les réseaux sociaux occidentaux, des "combattants de pacotille" s'invectivent à coup d'informations non vérifiées.
A Paris, Marine Le Pen se dépêche de soutenir la Ligue de Défense Juive: "S'il existe une Ligue de défense juive, c'est qu'il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité". Assimiler ce groupuscule sioniste ultra-violent à une organisation de défense d'un "grand nombre de juifs" avait quelque chose de surprenant. Mercredi, le ministère de l'intérieur prévient qu'il réfléchit à interdire la LDJ.
En Irak, la guerre fait rage. Les persécutions de la communauté chrétienne finissent par indigner en Europe. Dans la Syrie voisine, quelques courageux réalisent une série télévisée dans les décombres d'Alep, comme pour mieux témoigner du désastre.
En Libye, la guerre fait rage. Le quartier général de l'unité des forces spéciales de l'armée libyenne à Benghazi, tombe mardi aux mains de groupes islamistes.
Récupérer Jaurès
En 2007 déjà, le candidat Nicolas Sarkozy avait abusé du symbole, et récupéré l'ancien leader socialiste assassiné le 31 juillet 1914 dans ces discours de "rupture". Le président des Riches adorait triangulé l'adversaire en lui chipant ainsi quelques-uns de ses meilleurs symboles.
On célèbre le centième anniversaire de l'assassinat de Jean Jaurès. Le patron de l'actuel parti socialiste tente une comparaison entre l'ancien leader et François Hollande. Tous les deux seraient des "incompris de leur époque". Incompris, Hollande l'est encore davantage en choisissant Pierre Moscovici comme candidat au poste de commissaires aux affaires économiques. Ce n'est qu'un renvoi d'ascenseur.
Mais comment l'ancien ministre, éjecté du gouvernement en avril dernier, assez flemmard et parmi les plus sociaux-libéraux de l'équipage Hollande, pourra-t-il défendre autre chose qu'une austérité budgétaire et des milliards d'exonérations de charges sociales alors que l'Europe souffre, de l'aveu même de François Hollande, d'un manque de relance budgétaire ? Faire nommer à Bruxelles celui-même qui s'oppose à la relance qu'on prie à Paris est absurde, dangereux, ou cynique.
Hollande n'est pas Jaurès.
Eviter la déprime
Avec 3,398 millions de demandeurs d'emploi sans activité en métropole au mois de juin, le moral des ménages français "se dégrade", s'inquiète l'INSEE.
Sans blague...
Il paraît que Hollande déprime aussi. A minima, il n'aurait pas le moral. La reprise ne vient pas. Elle n'est jamais venue. Le déficit budgétaire en 2014 serait prévu à ... 4,3% du PIB par les services de Bercy. Une catastrophe ! Hollande avait promis de redresser la barre, avant de terminer son quinquennat par de belles "redistributions". Comme justifier de procéder à la plus grande réduction de cotisations sociales que la Vème République ait connue en si peu de temps si les comptes se détériorent encore davantage ?
Le 1er août, il évoque la "France forte" dans une exposition sur la Première Guerre Mondiale. Quelle curieuse expression, chipée à Sarkozy... Puis il convoque ses ministres encore présents pour un "séminaire de travail". On rassure les Français: même en vacances, les ministres travaillent: "les vacances qui s'annoncent sont une pause mais pas un arrêt". Même Hollande n'ira pas loin, à la Lanterne, à Versailles. Donner l'image d'un capitaine sur le fond est encore un symbole qui fait plaisir aux éditocrates. Dans l'après-midi, Manuel Valls est doit devant des caméras pour fustiger la déflation qu'il découvre et les "politiques économiques en zone euro (...) pas efficaces". Ses ministres viennent de se faire confirmer la "douloureuse", c'est-à-dire l'échec à redresser le déficit budgétaire cette année. Mais qu'on se rassure: Valls se "refuse à annoncer un effort supplémentaire". A-t-il vraiment le choix ? La rentrée sera "difficile".
En juillet, huit lois ont été votées, pour l'essentiel dans l'indifférence générale: on ne pense qu'au chômage, à la reprise qui ne vient pas, aux guerres qui embrasent des régions entières. Une loi sur l’économie sociale et solidaire , une autres sur la "sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public", la réforme ferroviaire, qui valut quelques jours de grève à la SNCF; la réforme pénale consacre enfin l’individualisation des peines et corrige les errements sarkozystes; et la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, portée depuis plus d'un an par la ministre Najat Vallaud-Belkacem...
On ne retient pourtant que les deux lois de finances, l'une pour l'Etat, l'autre pour la Sécu, celles-là même qui prévoient déjà des réductions de charges pour les entreprises et des économies de toutes natures. Les frondeurs du PS, moqués par François Hollande lui même, ont préféré s'abstenir plutôt que de s'opposer franchement au Pacte irresponsable.
Mercredi, pour le dernier conseil des ministres de la saison, Ségolène Royal présente son projet de "Transition énergétique".  Il fallait faire vite, les Ecologistes tiennent leur université d'été dans quelques semaines. Le Parti de Gauche dénonce une trahison: absence de débat sur le nucléaire, privatisation de la gestion des concessions hydro-électriques, faiblesse des moyens budgétaires... les récriminations sont nombreuses.
Observer l'adversaire La droite est en bonne voie pour reprendre la présidence du Sénat dans quelques semaines. La déroute socialistes aux dernières élections municipales rend probable un changement de majorité dans la Haute Assemblée. L'UMP Gérard Larcher salive déjà. Il ne manque que 6 sièges. Il espère reprendre le perchoir. Et assure tout le monde qu'il est Sarko-compatible.

A l'UMP, la guerre fait pourtant toujours rage. Le parti "attend" la décision de l'ancien Président des Riches. Raffarin s'interroge dans les colonnes du Point sur le national-frontisme du grand diplômé Laurent Wauquiez. François Fillon justifie à son tour ses dépenses de voyage réglées par l'UMP. Et Nicolas Sarkozy patauge encore dans le fric. Il suffit d'une fausse information sur une éventuelle nouvelle préliminaire sur le financement de la campagne de Sarkozy en 2012, pour que ses rivaux d'aujourd'hui rappellent combien ils sont déterminés à lui faire barrage.
Sarkozy prépare sa prise de contrôle de l'ancien parti. Il engrange des fonds. Le 25 juillet, il a fait un bref aller-et-retour à Brazzaville (Congo) pour une conférence rémunérée sur la bancarisation de l'Afrique. Après quelques semaines à se montrer cavalant en vélo aux alentours du Cap Nègre, il va partir à Bali, avant de revenir pour "une annonce importante" dixit Closer. Comme quand il était président, Sarkozy choisit la presse trash-people pour sa communication estivale. Même l'ancien fidèle Henri Guaino s'en inquiète.

En France, la guerre va faire rage. Un sondage IFOP publié ce premier jour d'août promet la qualification de Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle si l'élection avait lieu aujourd'hui. Ni Hollande ni Valls ne passent le cap. C'est un choc, et une lubie.
Un sondage de plus, et forcément de trop, à trois ans de l'échéance.
La rentrée sera "difficile". Valls assure vouloir "amplifier le mouvement amorcé ces quatre derniers mois". 
Mais lequel ?
Crédit illustrations: DoZone Parody