L'homme qui regardait la nuit, roman de Gilbert Sinoué

Par Mpbernet

Un court roman, qui se distingue des fresques historiques habituelles de l’auteur. Encore qu'il s'inscrive dans la brûlante actualité puisque les conflits se multiplient dans le monde et que l'arrachement des réfugiés constitue un des thèmes de prédilection de l'auteur : après le génocide des Arméniens, les échanges de population entre Grecs et Turcs d'hier, la fuite des chrétiens d'Irak d'aujourd'hui, la guerre autour la bande de Gaza, les combats entre factions en Syrie et en Lybie ... Rien ne change dans ce Moyen-Orient de toutes les intolérances, pourtant berceau de notre civilisation.

Mais surtout, une histoire d’amour cousue de fil blanc entre deux êtres fracassés par la vie, au bord du suicide et même un peu au-delà …

Théophane est un homme brisé par un événement survenu trois ans auparavant : brillant chirurgien cardiaque, il a tenté une technique originale d’intervention mais a perdu son patient. C'était un accident, il le porte désormais comme un meurtre provoqué par son orgueil, sa témérité.

Sa vie a basculé et, une fois encore, il a tout quitté pour se retirer sur l’ïle de Patmos, d’où était originaire sa grand-mère. Car Théophane vit la détresse des exilés. Arraché à l’Egypte après la prise de pouvoir du colonel Nasser en 1956, sa famille a dû fuir au Liban et en France. Sur ce coin de terre d’une beauté saisissante, encore toute imprégnée des mythes grecs comme des cavaliers de l’Apocalypse, il exerce la médecine générale dans la plus grande modestie, pour expier l’inexpiable.

A cet homme brillant, enterré vivant à 45 ans, sera donnée une seconde chance : la rencontre avec Antonia, jeune handicapée de vingt ans sa cadette, qui n’accepte pas le destin qui lui a paralysé le bas du corps. On voit clairement comment s’achemine cette histoire d’amour et de résilience.

C’est évident, mais aussi très bien écrit, fluide, bien construit, avec une accélération dramatique dans les derniers chapitres. Les paysages sont décrits avec grâce, les personnages campés avec tendresse, avec une mention spéciale pour Jéhol, le cheval-thérapeuthe.

Un bref roman plein d’espoir, bien agréable à lire pour faire oublier une journée de pluie en été …

L’homme qui regardait la mer, roman de Gilbert Sinoué, édité chez Flammarion (2012), 332 p. 19,90€ et aussi en édition poche à 7,50€.