La mobilisation générale est décrétée en France le 1er août, en même temps qu'en Allemagne. Pierre Loti percevait depuis une semaine des bruits de guerre avec l'Allemagne. Le changement d'atmosphère est brutal après les premiers moments du retour à Rochefort où il est arrivé dans la nuit du 17 au 18 juillet : il avait reçu avec joie, glaces et champagne les aspirants de la Marine avant d'accueillir le commandant de leur école, sa famille et les officiers.
La nouvelle survient parfois à des moments incongrus. Ce jour-là, Célestin Louise, policier parisien, était en planque dans le septième arrondissement depuis six heures du matin pour arrêter Octave Chapoutel, un cambrioleur. Le devoir accompli, non sans mal, il ne lui reste qu'à emmener son prisonnier au Dépôt. Mais le cocher du fiacre qu'il a hélé boulevard Raspail a, lui, eu le temps d'être renseigné. Dans ces circonstances, l'arrestation d'un malfaiteur devient anecdotique.
Dans la campagne dont il est question ici, la nouvelle arrive le lendemain. L'ordre est affiché sur le panneau de la mairie, à côté des tarifs de la balance municipale. La nouvelle tombe mal, mais à quel moment serait-elle bien tombée ? Il reste à dresser les meules de paille, puis il faudra s'occuper des betteraves sans oublier, jour après jour, de soigner les bêtes. Si les hommes partent à la guerre, les femmes devront tout prendre en charge, aux champs comme aux étables.
Didier Desbrugères, Limon. Gaïa, 2014