Jesse Kellerman : Les Visages

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Les Visages  de Jesse Kellerman  4/5 (30-07-2014)

Les visages (471 pages) est sorti le 15 octobre 2009 aux Editions Sonatine, puis le 6 janvier 2011 chez Points (474 pages).

  

L’histoire (éditeur) :

Lorsqu’Ethan Muller met la main sur une série de dessins d’une qualité exceptionnelle, il sait qu’il va enfin pouvoir se faire un nom dans l’univers impitoyable des marchands d’art. Leur mystérieux auteur, Victor Crack, a disparu corps et âme, après avoir vécu reclus près de quarante ans dans une maison délabrée. Dès que les dessins sont rendus publics, la critique est unanime : c’est le travail d’un génie. Mais les ennuis commencent lorsqu’un flic à la retraite reconnaît sur certains portraits les visages d’enfants victimes des années plus tôt d’un mystérieux tueur en série. Ethan va alors se lancer dans une enquête qui va bien vite virer à l’obsession.C’est le début d’une spirale infernale à l’intensité dramatique et au coup de théâtre final dignes des plus grands thrillers.

Mon avis :

Meilleur thriller de l’année par le New York Time, vainqueur du Grand prix des lectrices de « Elle », catégorie policier, en  2010, et nominé en 2011 pour le Prix du meilleur polar des éditions Points, voilà bien des titres qui donnent forcément envie de découvrir Les visages, le premier roman publié en France de Jesse Kellerman. Mais tout ce tapage médiatique est-il à la hauteur de la lecture ?

Du point de vue Thriller, je suis assez dubitative… J’ai trouvé que le suspens et la tension n’étaient pas suffisamment présents pour faire de ce roman un excellent thriller. Mais c’est là le seul défaut que je peux lui trouver, car tout le reste est absolument captivant.

Dès les premières pages, j’ai été happée par la narration d’Ethan Muller (un galeriste new-yorkais de 33 ans) qui s’exprime avec gravité autant que détachement et d’autodérision. Il use d’une certaine proximité vis-à-vis du lecteur (à qui il s’adresse directement) et utilise un style journalistique, s’attachant à transmettre une histoire. Son histoire.

Lorsqu’il est contacté par le bras droit de son père pour venir visiter un appartement déserté par son locataire et dans lequel se trouvent d’étranges dessins, il n’est pas vraiment enthousiaste à l’idée de se rendre sur place et de perdre son temps.  Mais arrivé sur les lieux, c’est le choc ! Il tombe sur des centaines de cartons remplis de feuilles A4 intégralement dessinées. Mis bout à bout ces dessins représentent une gigantesque fresque particulièrement déconcertante. Il décide d’une exposer une infime partie, conduisant les souvenirs d’un vieil homme à refaire surface. Lee McGrath, policier à la retraite, est persuadé d’avoir reconnu sur ce tableau les visages d’enfants assassinés 40 ans plus tôt, et dont le meurtrier n’a jamais été retrouvé. Et si l’auteur de ces dessins, Victor Crack état le pédophile coupable de cette série de meurtre ? Ethan Muller décide de mener l’enquête aux côtés de Lee pour comprendre l’énigme qui entoure la fresque et son mystérieux auteur.

Les visages est donc une espèce d’enquête doublée d’une critique féroce du monde de l’art. Mais pas que, puisque des interludes parsèment le récit d’Ethan Muller, constituant une saga familiale passionnant (remontant jusqu’en 1847). Très doucement, les deux histoires vont s’imbriquer  et venir éclairer le mystère Crack de façon subtile et surprenante. L’histoire de cette dynastie (étalée sur 5 générations) est d’abord assez déconcertante, car les liens avec le récit au présent n’est pas clair (si ce n’est le nom de la famille : Muller). Mais, même sans bien saisir le fil conducteur, on se laisse assez aisément embarquer par ces digressions, qui finissent par prendre de plus en plus de poids par rapport au récit principal.

A défaut donc d’être un excellent policier avec tout ce qu’on peut en attende (suspens et rebondissement, en autres), il faut reconnaître que Les visages est un bon roman qui ne manque pas d’intérêt, grâce au style de l’auteur (faisant le choix judicieux de la première personne avec son ton si particulier) et aux incursions rétrospectives qui enrichissent diablement l’intrigue.

En vérité, si vous partez avec une idée précise du livre, celle du meilleur thriller de l’année, je comprendrai que vous en soyez déçus.  Ça été le cas pour mon frère, à qui j’avais offert le titre à sa sortie, et qui en retour ne m’en avait pas dit que du bien, le trouvant passablement moyen. Du coup, ça a été finalement pour moi une bonne surprise. Je m’attendais à une histoire très sombre et glauque, mais c’est en fait plus un tableau familial peuplé de secrets. Quant au dénouement, il m’a malheureusement laissée une pointe d’amertume….

Voyons ce qu'en a pensé Natiora, avec qui j'ai partagé cette lecture.

A noter : J’ai avalé Les visages en alternant le papier et l’audio (utilisant mes trajets en vélo pour progresser dans ma lecture) et je tiens à mettre en avant la qualité de cette dernière. Le conteur, Hervé Bernard Omnès, est super efficace. Si vous n’avez jamais testé les livres audio, je vous invite à les découvrir avec ce narrateur. Intonations, accents… tout y est. C’était tellement chouette, que j’aurais presque eu envie de délaisser mon roman papier pour  me laisser porter par cette version superbement interprétée.