L’Ado est dans tous ses états. Alors qu’il survit péniblement depuis la fin de la coupe du monde, sans le moindre petit match de foot à se mettre sous la dent (c’est une image), son équipe favorite organise un tournois ce week end, et on ne peut pas y aller, pour cause de vacances! C’est entièrement de sa faute, on a du décaler notre départ et notre retour par rapport aux étés précédents, pour rentrer à temps pour ses résultats d’examens. Mais il n’arrive pas à s’en remettre.
Bref, ce week end, Arsenal organise et participe à la Emirates cup, un tournois amical de pré saison avec Monaco, entre autres. Il y a deux ans, on avait eu le PSG. Arsenal est une équipe très francophile, grâce à son grand gourou manager Arsene Wenger, véritable dieu vivant pour les gunners, les supporters dont L’Ado. Les dictateurs nord coréens à côté, c’est de la rigolade en matière de titres ronflants. Wenger est un phare de la pensée footballistisque, l’étoile polaire du 4-4-2, si. D’ailleurs, pour mon charmant gamin comme beaucoup d’anglais, la premier league (la première division anglaise) est une religion, l’Emirates Stadium d’Arsenal est un temple et Wenger son grand prêtre, ou vice versa. Sans dramatisation aucune bien sur.
La première fois que nous avons amené L’Ado, et le reste de la brochette famille à l’Emirates (c’était avant bébé 5, on trouvait que c’était du sport avec 4 enfants, ahaha) ce fut grandiose. Il a pleuré d’émotion quand on a reçu les billets. (Il était encore jeune, il n’essayait pas encore d’avoir l’air cool). J’avoue que je trépignais presque autant que lui (qui a dit que j’étais pire? Je ne vois pas du tout ce qui peut faire croire ça! ). Il était hystérique dans le train, surtout que même dans notre gare de campagne, on a croisé des supporters allant aussi au match, facilement reconnaissables à leur maillot rouge. Arrivés à Londres, c’était pire! On a pris le métro jusqu’à la station Arsenal (c’est pratique, pas moyen de se perdre) et au fur et à mesure des arrêts, le wagon devenait écarlate. L’Ado s’est tourné vers moi, les yeux humide, la voix enrouée:
-je suis parmi mon peuple.
Cet enfant a un sens de l’exagération et de la mise en scène mélodramatique qui font plaisir à voir. Je me demande d’où ça lui vient? Surtout que j’ai aussitôt étouffé de légers sanglots, au beau milieu d’une rame bondée, en voyant l’émotion de mon fils. On est comme ça, tous les deux, très stoïques.
Les deux rues entre la station et le stade sont coupées à la circulation, la marée humaine peut remonter vers l’Emirates en toute sécurité, comme un troupeau de saumons, mais rouge et sans les nageoires. Il y a même de très gentils policiers à cheval qui acceptent de se faire prendre en photos par les touristes. On ne rentre pas à l’Emirates comme dans un moulin (surtout qu’on ne voit pas bien ce que des saumons feraient dans un moulin…c’est les vacances, ça me monte au cerveau). D’ailleurs c’est beaucoup plus grand. C’est même immense. Il faut d’abord passer les guichets, puis on se farcit une volée de marches et on se retrouve sur une sorte de longue passerelle, ornée des effigies des joueurs légendaires (dont une sacrée tripotée de français, Henry, Pires, Viera..) et on déboule enfin sur l’esplanade. Il y a des statues de joueurs, des photos, l’air grésille d’excitation. L’Ado est en transe, et avec lui des milliers de personnes qui en perdent tous sens commun. Bien sur, on rentre dans le stade par une porte numérotée. C’est très simple, si on commence à faire le tour par la droite, c’est que la notre était juste à gauche, et qu’on va pouvoir faire le tour du stade entier. Si on essaie de ruser et de regarder avant vers quel côté on doit se diriger, c’est justement le jour où il y a un problème au portillon et où on a été délocalisé à l’autre bout. Bref, à chaque fois, on se fait un petit trekking autour de l’Emirates et on râle pendant des kilomètres en portant une tripotée de gamins dans les bras.
Évidemment, par peur d’être en retard, L’Ado et sa mère obligent tout le monde à arriver plus d’une heure à l’avance. Non, ce n’est pas une perte de temps, qui c’est qui n’aurait pas pu voir l’entraînement des joueurs sinon, hum? Bien sur que si, c’est captivant! Il y a ensuite l’annonce de la composition des équipes, les visiteurs sont hués (amicalement), les noms des joueurs d’Arsenal sont repris en cœur par tout le stade, le match lui même déchaîne les passions. Quand les gunners loupent un but, on sent un vent de déception souffler sur tout le stade dans un grand "oooooh". Par contre quand ils marquent, c’est du délire. Il y a des gens qui sautent partout les bras en l’air en hurlant des trucs incompréhensible (c’est l’émotion, j’ai mélangé le français et l’anglais). Marichéri refuse de participer à la ola, sous le prétexte fallacieux qu’il lui suffit de lever les bras en restant assis pour être à la même hauteur que les autres. Des chants particulièrement poétiques et pas le moins du monde grossiers montent des tribunes, à base de suppositions charmantes sur la généalogie de l’arbitre. Ou à propos de l’ennemi héréditaire, Tottenham, même si ils ne sont absolument pas sur le terrain (if you are a tottenham fan, surrender or you’ll die…c’est très frais).
A la mi temps, on peut jouer à faire la queue pour les toilettes, ou aux stands de boissons et hot dogs. Si vous optez pour des bouteilles d’eau, vous en aurez pour votre argent, elles sont remplies à raz bord. Et on ne peut pas les amener dans les tribunes avec les bouchons. En même temps, ça rafraîchit, de se déverser trois litres d’eau dessus pour aller abreuver sa marmaille, restée groupée autour de Marichéri, qui fait tour de contrôle.
L’ambiance du retour est plus calme. Les plus jeunes dorment à poings fermés, en serrant leurs nounours Arsenal. Pré Ado qui ne s’est intéressé aux débats que pour la partie goûter est toujours aussi indifférent à la chose (alors que vous le mettez à côté d’un tatami de judo, et c’est à son tour d’être hystérique. Il voue un culte fou à Teddy Riner). L’Ado savoure la victoire ou boude dans un coin, selon le score….il va falloir que je me renseigne, on doit bien pouvoir aller voir un match du championnat de France pendant les vacances, ça nous changera.
(L’Ado a aussi 3 écharpes, un bonnet de noel Arsenal, un autre maillot dédicacé, une casquette, un sac à dos, des chaussettes, et la bordure en papier peint dans sa chambre. Plus 3 ou 4 posters et un panneau des vestiaires. Sinon, ça va, il n’est pas obsédé par Arsenal…)