Malgré un premier album remarqué dès 2003 (et une Victoire de la musique), et un présentateur de journal ( Samuel Etienne pour ne pas le citer) que je suivais à l'époque quotidiennement et qui ne cessait de clamer son amour pour elle, j'ai commencé à faire vraiment attention à Émilie Simon quelques années plus tard lorsqu'elle s'est attelée la bande-son du film documentaire « La Marche de l’empereur ».
A cette époque, je me rendais parfaitement compte qu'elle savait trousser de fort jolies mélodies planantes pour faire danser les pingouins, mais qui ne m'avait pas pour autant fait sortir de la torpeur dans laquelle m'avait plongé ce film (je vous ai déjà dit que les documentaires animaliers et moi c'est pas le grand amour n'est ce pas?:o)
La Marche de l'empereur : The frozen world (Émilie Simon)
Il faut dire qu'entre rythmiques electro, détours orientaux et explorations sonores, l'univers d'Emilie Simon semblait un peu trop éloigné de ce que j'écoute et apprécie habituellement, et, d'ailleurs, lorsque je l'avais vu en première partie de Benjamin Biolay lors des Nuits de Fourvière 2010, je me disais que la demoiselle avait possédait certes un univers singulier ( assez proche d'une Kate Bush française, niveau tessiture et recherches mélodiques), mais trop expérimental et electro pour me toucher vraiment et me faire vibrer.
Emilie Simon n'aimait rien de plus que tenter des démarches inédites, d'oser divers travaux de texture, de sculpter des sons nouveaux, et si d'aucuns adorent cela, personnellement cel genre de concept me laissait souvent sur le côté.
Et puis, la demoiselle a connu une tragédie intime (la perte de son compagnon, François Béranger, victime de la grippe A), et de ce drame, a composé le déchirant et magnifique "Franky Knight", qui a fait office de bande originale du film "La Délicatesse" (voir ma chronique du film ici) et pour la première fois j'ai vraiment adoré ce que faisait Emilie Simon.
Dès lors, je n'ai cessé d'écouter en boucle ce bouleversant opus d'une puissance émotionnelle incroyable, dans laquelle la tristesse et la douleur d'Emilie S étaient très prégnants, sans pour autant que le disque soit impudique ou larmoyant ( avec une émotion à son apogée sur les bijoux que constituent « Mon Chevalier », « Bel Amour » « Sous les étoiles », ou bien évidemment « Franky’s Princess »).
Bref, j'attendais forcément son album suivant "Francky KNight" avec pas mal d'impatience et une certaine appréhension, et lorsque Emilie de Barclay (une autre Emilie) m'a envoyé cet album, « Mue », lors de sa sortie en mars dernier, je dois dire que mon premier sentiment fut la déception, tant indéniablement ce "Mue" ne possédait pas la portée émotionnelle de "Franky Knight".En même temps, je me doutais qu'Emilie n'allait pas rester dans le même état d'esprit à chaque album et une de ses grandes qualités réside dans sa capacité à se renouveller. Et, après l'avoir écouté plusieurs fois, je me suis mis à p apprécier ce nouvel opus à sa juste valeur.
En effet, "Mue" parvient in fine à apporter de nouveaux atours musicaux et marque une ouverture, presque une renaissance, forcément salutaire deux ans après "Franky Knight". On y retrouve une Emilie différente qui voit différement la vie et ses compositions musicales , avec certainement plus d'épure et de modestie Evidemment, les cicatrices laissent des traces, mais cela n'empêche pas Emilie de retrouver son ancienne peau, en retrouvant des sonorités proches de ses premiers album, mais avec plus de sensibilité et de simplicité qu'avant, tout en étant élaboré et parfaitement soigné.
Sur plusieurs morceaux, l'artiste sait oublier toutes ces expériementations musicales qui me laissent un peu froid, pour mettre en avant la mélodie et les paroles de façon parfaitement épuré, et chercher avant tout la sobriété et le naturel, une chose auquel elle ne nous avait pas habitué auparavant, du moins avant ce fameux Francky Night.
Dans "Mue," le travail de deuil a laissé la place au retour à la vie et aux perpétuelles surprises de l'amour et des beautés de cette ville qu'Emilie, qui a longtemps vécu à New York semble découvrir avec de nouveaux yeux, ce Paris qui semble l'emerveiller terriblement.
Mue ressemble alors à un album concept dans lequel Paris semble jourer un rôle prépondérant. Il faut dire qu'il a été écrit à Paris, inspiré par un Paris romantique du début du siècle dernier, un Paris sublimé : les toits, les monuments, les lumières , les jardins, les terrasses de café, bref un Paris romantique et historique donnent à plusieurs chansons de l'album un aspect très contemplatif, presque "patrimonial" dans le bon sens du terme.
Bel exemple avec le morceau qui ouvre l'album ce très beau " Paris j'ai pris perpète" dans laquelle de fortes belles sessions de cordes rencontrent les percussions et la voix suave d’Émilie :
"Paris j'ai pris perpète", mais aussi "Le diamant", "Les étoiles de Paris", sont trois exemples de ces morceaux qui magnifient la capitale, donnant aux titres accents très France de l'après guerre, mais mélangés à des sonorités extrêmement modernes.
Bref, un album inventif, fluide, à la fois simple et élaboré, jouant des références, affichant des sonorités cubaines, asiatiques ou orientales, naviguant entre la pop-électro, la ballade romantique et l'emphase symphonique, doté d'une écriture fine et ultra travaillée qu'une voix toute en douceur et en technicité.
Les arrangements sont en effet vraiment bien ficelés, les mélodies efficaces à souhait, et l'ensemble tire plutot vers un sentiment de douce plénitude, avec pour attiser ce sentiment, une jolie reprise du "Wicked Games" de Chris Isaak qui clôture l'album en toute beauté.
Et également un album que j'ai eu l'occasion de voir sur scène le 4 juillet dernier en première partie du concert d'Angus et Julia Stone (des artistes dont je vous reparle prochainement) lors d'un concert qui montre que 4 ans après l'avoir vu la première fois à Fourvière, l'interpréte Emile Simon a pris de la bouteille, à la fois gouailleuse et sophistiquée, un joli moment scénique qui prouve; si besoin était; que Mademoiselle Simon a parfaitement réussi sa Mue, comme le montre le premier single extrait de l'album, le très réussi "Menteur".