Amère Russie (T1) Rattrapage d’été

Chronique « Amère Russie (T1) » : Une épopée rude et touchante à travers la Tchétchénie…

Scénario de Aurélien Ducoudray, dessin de Anlor,

Public conseillé : Adultes, adolescents

Style : Drame historique
Paru chez Grand Angle, le 4 juin 2014, 48 pages, 13,90 euros
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L’histoire

Fin des années 80, une famille vit dans une banlieue miteuse de Moscou. Quant le père, soldat de métier, annonce à sa femme sa mutation à la frontière de l’Ouzbekistan, Ekatérina s’emporte. Elle restera avec Volodia, leur jeune fils.
Quelques années plus tard, Volodia effectue son service militaire en Tchétchénie. Ekatérina, qui n’a aucune nouvelle de lui, harcèle les soldats pour obtenir quelques informations. Mais en vain ! C’est le blocus total pour les militaires en poste sur le front Tchétchène…
Vivant seule, depuis que son mari est revenu d’Ouzbékistan handicapé, Ekatérina survit en vendant des DVDs piratés dans le métro. Revoir son fils Volodia, semble être sa seule raison de vivre. Un soir, le mari ivre glisse un message dans le collier de leur petit chien, Milyi. C’est la liste des prisonniers russes en Tchéchénie, dont Volodia…
C’est un choc pour Ekatérina qui va rencontrer un reporter de guerre. Ce dernier lui explique qu’il a écrit une ligne de trop sur cette guerre : le chef des insurgés tchétchène, Bassaïev, aurait promis la libération des prisonniers russes si leurs mères venaient les chercher…
Ekatérina vend le peu d’objets qu’il lui reste et s’embarque vers la frontière à bord d’un bus…

Ce que j’en pense

Calé dans notre fauteuil, devant le 20h, nous avons tous “vécu par procuration” la guerre entre la Russie et la Tchétchénie. Le bras de fer entre Poutine déchaîné et Bassaiev, prêt à en découdre…
C’est cette période, particulièrement sale, qu’ont choisi de traiter Aurélien Ducoudray (scénariste) et Anlor (dessinatrice). Mais au lieu de placer leur récit sous l’aspect documentaire, c’est avec beaucoup d’humanité et pas mal d’humour qu’ils nous emmènent, le temps d’une lecture, dans ce paysage en pleine déshumanisation… Pour autant, Aurélien Ducoudray ne cherche pas à édulcorer les aspects les plus glauques.
Il nous fait suivre Ekatérina, une “Mère-courage” qui ira jusqu’au bout pour retrouver son fils, prisonnier des résistants Tchétchènes. Ce portrait central, fort et intense, est inspiré d’un personnage réel, comme vous pourrez le découvrir dans les appendices en fin d’album. Il en est encore plus frappant !
Totalement centré sur ce personnage, Aurélien zappe les détails (les noms, les dates), mais qu’importe ! C’est bien ce drame humain et ce portrait tout en finesse et en complexité que j’ai suivi avec intérêt.

Le dessin

Pour rentrer dans l’histoire, Anlor (précédemment, trois tomes d’« Innocents coupables ») nous offre un dessin semi-réaliste, légèrement exagéré.
Ce style, inattendu pour un sujet si grave, apporte la fraîcheur et le recul nécessaire pour éviter le pathos.
Car coté décors, on est servi ! Anlor met en image une Russie et une Tchétchénie particulièrement déprimants : de la grisaille, des ciels plombés, des paysages enneigés, des soldats mités, une population miséreuse…
L’ensemble est servi par des cadrages soignés et une lisibilité impeccable.
Petit « plus », la couverture, bien qu’assez éloignée du style de l’album, est particulièrement impactante ! Autant dans l’illustration « symbolique » du thème (une femme porte le portrait d’un soldat, sous le canon d’un char), que dans l’utilisation des couleurs sans trait apparent.

Pour résumer

Aurélien Ducoudray et Anlor nous embarquent dans un récit initiatique, en pleine guerre de Tchétchénie. Dans ce décors uniformément gris et plombé, ils nous offrent avec humanité, sans manichéisme, un portrait de femme forte et déterminée, aussi incroyable que vraie. Un Scénario et des dialogues bien ficelés, un dessin semi-réaliste impeccable, il n’y a plus qu’a espérer le second et dernier tome de ce diptyque.