La réforme territoriale dresse une France des Régions plus inégalitaire

Publié le 31 juillet 2014 par Blanchemanche
PAR YANNICK SANCHEZ
Mediapart fait le point sur plusieurs indicateurs tels que le chômage, le PIB ou encore la structure de la démographie, qui montrent que l'impact de la réforme territoriale sera de concentrer davantage les richesses dans quelques Régions au détriment d'autres, isolées.

Un taux de chômage plus important pour l'Alsace, l'Aquitaine qui prend un coup de vieux ou encore la Bretagne et le Centre qui figurent parmi les Régions les moins riches de France, ce sont quelques-uns des grands changements qui s'opèrent à chaque coup de ciseaux dans la carte des Régions. Censé générer de 12 à 25 milliards d'économies selon le secrétaire d’État à la réforme territoriale, André Vallini, ce vaste chantier questionne davantage qu'il n'apporte de réponses. Comment moins dépenser sans réduire les services publics ? Quelles sont les Régions qui devront faire le plus d'efforts ?


Ces différentes cartes correspondent aux différentes propositions des députés. "Aujourd'hui" représente la carte de la France telle que nous la connaissons avec nos 22 Régions, la "1re réforme" symbolise la première proposition de l’Élysée le 3 juin avec 14 Régions, la "2nde réforme" est la carte finalement adoptée à l'Assemblée nationale le mardi 23 juillet 2014.Une chose est sûre, tout le monde ne sortira pas gagnant à l'issue des débats à l'Assemblée, qui se sont achevés ce mercredi 23 juillet avec l'adoption du texte par les députés et qui reprendront d'ici à l'automne prochain en seconde lecture au Sénat. Alors qu'un des piliers de cette réforme est de créer de nouveaux pôles de compétitivité régionaux européens, plusieurs indicateurs montrent que l'un des impacts de la réforme territoriale sera le creusement des inégalités entre les Régions.
  • Rhône-Alpes-Auvergne, deuxième Région la plus peuplée

  • Le Centre, Région la moins riche de France après la Corse
Les Régions qui ne fusionnent pas seront les plus pauvres. Prévue initialement pour être intégrée dans un vaste territoire Centre-Poitou-Charentes-Limousin, la Région Centre fait les frais de son isolement. En termes de PIB, elle est rétrogradée de la neuvième place – sur les 22 Régions actuelles – à l'avant-dernière. Dans une moindre mesure, la Bretagne ou encore les Pays de la Loire (une des Régions les plus riches de France) se font doubler par les "consortiums" Midi-Pyrénées-Languedoc, Alsace-Lorraine-Champagne et Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Cette dernière devient par ailleurs la plus grosse Région de France, avec une superficie de plus de 84 000 km2Apparaissent également trois catégories de Régions. Les deux plus compétitives que sont l'Ile-de-France et Rhône-Alpes-Auvergne se détachent très nettement du lot. Suit un large peloton constitué essentiellement des nouvelles fusions Aquitaine-Poitou-Limousin, Nord-Pas-de-Calais-Picardie ou encore de l'Alsace-Lorraine. Ce sont les Régions au fort potentiel, censées tenir le choc de la compétitivité européenne, n'en déplaise à Martine Aubry qui critique l'alliance de deux Régions pauvres que sont le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Puis il y a les bonnes dernières constituées essentiellement de la Bretagne, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté et Centre. Mises de côté, ces Régions accusent un retard qui sera de plus en plus difficile à réduire par rapport aux nouveaux pôles régionaux européens. Pour mieux comprendre ces inégalités de fait, on peut les coupler avec l'évolution du PIB qu'ont connue ces Régions au cours des dernières années. Une fois de plus, le Centre apparaît comme une des Régions les moins dynamiques avec 1,2 % de croissance annuelle contre 1,4 % pour la moyenne française et plus de 2 % pour les Régions les plus dynamiques comme Rhône-Alpes-Auvergne ou l'Ile-de-France. Ces Régions tirent une partie de leur dynamisme de leur attractivité. Comme la croissance du PIB est corrélée à la croissance de la population, les écarts de richesse entre les Régions risquent de se creuser. 

  • La Corse, championne des dépenses de budget
Encore une fois, le Centre prend la dernière place du classement concernant le budget des Régions rapporté au nombre d'habitants. Alors que la Corse ne compte qu'un peu plus de 320 000 habitants, ses dépenses de budget en 2012 s'élèvent environ à 641 millions d'euros. Pour la Région Centre, cette somme est d'un peu plus de 1 000 millions d'euros, soit à peine 1,56 fois plus que la Corse pour une population huit fois plus importante. L'écart est à nuancer puisque la Corse, du fait de son insularité, bénéficie de plusieurs dérogations. « La Corse est une collectivité territoriale à statut particulier. Elle présente des volumes budgétaires plus importants lorsque les montants sont exprimés en euros par habitant », peut-on lire sur le site des collectivités locales qui présente le budget des Régions.
  • Trois Régions sur treize concentreront la moitié des richesses
Selon l'étude d'impact fournie aux parlementaires, les Régions devaient être « plus homogènes en termes de richesse », il n'en sera rien. Les trois Régions les plus riches (Ile-de-France, Rhône-Alpes-Auvergne et Aquitaine-Limousin-Poitou) concentrent à elles seules la moitié du PIB produit dans l'Hexagone. 

Des Régions inégalement réparties en termes de démographie

  • La "grande Région Aquitaine" prend un coup de vieux
Attirées par les contrées chaudes, les têtes grises se retrouvent majoritairement dans la moitié sud de la France. Ainsi, l'Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin se retrouve en pôle position en termes de proportion de personnes âgées par rapport au reste de la population, soit près d'un tiers. Suivent la Corse et Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui tournent autour de 27 % d'habitants de plus de 60 ans. Ces nouveaux territoires, où les moins de 20 ans pèsent peu par rapport aux seniors, posent la question du renouvellement des générations.
  • Le Nord regroupe les jeunes…
Associée à la Picardie, la Région Nord-Pas-de-Calais est celle qui concentre le plus de jeunes du pays, suivie de près par l'Ile-de-France. La France est partagée en deux, avec d'un côté les très jeunes dans les Régions de la moitié Nord et les plus âgés au sud. 
  • … et les chômeurs
Du point de vue du chômage, la réforme territoriale ne devrait guère influencer les statistiques. Si ce n'est qu'une fois de plus, l'objectif annoncé de réduire les inégalités entre les territoires apparaît compromis. En effet, la proportion de Régions qui seront au-dessus de la moyenne nationale du chômage (9,8 %) reste stable, voire augmente : 6 Régions sur 13, soit 46 % au-dessus du taux de chômage (9,8%) contre 41 % des 22 Régions actuelles. Vous pouvez consulter les différents taux de chômage en cliquant sur les Régions de la carte ci-dessous. Les zones les plus sombres sont celles avec le plus fort taux de chômage.