Règle de l'alternance dans mes critiques ciné du moment : alors que je vois depuis quelques temps en salles des films plutôt grand public ( Dragons 2, on a failli être amies, the two faces of jaunary...),Mes séances DVD sont beaucoup plus orientées cinéma d'auteurs assez, voire très (trop?) exigeant et pas toujours forcément accessible... La preuve avec cette petite revue de mes 3 derniers films vus en DVD cet été :
1. Julie est amoureuse : l'agréable marivaudage de Vincent Dietschy
Voilà une de ces curiosités du milieu de l'édition un DVD avec ce film sorti en salles voilà plus de 15 ans, en décembre 1998 exactement et qui était jusqu'à présent inédit en DVD avant une sortie en début 2014 chez l'audacieuse et indépendante boite de distribution Shellac Films.
Même si en 1998, j'allais voir quasiment ( encore plus que maintenant) tout ce qui sortait sur les écrans, j'étais passé à coté de ce Julie est amoureuse, de Vincent Dietschy, en dépit d’une critique plutôt enthousiaste qui considérait que ce premier film apportait un air nouveau et frais dans le cinéma français de l'époque.
Malheureusement, le film fut un vrai échec public (il n'y a pas que moi qui passa donc à côté, loin de là) et Vincent Dietschy mit beaucoup de temps à s'en remettre puisque son second long métrage, Didine, qui marqua les débuts de Benjamin Biolay comédien fut tourné 10 ans après "Julie est amoureuse".La sortie du film en DVD ( toujours défendu par une presse intello tout autant enthousiaste qu'en 1998) est donc une belle occasion de rattraper ce film. S'il ne mérite sans doute pas la pluie d'éloges qui s'est abattu sur lui, "Julie est amoureuse" est un charmant marivaudage qui voit une troupe de théâtre d'amateurs tenter de jouer Roméo et Juliette sous l'oeil alangui de'Michael Monk, un grand acteur de théâtre devenu star de cinéma après ses prestations dans des James Bond.( le savoureux François Chattot) qui va bientôt vouloir reprendre en main la troupe qui se délite peu à peu. Evidemment les histoires de coeurs de la troupe vont se méler à celles de Shakespeare et l'auteur tisse avec habileté cette intrigue plutôt plaisante à suivre.
Dommage que par souci d'authenticité, le cinéaste ait voulu mélanger à des acteurs professionnels des comédiens amateurs ( dont la propre femme de ménage de ses parents qui joue-mal- un rôle important de ...femme de ménage) car toutes ces scènes, trop mal jouées, casse le tempo général du film...
Personnellement, j'aurais bien enlevé ces quelques scènes trop maladroites et racourcir le film ,qui dure plus de 2 heures, d'une bonne demi heure! Malgré cette petite réserve, "Julie est amoureuse" reste brillant et charmant.
Jean-Marc Lalanne chronique "Julie est amoureuse" de Vincent Dietschy - France Culture
2. Nos héros sont morts ce soir : une réverie poétique et nostalgique
Un autre film français singulier passé hélas inaperçu lors de sa sortie salles ( plus récente, c'était en octobre 2013) et qui aurait largement mériter de rencontrer un public plus large prêt à se laisser prendre par le charme de cette rêverie en noir et blanc, si ambitieuse et si troublante... Grâce à l'éditeur indépendat, UFO qui a sorti juin et en tirage limité le DVD de NOS HÉROS SONT MORTS CE SOIR, j'ai pu découvrir et me laisser envouter par la magie si particulière du premier long métrage de David Perrault.
Un film français qui rend hommage aux films noirs des années cinquante et soixante, à travers deux personnages de catcheurs, un sport ( ou un spectacle?) si populaire dans ces années là et devenu bien plus confidentiel depuis. Comme l'explique le cinéaste dans une passionnante itw en bonus du DVD, Nos héros sont morts ce soir s’inspire au départ d’une photographie, montrant un catcheur masqué attablé comme si de rien n’était devant un bar, au milieu d’autres consommateurs. David Perrault a donc après cherché à mettre en image l'ambiance à laquelle cette photographie renvoie forcément, un Paris aux résonances nostalgiques, presque mélancoliques.
NOS HÉROS SONT MORTS CE SOIR n'est d'ailleurs pas vraiment un film sur le catch ( heureusement pour moi qui ne suis pas a priori fan de ce sport), mais plutôt une réflexion sur le thème du héros et du mythe.
Le magnifique noir et blanc et la reprise des codes de films de gangsters installent une atmosphère unique, quelque part entre rêve et réalité. Qu'importe si le scénario parait un poil trop élliptique et un peu prévisible, car assurément, cette galerie de portraits aussi bien gouailleurs que tragiques illustre une perception et une réflexion sur le cinéma évidente.
Quant aux acteurs, le toujours épatant ( sauf dans la récente connerie avec Dany Boon) Denis Ménochet en tête, ils complètent à merveille ce premier film vraiment prometteur, qui donne forcément envie de voir ce que David Perrault fera ensuite, comment il persistera dans cette envie de cinéma singulier qui semble visiblement lui tenir à cœur.
NOS HEROS SONT MORTS CE SOIR - Bande-annonce VF
3. Z 32 : un documentaire un poil trop théorique sur le conflit israélo palestinien
Dans un récent billet concours pour vous faire gagner des DVD d'un documentaire d'Avi Mogradi, dans un jardin je suis entré, j'expliquais à quel point l'oeuvre du cinéaste israélien Avi Mograbi est particulière. Majoritairement composée des films engagés, qui oscillent entre fiction et réalisme, il développe une façon bien à lui de se mettre lui-même en scène,et à ce titre il est souvent comparé par la critique à l’Italien Nanni Moretti.En effet, à chacun de ses films, il reste fidèle à un principe d'autofiction devenu sa marque de fabrique : il apparaît lui-même à l'écran.
C'est également le cas dans Z32, qui sort en DVD le 19 août prochain chez Epicentre Films et que j'ai eu la chance de voir avant sa commercialisation. Dans ce film, Avi Mograbi met en scène un ex-soldat de Tsahal qui témoigne à propos d'une mission de représailles menée deux ans plus tôt contre la police palestinienne. Fidèle aux principes de Mograbi, Z32 enregistre deux témoignages, celui de cet un ex-soldat israélien dont la troupe avait tué deux policiers palestiniens en mission, et celui du cinéaste qui loge dans son film la révélation de ce soldat.
Z32 est tout autant un documentaire qu'une réflexion sur la construction d'un film, ainsi que des forces et des limites de la représentation cinématographique. On y voit dès le début du film le cinéaste se demander comme filmer le visage d'un témoin qui ne veut pas être reconnu ? Avec un bas noir sur la tête, tel un braqueur de banque ou bien en le floutant, comme dans ces mauvais magazines d'investigation de M6. Pour pallier à cette question d' éthique , Mograbi va recouvrir le visage du soldat et de sa petite amie d’un masque numérique qui évoluera au fil du film.
Par ailleurs, le témoignage du soldat et de son amie est régulièrement entrecoupé d' intermèdes musicaux assurés par Mograbi lui-même, chantant des textes écrits pour l'occasion, accompagnés par son fils au piano et ces passages chantés laissent dans l'ensemble un peu dubitatif.
Vous le voyez, ce Z 32 est presque autant une réflexion cérébrale sur le cinéma, et ce discours trop théorique phagocyte un peu la force du témoignage du soldat, qui peut dérouter par son apparente froideur et son manque de recul sur la cruauté de son acte qui a tué un innocent dans le cadre d'une expédition punitive décidée par ses supérieurs. Car le contenu de ce témoignage interpelle forcément et fortement nos consciences: on y voit un soldat qui semble avoir pris du plaisir en tuant et en tout cas ne semble avoir ressenti aucune émotion, aucun remords, ce qui prête forcément sujet à réflexion.
Bref, un objet qui m'a semblé être trop conceptuel et expérimental pour convaincre vraiment malgré la force des questions soulevées...dommage!!