Annoncé comme un projet phare du quinquennat, le projet de loi sur la transition énergétique que Ségolène Royal a fait adopter ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres ne saurait masquer les incohérences d'un gouvernement qui refuse d'écarter définitivement la recherche d'hydrocarbures.Certains des objectifs fixés par le projet de loi relatif à la « transition énergétique pour la croissance verte », adopté ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres, ne peuvent être balayés d'un revers de la main. Ainsi en est-il des objectifs consistant à vouloir diviser par deux la consommation d'énergie de la France d'ici 2050 et diminuer la consommation des énergies fossiles de 30 % d'ici 2030, les deux par rapport à 2012. Si l'on y ajoute les engagements de division par quatre des émissions de gaz à effets de serre (GES) d'ici 2050, tout en réduisant la part du nucléaire de 75 % à 50 % d'ici 2025, ces objectifs généraux donnent le cap d'un scénario de descente énergétique et de sobriété énergétique. C'est un pas décisif puisque l'administration et les grands énergéticiens français avaient toujours promu un accroissement de l'offre et refusé d'entendre parler d'un plafonnement ou d'une réduction de la consommation d'énergie française.Bien-entendu, une série d'objectifs spécifiques et intermédiaires ne sont pas suffisants au regard des exigences de la société civile. Ainsi en est-il de la réduction de la part du nucléaire, bien en-deçà des scénarios de sortie du nucléaire et des exigences post-Fukushima. D'autre part, se limiter à 40 % de réduction d'émissions de GES d'ici 2030 revient à repousser à l'après 2030 l'essentiel des efforts et à stocker dans l'atmosphère bien trop de GES sur la période 2015-2030 (voir ici pour plus d'explications). Ce qui revient peu ou prou à perdre 15 ans de lutte contre les dérèglements climatiques. Par ailleurs, les objectifs de développement des énergies renouvelables pour 2020 et 2030 pourraient être bien plus ambitieux.Néanmoins, si l'on décide de prendre au sérieux les grands objectifs mentionnés dans le projet de loi (et répertoriés dansce dossier de presse), alors ils peuvent servir de levier pour obtenir la mise en œuvre déterminée, rapide et continue de politiques et de décisions cohérentes, aussi bien de la part du gouvernement que des collectivités locales. Ainsi, pour se limiter à l'une des dimensions de cette exigence de cohérence, il est grand temps que le gouvernement stoppe son soutien au développement des énergies fossiles. Comment en pourrait-il être autrement lorsqu'on se fixe des objectifs de réduction de la consommation d'énergie fossile de 30 % d'ici 2030 et que l'on prétend à l'exemplarité et la cohérence dans la perspective de l'accueil de la conférence de l'ONU sur le climat à Paris fin 2015 ?Laurent Fabius a lui-même récemment exprimé son souhait de voir les pouvoirs publics, y compris le gouvernement français, stopper leur soutien aux énergies fossiles.Pour faciliter le travail du gouvernement, voici donc quelques idées :1) Abandonner définitivement les recherches d'hydrocarburesFrançois Hollande avait promis qu'il n'y aurait pas « pas d'exploration de gaz de schiste en France ». Alors que la fracturation hydraulique est interdite, une soixantaine de permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont toujours valables, parmi lesquels un nombre conséquent qui ciblent manifestement des hydrocarbures de schiste. Pire, le gouvernement a délivré deux nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux en Alsaceet Lorraine en 2013. Il encourage le développement de l'exploitation de nouvelles énergies fossiles comme les gaz de couche, par exemple à travers les permis Sud-Midi et du Valenciennoisdans le Nord-Pas-de-Calais qui devraient pourtant tomber sous le coup de la loi d'interdiction de la fracturation hydraulique. Par ailleurs, la société canadienne Vermilion Energy continue de forer en Seine-et-Marne tout en lorgnant vers les réserves de pétrole de schiste de la région et de cartographier les couches géologiques de roche-mère susceptibles d'en contenir : comme le demandent les collectifs citoyens contre les gaz et pétrole de schiste, la préfecture peut immédiatement s'opposer à la demande de recherches sismiques de l'entreprise Vermillon sur et autour de sa concession de Champotran en Seine-et-Marne.
Transition énergétique et gaz de schiste, les incohérences de Ségolène Royal et du gouvernement
Publié le 31 juillet 2014 par Blanchemanche
30 JUILLET 2014 | PAR MAXIME COMBES
Annoncé comme un projet phare du quinquennat, le projet de loi sur la transition énergétique que Ségolène Royal a fait adopter ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres ne saurait masquer les incohérences d'un gouvernement qui refuse d'écarter définitivement la recherche d'hydrocarbures.Certains des objectifs fixés par le projet de loi relatif à la « transition énergétique pour la croissance verte », adopté ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres, ne peuvent être balayés d'un revers de la main. Ainsi en est-il des objectifs consistant à vouloir diviser par deux la consommation d'énergie de la France d'ici 2050 et diminuer la consommation des énergies fossiles de 30 % d'ici 2030, les deux par rapport à 2012. Si l'on y ajoute les engagements de division par quatre des émissions de gaz à effets de serre (GES) d'ici 2050, tout en réduisant la part du nucléaire de 75 % à 50 % d'ici 2025, ces objectifs généraux donnent le cap d'un scénario de descente énergétique et de sobriété énergétique. C'est un pas décisif puisque l'administration et les grands énergéticiens français avaient toujours promu un accroissement de l'offre et refusé d'entendre parler d'un plafonnement ou d'une réduction de la consommation d'énergie française.Bien-entendu, une série d'objectifs spécifiques et intermédiaires ne sont pas suffisants au regard des exigences de la société civile. Ainsi en est-il de la réduction de la part du nucléaire, bien en-deçà des scénarios de sortie du nucléaire et des exigences post-Fukushima. D'autre part, se limiter à 40 % de réduction d'émissions de GES d'ici 2030 revient à repousser à l'après 2030 l'essentiel des efforts et à stocker dans l'atmosphère bien trop de GES sur la période 2015-2030 (voir ici pour plus d'explications). Ce qui revient peu ou prou à perdre 15 ans de lutte contre les dérèglements climatiques. Par ailleurs, les objectifs de développement des énergies renouvelables pour 2020 et 2030 pourraient être bien plus ambitieux.Néanmoins, si l'on décide de prendre au sérieux les grands objectifs mentionnés dans le projet de loi (et répertoriés dansce dossier de presse), alors ils peuvent servir de levier pour obtenir la mise en œuvre déterminée, rapide et continue de politiques et de décisions cohérentes, aussi bien de la part du gouvernement que des collectivités locales. Ainsi, pour se limiter à l'une des dimensions de cette exigence de cohérence, il est grand temps que le gouvernement stoppe son soutien au développement des énergies fossiles. Comment en pourrait-il être autrement lorsqu'on se fixe des objectifs de réduction de la consommation d'énergie fossile de 30 % d'ici 2030 et que l'on prétend à l'exemplarité et la cohérence dans la perspective de l'accueil de la conférence de l'ONU sur le climat à Paris fin 2015 ?Laurent Fabius a lui-même récemment exprimé son souhait de voir les pouvoirs publics, y compris le gouvernement français, stopper leur soutien aux énergies fossiles.Pour faciliter le travail du gouvernement, voici donc quelques idées :1) Abandonner définitivement les recherches d'hydrocarburesFrançois Hollande avait promis qu'il n'y aurait pas « pas d'exploration de gaz de schiste en France ». Alors que la fracturation hydraulique est interdite, une soixantaine de permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont toujours valables, parmi lesquels un nombre conséquent qui ciblent manifestement des hydrocarbures de schiste. Pire, le gouvernement a délivré deux nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux en Alsaceet Lorraine en 2013. Il encourage le développement de l'exploitation de nouvelles énergies fossiles comme les gaz de couche, par exemple à travers les permis Sud-Midi et du Valenciennoisdans le Nord-Pas-de-Calais qui devraient pourtant tomber sous le coup de la loi d'interdiction de la fracturation hydraulique. Par ailleurs, la société canadienne Vermilion Energy continue de forer en Seine-et-Marne tout en lorgnant vers les réserves de pétrole de schiste de la région et de cartographier les couches géologiques de roche-mère susceptibles d'en contenir : comme le demandent les collectifs citoyens contre les gaz et pétrole de schiste, la préfecture peut immédiatement s'opposer à la demande de recherches sismiques de l'entreprise Vermillon sur et autour de sa concession de Champotran en Seine-et-Marne. 2) Le complexe de l'énergie fossile français doit être ramené à la raisonLes investisseurs français, parmi lesquels Total et la peu connue mais très puissante multinationale Vallourec, seraient lestroisièmes investisseurs dans le gaz de schiste américain. A moins d'être inconséquent et incohérent, le gouvernement français devrait intervenir, y compris par de nouvelles dispositions législatives, pour que les entreprises siégeant sur le territoire français ne puissent mener des activités à l'étranger qui sont interdites sur le territoire national. Ainsi,Total, qui a notamment pu se positionner en Argentine, est aujourd'hui accusée d'avoir perdu une pastille radioactive dans un puits de gaz de schiste en Patagonie sans qu'elle n'ait prévenue les autorités locales compétentes : par son silence, le gouvernement français cautionne les agissements inacceptables de la multinationale française. Par ailleurs, il est proprement incroyable que GDF Suez et EDF, respectivement détenue à 36 % et 85 % par l'Etat français, puissent envisager d'importer du gaz de schiste depuis les Etats-Unis (voir ici pour GDF Suez etici pour EDF) sans que le gouvernement ne cherche à les en empêcher. Par son implication forte au sein de ces deux entreprises, le gouvernement français soutient donc le développement des gaz de schiste aux Etats-Unis, contribue aux dramatiques conséquences environnementales que supportent les populations riveraines, et, aggrave les dérèglements climatiques.Quelle cohérence ? Quelle exemplarité ?3) Ne pas encourager la production d'hydrocarbures de schiste par les accords de libre-échange« Permettre aux entreprises européennes d’importer des ressources énergétiques et matières premières des États-Unis ». Voilà une des missions qu'a assigné le commissaire européen au commerce, Karel de Gucht, au futur accord de commerce et d'investissement entre les Etats-Unis et l'UE. Comme l'affirme le mandat de négociations et un document secret qui a fuité au mois de mai, la Commission européenne cherche à faciliter l'importation de gaz et de pétrole de schiste, mais également de pétrole issu des sables bitumineux d'Alberta au Canada. Faciliter leur exportation encouragerait les producteurs d'hydrocarbures de schiste à étendre encore l'usage de la fracturation hydraulique sur le territoire américain. Et de ce côté-ci de l'Atlantique, plutôt que d'investir dans des programmes de sobriété et d'efficacité énergétique en mesure d'orienter l'économie européenne dans une ère post-fossile – politiques qui sont par ailleurs très fortement limitées dans le cadre de ce projet d'accord commercial – un tel accord contribuerait à maintenir et accroître une très forte dépendance aux énergies fossiles en Europe, qui est déjà de 60 % pour le gaz et de 85 % pour le pétrole. Le gouvernement français peut exiger l'abandon des négociations sur ce chapitre de l'énergie et des matières premières.4) Supprimer les financements climaticidesPar l'intermédiaire de la Banque européenne d'investissements (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque Mondiale, dont la France est un actionnaire majeur, mais aussi par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD), la Caisse des dépôts et consignation, la Banque publique d'investissements (BPI) et la Coface (organisme de garantie des exportations), ou encore le Fonds de réserve pour les retraites, la France, malgré quelques avancées récentes sur la diminution des financements en faveur du charbon, continue de financer directement ou indirectement des projets et des entreprises qui contribuent à renforcer la place prépondérante qu'occupent les énergies fossiles dans nos économies. Ségolène Royal et le gouvernement ont-ils l'ambition de revoir de fond en comble leur politique en la matière ou vont-ils continuer à se payer de bons mots non suivis d'effets ?5) Pour des politiques de recherche et d'innovation en faveur de la transition, pas des énergies fossilesLe gouvernement continue de soutenir des recherches publiques et appliquées en matière de développement des énergies fossiles. Ainsi l'université de Pau, financée en grande partie sur fonds publics, en partenariat avec Total, travaille sur la mise en œuvre de techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour exploiter les hydrocarbures de schiste. Au niveau européen, la Commission européenne a décidé d'octroyer 113 millions d'euros d'aide aux entreprises qui exploitent le gaz de schiste, et ceci dans le cadre d'un programme qui a vocation à encourager le développement d’énergies à faible émission de carbone. Ce sont donc des fonds publics qui sont détournés de leur attribution pour encourager la recherche et la production d'hydrocarbures de schiste. Ces mêmes hydrocarbures de schiste qu'il faudrait laisser dans le sol pour au moins un demi-siècle si l'on veut respecter les exigences climatiques : à quoi bon ? A l'inverse, les financements publics manquent pour développer des programmes de recherche-innovation de grande portée en matière de transition écologique et sociale, visant à favoriser le développement et la diffusion des techniques et pratiques appropriées sur les territoires. Ce n'est pas tout d'avoir reconnu la pertinence des dynamiques et interactions sciences-société dans le cadre de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, encore faudrait-il que cela suivi d'effets dans les financements et orientations de recherche en France.Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)PS : je ne saurais remercier suffisamment le travail des collectifs citoyens contre les gaz et pétrole de schiste sans lesquels le suivi de tous ces dossiers serait bien plus compliqué.
Annoncé comme un projet phare du quinquennat, le projet de loi sur la transition énergétique que Ségolène Royal a fait adopter ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres ne saurait masquer les incohérences d'un gouvernement qui refuse d'écarter définitivement la recherche d'hydrocarbures.Certains des objectifs fixés par le projet de loi relatif à la « transition énergétique pour la croissance verte », adopté ce mercredi 30 juillet en Conseil des ministres, ne peuvent être balayés d'un revers de la main. Ainsi en est-il des objectifs consistant à vouloir diviser par deux la consommation d'énergie de la France d'ici 2050 et diminuer la consommation des énergies fossiles de 30 % d'ici 2030, les deux par rapport à 2012. Si l'on y ajoute les engagements de division par quatre des émissions de gaz à effets de serre (GES) d'ici 2050, tout en réduisant la part du nucléaire de 75 % à 50 % d'ici 2025, ces objectifs généraux donnent le cap d'un scénario de descente énergétique et de sobriété énergétique. C'est un pas décisif puisque l'administration et les grands énergéticiens français avaient toujours promu un accroissement de l'offre et refusé d'entendre parler d'un plafonnement ou d'une réduction de la consommation d'énergie française.Bien-entendu, une série d'objectifs spécifiques et intermédiaires ne sont pas suffisants au regard des exigences de la société civile. Ainsi en est-il de la réduction de la part du nucléaire, bien en-deçà des scénarios de sortie du nucléaire et des exigences post-Fukushima. D'autre part, se limiter à 40 % de réduction d'émissions de GES d'ici 2030 revient à repousser à l'après 2030 l'essentiel des efforts et à stocker dans l'atmosphère bien trop de GES sur la période 2015-2030 (voir ici pour plus d'explications). Ce qui revient peu ou prou à perdre 15 ans de lutte contre les dérèglements climatiques. Par ailleurs, les objectifs de développement des énergies renouvelables pour 2020 et 2030 pourraient être bien plus ambitieux.Néanmoins, si l'on décide de prendre au sérieux les grands objectifs mentionnés dans le projet de loi (et répertoriés dansce dossier de presse), alors ils peuvent servir de levier pour obtenir la mise en œuvre déterminée, rapide et continue de politiques et de décisions cohérentes, aussi bien de la part du gouvernement que des collectivités locales. Ainsi, pour se limiter à l'une des dimensions de cette exigence de cohérence, il est grand temps que le gouvernement stoppe son soutien au développement des énergies fossiles. Comment en pourrait-il être autrement lorsqu'on se fixe des objectifs de réduction de la consommation d'énergie fossile de 30 % d'ici 2030 et que l'on prétend à l'exemplarité et la cohérence dans la perspective de l'accueil de la conférence de l'ONU sur le climat à Paris fin 2015 ?Laurent Fabius a lui-même récemment exprimé son souhait de voir les pouvoirs publics, y compris le gouvernement français, stopper leur soutien aux énergies fossiles.Pour faciliter le travail du gouvernement, voici donc quelques idées :1) Abandonner définitivement les recherches d'hydrocarburesFrançois Hollande avait promis qu'il n'y aurait pas « pas d'exploration de gaz de schiste en France ». Alors que la fracturation hydraulique est interdite, une soixantaine de permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont toujours valables, parmi lesquels un nombre conséquent qui ciblent manifestement des hydrocarbures de schiste. Pire, le gouvernement a délivré deux nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux en Alsaceet Lorraine en 2013. Il encourage le développement de l'exploitation de nouvelles énergies fossiles comme les gaz de couche, par exemple à travers les permis Sud-Midi et du Valenciennoisdans le Nord-Pas-de-Calais qui devraient pourtant tomber sous le coup de la loi d'interdiction de la fracturation hydraulique. Par ailleurs, la société canadienne Vermilion Energy continue de forer en Seine-et-Marne tout en lorgnant vers les réserves de pétrole de schiste de la région et de cartographier les couches géologiques de roche-mère susceptibles d'en contenir : comme le demandent les collectifs citoyens contre les gaz et pétrole de schiste, la préfecture peut immédiatement s'opposer à la demande de recherches sismiques de l'entreprise Vermillon sur et autour de sa concession de Champotran en Seine-et-Marne.