La rougeole contre le myélome

Publié le 30 juillet 2014 par Leprocrastinateur @Le_procrastin

Il y a quelques mois, a été publié une étude de cas concernant la rémission complète d’une patiente atteinte d’un myélome grâce au virus de la rougeole. Expliquons ceci.

D’un côté, nous avons le myélome multiple des os. Il s’agit d’un cancer – une prolifération cellulaire anormale et clonale (les cellules de la tumeur dérivent d’une seule cellule initiale) – touchant les plasmocytes : une des cellules de l’immunité (les globules blancs). Il s’agit donc d’une maladie hématologique, un cancer du sang, du même spectre que les leucémies.

De leukos, blanc en Grec. En effet, lorsque l’ont centrifuge le sang d’un patient atteint de leucémie il existe un important surnageant blanc. Logiquement, ce surnageant blanc qui contient les globules blancs (d’où leurs nom) n’est pas visible à l’œil nu.

En gros, la leucémie atteint les cellules à gauches du schéma (précurseurs lymphoïdes ou myéloïdes) alors que le myélome c’est à droite de lymphocyte B.

Néanmoins, les leucémies sont causées par des cellules tellement indifférenciées (tellement peu ressemblant au tissu d’origine) qu’elles ressemblent à du tissus embryonnaire (celui-ci pouvant donner tous les tissus de l’organisme). A l’opposé, le myélome est une prolifération anormale d’une cellule extrêmement différenciée puis qu’elle a atteint son degrés de spécialisation maximum : le plasmocyte. Celui-ci est dérivé du lymphocyte B, chacun d’entre eux porte des récepteurs sur sa membrane (des anti-corps). La cible de ces récepteurs – appelée antigène – va être un organisme pathogène (ou plutôt une protéine à la surface de cet organisme), virus, champignon, bactérie ou parasite. Ainsi, lorsque le lymphocyte B reconnaît sa cible – et donc détecte un intrus dans le corps humain – il se met très en colère et se transforme en plasmocyte, sorte d’usine à anticorps solubles (et non plus membranaires) qui iront se coller sur leurs cibles contribuant à la destruction du pathogène et a sa reconnaissance par d’autres cellules de l’immunités (dans ta face). Indispensable, donc. Le plasmocyte est une cellule qui ne se reproduit pas, une fois sa fonction finis, elle meurt par phénomène d’apoptose (ou suicide cellulaire). Mais pas dans le myélome où il existe une prolifération autonome de ces cellules.

En réalité, le lymphocyte B se multiplie avant de donner plusieurs plasmocytes, mais aussi des lymphocytes mémoires permettant une réaction immunitaire plus rapide lors du prochain contact avec l’antigène. C’est le principe de la vaccination d’amener le corps à fabriquer ces lymphocytes mémoires.

Les complications du myélomes sont les suivantes :

_Fractures osseuses et trouble du métabolisme du calcium => les plasmocytes vont réaliser des tumeurs de localisation osseuse (les plamocytomes) qui vont creuser l’os.

_Production d’une très grande quantité d’anticorps (tous les mêmes puisque tous les plasmocytes cancéreux dérivent d’un même clone) entraînant en particulier une atteinte rénale aggravée par l’hypercalcémie. Les anticorps vont s’accumuler dans les très petits vaisseaux du rein, cristalliser et altérer son fonctionnement. Mais aussi hyperviscosité sanguine qui augmente le risque d’accidents cardio-vasculaire et embolique (ça bouche dans les vaisseaux sanguins).

_Dysfonction de la moelle osseuse par envahissement (les plasmocytes prennent tellement de place, que les autres cellules ne peuvent plus se développer) avec baisse de l’immunité (les autres globules blanc), anémie (baisse du nombre de globule rouge) et trouble de la coagulation (les plaquettes).

Il s’agit d’une maladie grave que les traitement stabilisent plusieurs années mais avec très peu d’espoir de rémission, d’où l’intérêt de ce cas.

Tous les petits ronds noirs sont des lésions due au myélome. Il s’agit d’une radio du crâne.

De l’autre côté, nous avons la rougeole (aussi appelée 1ère maladie). Éruption cutanée très contagieuse de l’enfant du fait d’un paramyxoviridae pouvant parfois se compliquer d’encéphalites (infection du cerveau) ou de pneumonie mais aussi de kérato-conjonctivite (quelques dizaines de milliers de cas de cécité dans le monde chaque année). Il n’y a pas de traitement antivirus spécifique contre la rougeole mais un vaccin qui a très fortement réduit le nombre de cas en France – et le nombre de décès, environ 1300 par ans dans les années 30. La maladie n’est pas éradiquée en France, car la couverture vaccinale est  insuffisante, contrairement à la diphtérie, la poliomyélite… Ce vaccin, justement, est un virus de la rougeole vivant mais atténué artificiellement. Il perd sa capacité à infecter les cellules mais permet au corps d’apprendre à l’éradiquer. Il est administré conjointement au vaccin de la rubéole et des oreillons à 12 et 18 mois.

C’est le vaccin de la rougeole qui a justement été utilisé pour traitée cette patiente. Effectivement, la forme atténuée de la rougeole utilisée pour les vaccins (souche d’Edmonston) cible un récepteur sur-exprimée à la surface des cellules myélomateuses, et montrait in-vitro et sur l’animal une activité destructrice importante sur ces cellules cancéreuses en plus de diriger la réaction immunitaire de l’hôte contre le cancer. (Dans ta face le crabe).

Il y a quelques années, a été publié un article – fortement relayé dans les média en Angleterre – montrant un lien entre vaccination contre la rougeole et autisme. Cela a fait grand bruit, évidemment, les gens ne vaccinaient plus leurs enfants outre-manche.
Il se trouve que l’étude était fortement critiquable car portant sur 12 patients (même les dentifrices qui lavent les dents plus blanc que blanc, promis c’est prouvé scientifiquement , l’étude porte sur plus de patients…)
De plus l’auteur avait touché 400 000 livres avant de réaliser l’étude par un lobby anti-vaccin pour être leur expert attitré. A peine conflit d’intérêt.
De nombreuses études sérieuses (portant sur plusieurs milliers d’enfants) n’ont pas montré de lien entre autisme et vaccin depuis.

Les deux patients présentaient une maladie très évoluée ne répondant pas à de multiples lignes de chimiothérapies, et donc en échec thérapeutique complet. De plus, elles n’étaient pas immunisées contre la rougeole (ni vaccinée, ni antécédent de rougeole), les souris immunisées n’ayant pas répondu au traitement. Elles ont reçu l’équivalent d’un million de dose de vaccin de la rougeole, ce qui a été aussi mal supporté par l’organisme qu’une chimiothérapie (fièvre, vomissements, céphalées, thrombose au point d’injection….). Si les deux patientes ont répondus au traitement – avec disparition totale des lésions radiologiques – une seule a présenté une rémission complète sans ré-augmentation des anticorps ni des plasmocytes à 9 mois. Reste à surveiller régulièrement l’évolution pour monitorer une éventuelle rechute a distance.

Pourquoi c’est intéressant ?

_ A ce stade d’évolution de la maladie, il n’existait aucun traitement pouvant la freiner. Si une nouvelle chimiothérapie permettait une survie moyenne de 6 mois supérieur, cela aurait déjà été une révolution. Ici, il y a rémission complète à 9 mois chez une patient et disparition des lésions à l’imagerie chez l’autre.

_ C’est la première fois qu’un virus est utilisée par intra-veineuse pour cibler une tumeur. En France (CHU de Nantes)  avait été réalisée des injections intra-tumorale de rougeole – encore une fois – dans le cancer de l’ovaire et avait montré une certaine efficacité. Une injection systémique (dans la circulation sanguine) permet une action anti-métastatique.

_ Le virus de la rougeole atténué ciblait bien les cellules cancéreuses. Il avait été modifié pour que son entrée dans une cellule entraîne l’absorption d’iode. L’imagerie nucléaire à l’aide d’iode radioactif a permis de montrer l’infection des plamocytomes par le virus.

_ Il s’agit d’un nouveau champs de recherche contre le cancer aux possibilités infinis, alors que l’on voit les limites des chimiothérapies et des radiothérapies. Effectivement, il existe une quantité de virus différents, ils mutent, ils peuvent être modifiées artificiellement. Par exemple, un projet est de coller sur les virus des particules radioactifs (où comme ici, des canaux laissant passer les particules radioactives) qui viendraient se concentrer au sein de la tumeur, et même mieux, au sein de la cellule. L’association avec des thérapies ciblée, ou l’utilisation en prévention des rechutes après utilisation des chimiothérapies conventionnelles est également envisageable.

Je vous laisse méditer sur cette vidéo tirée du film  »je suis une légende »


 

Comment ça ils utilisent la rougeole contre le cancer et ça amènerait la fin du monde ?