D.R.
Magazine Culture
C'est ma copine Arsène qui m'a offert cette BD d'Art Spiegelman. Merci Miss !
Cette très épaisse BD (c'est une version intégrale), sombre, en noir et blanc, retrace l'histoire de Vladek Spiegelman pendant les années 1930-1940 et ses relations avec son fils Art, le dessinateur de BD, dans les années 1980. Dans cette bande dessinée, pas de visage humain. Les juifs sont des souris, les polonais des cochons, les allemands des chats, les américains des chiens, etc.
Régulièrement, Art se rend chez Vladek pour en savoir un peu plus sur son passé. De bon gré, son père lui raconte son quotidien dans les années 30 : c'est un jeune homme séduisant et plein d'avenir. Il épouse une riche héritière, Anja, et en a un fils, Richieu. En 1939, il est mobilisé par l'armée polonaise pour lutter contre l'Allemagne, fait prisonnier avant de regagner Sosnowiec. Les règles se durcissent envers les juifs : ils doivent porter l'étoile de David, respecter le couvre-feu, des exécutions sommaires servent d'exemple... Bientôt, les premiers mouvements de déportation et de rassemblement dans des ghettos se font jour. Vladek ne cesse de s'arranger pour faire vivre sa famille. Il éloigne Richieu, croit le mettre à l'abri. Jusqu'en 1944, Vladek se cache et déménage, de cachettes en planques. Mais c'est en essayant de passer en Hongrie qu'il est arrêté avec Anja et conduit à Auschwitz. Là-bas également, il ne cesse de s'adapter pour ne pas mourir. Il cultive le favoritisme des kapo et parvient à garder contact avec sa femme. Vladek survit au camp mais ce n'en est pas terminé pour autant. Commence alors la dispersion des prisonniers, avec les passages d'un camp à l'autre, les risques de croiser la wehrmacht en débâcle...
L'une des premières remarques après ma lecture, c'est que cette bande dessinée ne cherche pas rendre ses héros attachants. Vladek est un personnage tout sauf sympathique. Radin, autoritaire, intolérant, il exaspère son fils par ses nombreux travers (et le lecteur aussi). Peu confiant en la nature humaine, il ne compte que sur lui pour s'en sortir et c'est certainement ainsi qu'il survit. C'est d'ailleurs certainement ce qui m'a le plus gênée pour rentrer véritablement dans cette histoire : je n'aimais pas Vladek. Pas de victimisation ou de manichéisme, mais une vision sombre de l'homme, qui sauvera sa peau avant tout.
L'autre remarque, c'est que le dessin m'a bien plu, contrairement à pas mal de lecteurs. Le noir et blanc, qui permet à l'auteur de jouer uniquement sur les textures, est difficile à apprivoiser. Il donne une côté très sombre à cette histoire. Chaque case mérite que l'on s'y attarde, ou presque, car elle est souvent riche en détails (mimiques des personnages, sens des objets, des architectures).
Quant à la restitution historique, elle est bluffante : la montée des violences envers la communauté juive est bien montrée, reprenant les codes du nazisme et la paranoïa croissante de l'époque. Et la culpabilité des rescapés et de la génération suivante est aussi traitée.
Cette bande dessinée n'est pas un énième récit à partir des drames de la guerre. C'est un témoignage d'inspiration autobiographique sur l'holocauste. Un témoignage de la seconde génération qui voit sa famille complètement décimée.