Kama-iri cha 2014 : 1. Kumamoto

Par Florentw
J'ai pu réunir cette année une belle sélection de kama-iri chade Kyûshû, six au total, que je suis heureux de pouvoir présenter. Le kama-iri cha est un type de thé vert japonais plutôt rare aujourd'hui, qui subsiste essentiellement sur la grande île méridionale de Kyûshû, dans les départements de Miyazaki et Kumamoto surtout, puis ensuite dans ce ceux de Saga et Nagasaki.
A la différence des autres thés verts japonais, dont l'oxydation des feuilles est stoppée par étuvage, le kama-iri cha est traité par chauffage direct sur surface chaude, comme les thés verts chinois ou autres. A la fin du 19ème siècle, alors que l'industrie du thé se développe au Japon et que le sencha (étuvé) est vendu aux négociants étrangers, le gouvernement planifie une uniformisation des techniques dans le but d'améliorer la qualité pour plaire à ce précieux marché étranger. Dans cette mouvance, le kama-iri chan'avait pas sa place. Pourtant une poignée d'irréductibles producteurs résistent encore à la vapeur, et continue à produire du kama-iri cha. Néanmoins, dans de telles conditions, sans support du gouvernement, les techniques ont peu évolué, et surtout, à la différence des autres types de thé, les lignes de production ne sont pas clairement définies. Ainsi, il existe entre chaque producteur des différences notoires quant aux machines et méthodes utilisées. Aussi, les cultivars développés pour le kama-iri sont rares (Takachiho, Yamanami, …) Je commence ma présentation avec deux Kama-iri cha de Kumamoto (Ville de Ashikita) par M. Kajihara, qui produit aussi par ailleurs du riz, des oignons, des shiitake, etc. Il travaille sans pesticide et avec très peu d'engrais (essentiellement organiques).En plus de ses plantations de cultivar Yabukita et Oku-yutaka, de ses variétés botaniques « zairai-shu », il exploite aussi, chose très très rare au Japon, ce que l'on appelle « yama-cha », c'est à dire des théiers qui poussent dans la montagne de manière naturelle (je ne pense pas qu'il convienne d'appeler cela théiers sauvage, car même si cela peut remonter à des siècles, ils ont bien pour origine un théier qui fut planter de main humaine). Il s'en sert (malheureusement?) pour un kama-iri se rapprochant un peu d'un Oolong avec un flétrissement important. Voici en image :
Le premier de ses kama-iri cha sur Thés du Japon, est composé essentiellement de Yabukita, avec un peu de Oku-yutaka et de zairai.
La parfum de ce kama-iri cha est exemplaire, les arômes de châtaignes et de patates douces grillées au feu de bois sont extrêmement appétissants. Ce sont des senteurs très douces qui ne sont en rien fumées, ou même grillées dans le sens où l'on le comprendrait pour du hôji-cha par exemple. Bref, ce ne sont pas des odeurs de torréfaction du thé.
La première attaque en bouche montre comme une très subtile amertume, suivie ensuite d'arômes qui viennent rappeler les parfums de patate douce grillée, qui se répandent dans la gorge, pour finir par laisser place à une douceur un peu rustique. Ces impressions restent longtemps en bouche.
Cette liqueur me semble très dense, pleine, très stimulante aussi, et pourtant elle est aussi très rafraîchissante.
 J'y vois un kama-iri cha très réussi, avec une sorte de perfection authentique, pas celle des kama-iri de concours, doux et verts, pas si différent de thés étuvés, mais avec un vrai parfum kama-ka (ou du moins se qui s'en rapproche le plus, le vrai kama-kaétant accessible avec une fabrication manuelle), de la force, du caractère, et une simplicité qui en fait un thé à la fois gourmet et de grande consommation au quotidien.
La deuxième infusion gratifie toujours les sens d'un agréable parfum, mais la liqueur se fait plus douce et velouté. La troisième, avec de l'eau très chaude regagne en vigueur. Peu de douceur cette fois en bouche, un peu d'astringence, pour une liqueur vraiment gouleyante, dont on profite surtout du parfum.
Le deuxième thé provient de la plantation de "zairai-shu", il propose des senteurs très différentes, moins évidentes dans la tasse, elles sont denses et complexes dans la théière. Les notes de patate douce grillée sont présentes, mais estompées, se partageant la donne avec de doux arômes floraux, un brin crémeux, sur une texture d'humus et de forêt humideL'aspect floral me semble en parti du a un flétrissement, léger, et surtout bien maîtrisé, puisque je n'en retrouve pas les défauts communs (liqueur orangée, sorte de douceur écœurante dans la liqueur : ici rien de cela !).
La liqueur est ici néanmoins plus ronde et veloutée. La légèreté des variétés botaniques (zairai-shu) face aux cultivar est peut être une des raisons à cela. Ce thé s'exprime beaucoup dans l'after, bien présent, long, sans être envahissant. On y retrouve la même douceur rustique, simple que dans l'autre thé, avec en plus cette petite touche florale. 
Zairai-shu oblige, sur chaque session, on pourra noter des différences notoires, le thé étant composé de feuilles provenant d'arbres tous différents.
Si les infusions suivantes donnent une liqueur plus légère et douce, il me semblent qu'elle apporte un after plus doux et sucré aussi. Mais la liqueur est là aussi très gouleyante.Ces deux kama-iri, malgré leur différences de saveurs et de parfums évidentes, ont quand même un je-ne-sais-quoi qui les fait se ressembler, difficilement explicable mais on a là deux créations portant la touche du producteur M. Kajihara. Le premier est un authentique bon kama-iri cha, gourmet car de grande qualité, de tous les jours aussi de part sa simplicité, c'est un thé dont on ne se lassera pas. Le deuxième est plus complexe, avec une petite touche exotique et une rondeur qui « rempli » plus. Pourtant il ne cherche pas à copier des thés étrangers, et reste un kama-iri cha japonais de Kyûshû.
Je vous laisse avec quelques images de la splendide plantation "zairai" de M. Kajihara.




Il s'agit d'une photo prise plusieurs semaines avant les récoltes, mais il est intéressant d'y observer les différences d'avancement de la pousse des bourgeons. En effet, en zairai, chaque arbustes étant différent, leur croissance aussi. C'est bien sûr une des raisons qui rendent ces variétés botaniques difficiles à exploiter.