Titre original : Dawn of the Planet of the Apes
Note:
(moyenne)Origine : États-Unis
Réalisateur : Matt Reeves
Distribution : Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman, Keri Russell, Toby Kebbell, Kodi Smit-McPhee, Judy Greer, Jocko Sims…
Genre : Science-Fiction/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 30 juillet 2014
Le Pitch :
Dix ans se sont écoulés depuis les événements qui ont vu un groupe de singes évolués quitter le centre de San Francisco pour rallier la forêt toute proche. Dix années durant lesquelles un virus incontrôlable a décimé l’espèce humaine, désormais réduite à quelques poignées d’individus disséminés aux quatre coins du globe. Les singes de leur côté, se sont établis dans les bois. Dirigés par César, ils mènent une existence paisible, loin de la ville, sans se soucier des humains.
Un événement fortuit amène néanmoins les deux espèces à se rencontrer. Méfiants, César et ses congénères décident pourtant de tenter par tous les moyens de maintenir la paix. Une paix fragile qui ne cesse de vaciller…
La Critique (Nicolas) : Note: : ICI
La Critique (Gilles) : Note: :
Il était une fois un roman culte intitulé La Planète des Singes. Un livre de Pierre Boulle qui donna lieu à un chef-d’œuvre du septième-art. S’ensuivirent plusieurs suites très inégales et une sympathique série télé. Classique de la science-fiction, La Planète des Singes a fasciné plusieurs générations, tant pour sa faculté à imaginer un futur spectaculaire car terriblement imaginatif, que pour son ambition à mixer des thématiques puissantes et universelles, tendant du même à coup à l’homme un miroir au reflet aussi terrifiant que réaliste dans sa faculté à extrapoler de manière pertinente les travers de l’espèce humaine.
Normal que le cinéma ait souhaité revenir sur La Planète des Singes. L’évolution de la technologie et la modernité du propos justifiant pleinement la démarche. Pas échaudé par le tragique échec artistique du remake de Tim Burton, passé à la trappe, Hollywood décida de raconter les origines de la saga. De nous parler de César, le premier singe évolué et de nous livrer un pur chef-d’œuvre d’émotion aussi spectaculaire que fédérateur.
La suite, la voici enfin. César est à la tête d’une population grandissante de singes. Pacifiques, ils vivent dans les bois, en autarcie et ne s’occupent pas d’un monde « humain » réduit à des hommes aux abois. Dévasté par le même virus qui, paradoxalement, a fait évoluer les singes, l’humanité s’accroche à des chimères et paye le prix de son désir effréné de jouer à Dieu, sans en accepter les conséquences.
Menés par un personnage incarné par Gary Oldman, les hommes tentent de rétablir le courant pour peut-être joindre d’autres groupes et ainsi s’unir pour retrouver la force de « conquérir à nouveau le monde », comme le leader l’annonce clairement à la populace. Les habitudes ont la vie dure. Ces mêmes habitudes qui vont pousser l’un de ses survivants à presser la gâchette, allumant ainsi le brasier de la guerre…
La guerre. C’est la thématique principale annoncée de cette suite tant attendue. À l’arrivée, malgré une promo en effet assez brutale, c’est heureusement l’émotion qui prime. La continuité avec le premier épisode est bien là, malgré le changement de réalisateur. La Planète des Singes : L’affrontement prend ainsi son temps pour installer son décors, pour développer ses personnages -anciens ou nouveaux- et ses enjeux. La guerre se devine avec un peu plus d’aisance au fil des minutes, mais tout compte fait, ce n’est pas elle qui fait du film de Matt Reeves ce qu’il est vraiment.
La suite -le troisième volet- s’en chargera probablement, mais en attendant, c’est à une opposition isolée que le long-métrage s’intéresse principalement. Celle qui va à nouveau transformer San Francisco en champs de bataille. D’un côté les humains, affaiblis car encore sous le traumatisme de l’épidémie qui les a privé de leurs biens, de leur confort et de leurs proches, et de l’autre les singes, qui ne cherchent qu’à vivre dans la paix. Les premiers veulent « récupérer », tout en réaffirmant leur supériorité, tandis que les seconds cherchent à « protéger ».
Très malin car basé sur une écriture vive, réaliste, immersive et toujours complètement en phase avec des préoccupations bel et bien actuelles, La Planète des Singes : L’affrontement est également un brillant pamphlet politique qui à lui seul dresse un constat sans appel et sans concession, sur la quête et la représentation du pouvoir, tout en nous renvoyant à certaines heures sombres de notre histoire (concernant les États-Unis tout particulièrement). Et ce, dans les deux camps.
Là est peut-être un point sensible. Dans ce nouveau film, les singes -certains d’entre eux en tout cas- tendent à calquer leur comportement sur celui des humains. Surtout les mauvais. Quand les choses tournent au vinaigre et que la violence semble être la seule solution envisageable. De plus en plus évolués, les primates -toujours certains d’entre eux- perdent de leur si précieuse innocence au profit d’une attitude plus « humaine ».
Cela dit, on ne peut pas parler de défaut, car cette évolution reste complètement pertinente si on garde en tête la finalité de toute la saga. Finalité exposée dans le tout premier film, de Franklin F. Schaffner.
Très sombre, sans concession au niveau de son propos et de son identité profonde, L’affrontement s’avère plus qu’à son tour émouvant. Le pilier, et du même coup le principal vecteur de cette émotion, César, confirme sa place de vrai héros de cinéma, et porte en grande partie une œuvre qui ne perd pas le contact avec ses origines. Le personnage lui aussi évolue et c’est cette évolution, si brillamment illustrée, qui contribue à faire du film quelque chose de grand et d’intense.
Sur le fond, La Planète des Singes : L’affrontement tient ses promesses, même si on pourra regretter une structure scénaristique plus conventionnelle. L’effet de surprise n’est plus là, tout comme le côté intimiste du premier volet.
Ceci dit, la saga prend de l’ampleur, ce qui rime bien évidemment avec grand spectacle. De quoi faire la liaison avec la séquence si marquante à la fin de La Planète des Singes : Les Origines, alors que les singes prenaient la fuite sur le Golden Gate Bridge.
Sur un plan purement visuel, le film de Matt Reeves est un chef-d’œuvre. Une vibrante célébration d’une technique de pointe totalement au service d’une vraie histoire solide. Les singes sont troublants de réalisme. Andy Serkis assoit un génie ahurissant, contaminant de son talent toute la distribution simiesque, pour au final créer une communauté d’êtres plus vrais que natures.
Alors qu’ils évoluent devant nos yeux, les singes et leur environnement font complètement oublier qu’il s’agit là d’effets-spéciaux. La technologie de pointe s’efface au profit d’un nouveau langage qui ici, encore davantage, prouve sa légitimité. La performance capture n’est finalement pas si différente des costumes et masques de latex du premier film. Les masques ont simplement changé de matière et c’est toujours le talent des comédiens qui confère une âme à ses personnages si attachants.
En face forcement, du côté des humains, seuls deux protagonistes arrivent à vraiment tirer leur épingle du jeu, mais c’était déjà plus ou moins le cas dans Les Origines. Jason Clarke prend la relève de James Franco et assure comme une bête, à fleur de peau, tandis que Gary Oldman montre les dents avec le talent qui le caractérise. Cela dit, personne ne démérite et chacun à sa façon tient son rôle avec conviction.
Libérateur et leader des singes, César devient aujourd’hui l’un des premiers vrais héros de la performance capture. Aux côtés de Gollum (Serkis, omniprésent), il est l’illustration parfaite d’une technique qui peut faire avancer les choses et servir l’art, à contrario des démonstrations de force putassières vides de sens (Michael Bay si nous lis). La Planète des Singes : L’affrontement est pour sa part un vrai blockbuster, qui a des choses à nous dire sur nous-mêmes et sur nos comportements. Dis comme cela, une telle affirmation peut paraître exagérée, mais au fond, quand on y pense un peu, c’est vraiment le cas. Cette suite, alliée au premier volet, redore le blason de l’œuvre de Pierre Boulle pour lui redonner sa pertinence et sa puissance évocatrice.
Ce qui ne gâche rien, bien au contraire, c’est qu’on en prend plein les yeux. En permanence. Via les décors, sublimes, tout comme la photographie, et les nombreuses séquences d’action à se décrocher la mâchoire. Parcouru de morceaux de bravoure confirmant le talent de Matt Reeves, dont la mise en scène lisible, est aussi efficace dans l’action pure que dans les moments plus intimistes, L’affrontement se place dans la noble tradition d’un cinéma grand public intelligent. Un cinéma terriblement ambitieux, ultra spectaculaire et bouleversant, qui se paye le luxe de penser à voix haute. Hail Caesar !
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France