C’est une fierté d’être français, de célébrer la fête nationale au milieu de touristes étrangers fascinés par une
cérémonie qui transcende les partis et qui exprime les valeurs universelles de la France. Première partie.
J’ai peu l’habitude d’assister à des cérémonies du 14 juillet à Paris et il me semble que je n’ai
jamais vu de défilé que lorsque j’étais enfant. Pour la fête nationale, les Parisiens et ceux qui se trouvaient à Paris pouvaient passer leur journée à célébrer le 14 juillet. J’ai préféré la
partie vespérale, plus festive et moins guerroyante.
Sous l’impulsion de la Ville de Paris, France Télévisions et Radio France ont organisé un concert au pied de la Tour Eiffel le soir du lundi 14 juillet 2014. C’était la seconde édition, l’idée a germé en 2013, et
vu son succès, nul doute que le rendez-vous est déjà pris pour le 14 juillet 2015.
Ce n’est pas forcément évident de rassembler du monde pour un concert de musique dite classique. Néanmoins,
la "démocratisation" de la musique est une affaire de circonstances. Entre cinq et sept cent mille personnes étaient venus au Parc du Champ de Mars, derrière la Tour Eiffel, pour assister à ce
concert gratuit, tandis que France 2 qui retransmettait en direct a enregistré une audience de plus de trois millions de téléspectateurs.
J’avais eu la chance d’avoir une invitation pour me retrouver juste devant la scène. Il y avait beaucoup de
monde sur la pelouse parfois encore boueuse des dernières pluies, mais la météo était clémente, le ciel s’était dégagé, et surtout, la chaleur commençait à monter, rendant la soirée très agréable
et douce.
Pour atteindre l’emplacement, j’ai attendu au moins trois quarts d’heure dans une file étroite et très longue
du côté de la rue du Général Ferrié, le temps de vérifier les noms. La file était bon enfant, joyeuse, pas stressante, et beaucoup de passants, surtout étrangers, demandaient à quoi elle servait,
car sans l’invitation qu’on avait pu se procurer quelques jours auparavant, l’attente aurait été inutile.
J’ai d’ailleurs été impressionné, autant au début qu’à la fin de la soirée, quand tout le monde est rentré
chez soi, par la très bonne organisation des forces de l’ordre qui avaient réussi à canaliser au mieux les mouvements de la foule tout en réduisant au maximum le blocage de la circulation, des
automobiles (ponts et quais interdits) et des transports en commun (RER, métro, bus, autour de la Tour Eiffel).
Pendant l’attente, les participants grignotaient leur casse-croûte pendant que certains artistes arrivaient.
J’ai ainsi aperçu Natalie Dessay un peu désorientée avec autant de monde pour retrouver sa loge.
Au milieu de la foule, sur un podium, officiait l’animateur bien connu Stéphane Bern, esquissant de grands
sourires en attendant l’heure, et que les présents n’ont pas entendu (heureusement) car sa présentation était uniquement destiné aux téléspectateurs.
Les présidents de Radio France, Mathieu Gallet, et de France
Télévisions, Rémi Pflimlin, étaient venus également, et ils ont accueilli peu après le début du concert, en visite surprise, le Président de la République François Hollande, assez friand de ce genre de manifestations, le Premier Ministre Manuel Valls et la maire de Paris Anne Hidalgo, restant debout quelques minutes juste devant la scène, le bruit des photographes devait cependant couvrir la musique près
de leurs oreilles. L’aréopage (suivi d’une nuée de journalistes) a ensuite quitté les lieux en plein milieu d’un morceau chanté (ce que j’ai trouvé assez malpoli) pour traverser la Seine dans une
petite embarcation électrique et s’installer au Palais de Chaillot dans l’optique du feu d’artifice qui
allait suivre.
Sur la scène, s’était installé l’Orchestre National de France dirigé par son directeur musical Daniele Gatti.
Petit pincement au cœur lorsqu’on sait que l’un de ses illustres prédécesseurs, pendant longtemps, de 1977 à 1991, Lorin Maazel, malade, venait de
mourir la veille, le 13 juillet 2014, à l’âge de 84 ans. Aucun hommage n’a cependant été fait publiquement sur scène.
Au-delà des musiciens, les chanteurs : les deux chorales de Radio France intervenaient aussi selon les
morceaux, à savoir, le Chœur de Radio France dirigé par Matthias Brauer, et, chez les plus jeunes, la Maîtrise de Radio France dirigée par Morgan Jourdain.
Le programme était un pot-pourri de mouvements plus ou moins célèbres pour faire sens au plus grand nombre.
Les morceaux se sont succédés assez rapidement sur la scène, avec des allées et venues des sept chanteurs solistes qui étaient les stars de la soirée : Piotr Beczala (ténor), Natalie Dessay
(soprano), Lawrence Brownlee (ténor), Elina Garanca (mezzo soprano), Laurent Naouri (baryton), Anna Netrebko (soprano) et Olga Peretyatko (soprano).
Le cadre était gigantesque, populaire, sans doute pas parfait en terme d’audition (un gros haut-parleur
"friturait" lorsque le volume était faible), mais la ferveur et la joie étaient présentes, et cela pouvait susciter intérêt pour de la musique généralement peu accessible à toutes les
bourses.
J’ai particulièrement apprécié le Duo des fleurs "Viens Malika" dans "Lakmé" de Léo Delibes, chanté par les
ravissantes Olga Peretyatko et Elina Garanca.
Toutefois, celle qui m’a le plus impressionné fut Anna Netrebko dont la voix était exceptionnelle, pour sa
seule prestation, "La mama morta" dans "André Chénier", un opéra d’Umberto Giordano.
Les enfants chantant "Avec la garde montante" dans "Carmen" de Georges Bizet furent également savoureux.
L’alternance de morceaux d’opéra moins connus et de morceaux de musiques très célèbres, comme "Aida" de Verdi
(avec Piotr Beczala), la Marche n°1 de "Pomp and circumstance" d’Edward Elgar, "La Chevauchée des Walkyries" de Wagner, "Star Wars" de John Williams et même le duo "J’avais tellement peur de ne
pas te trouver" dans "Les Parapluies de Cherbourg" de Michel Legrand (chantés par Natalie Dessay et Laurent Naouri) apportait une diversité de répertoire très équilibrée.
Natalie Dessay et Laurent Naouri étaient aussi en duo pour "Bist du bei mir" de Gottfried Heinrich Stölzer,
et Elina Garanca a également chanté "Ah que j’aime les militaires" dans "La Grande duchesse de Gerolstein" d’Offenbach. Je ne cite pas tous les morceaux (au nombre de dix-sept).
Le concert s’est naturellement achevé sur "La Marseillaise" de Berlioz chantée par tous les solistes invités
à cette soirée. Le feu d’artifice a démarré dès la fin de cette Marseillaise.
Le seul concert du 14 juillet auquel j’avais assisté jusqu’alors, à Paris, c’était le 14 juillet 1989, pour la Bicentenaire de la Révolution, je
devais être du côté de la rue George V et j’avais mieux vu sur les écrans géants que vers les Champs-Élysées remplis de monde. Jessie Norman avait été la star de la soirée devant des dizaines de
chefs d’État.
C’était un peu de cet esprit populaire sans les pompes officielles que j’ai retrouvé cette année, et c’est pour cela que je trouve l’idée d’en faire
désormais une tradition récurrente est excellente : les musiciens et les chanteurs doivent parfois quitter les salles de concert ordinaires pour rencontrer la ferveur populaire.
Pour le nouveau président de Radio France, Mathieu Gallet (qui n’est pas à l’origine de ce concert), c’est justement ce genre de manifestations qu’il
souhaite développer pour faire de la musique, toute sorte de musique, une musique pour les gens, pour le peuple, accessible à tous. Le succès d’audience de cette soirée peut ainsi le conforter
dans cette intuition.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (29 juillet
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Concert du 14 juillet
2014 à Paris (sur France 2).
Concert du 14 juillet 2014 à Paris (sur France Musique).
L’interview présidentielle du 14 juillet 2014.
Le feu d’artifice du 14 juillet
2014.
La Bastille et le 14
juillet.
Mathieu Gallet.
Lorin Maazel (1930-2014).
Un couple.
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/fete-nationale-2014-1-le-concert-154981