Paul Eluard...une poésie tâtonnante (1914 à 1935)

J'ai un visage pour être aimé est un recueil regroupant des extraits choisis des recueils poétiques de Paul Eluard.
Ce recueil suit une chronologie précise (1914-1951) au cours de laquelle on voit évoluer l'écriture du poète qui est toujours conditionnée par le contexte politique, culturel et social.
Si vous ne savez pas que recueil lire, je vous conseille ce livre qui vous donne un aperçu de la poésie d'Eluard. Je connaissais  vraiment bien Capitale de la douleur, Poésie ininterrompue, L'Amour la poésie. J'avais lu quelques poèmes du Rendez-vous allemand, mais c'est tout. Grâce à ces extraits choisis, j'ai réussi à avoir une vue assez panoramique de la poésie d'Eluard.
Quelques mots sur Paul Eluard.Eugène-Emile-Paul Grindel naît en 1895 à Saint-Denis. Dès 1912, il arrête ses études car il tombe malade. A la fin de sa rémission, il est mobilisé en 1914 en tant qu'infirmier. Il va signer ses premiers poèmes Eluard -nom de sa grand-mère (Oh! Comme Patrick Bruel!) Dès 1918, il publie Poèmes pour la paix avant de rencontrer les Dadaïstes, puis les Surréalistes qui influenceront majoritairement sa poésie. Ensuite, il s'associe à Breton et Aragon et vont former un trio "surréaliste" infernal, le pilier triangulaire de ce mouvement. Après quelques disputes avec Aragon, il quittera le Parti Communiste. Durant la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement sous le manteau, il livrera ses poèmes virulents, sa poésie de Résistant. Après la guerre, il reviendra à son premier amour poétique: la poésie amoureuse où la Femme tiendra une place essentielle pour ne pas dire unique.Il meurt en 1952 d'une crise cardiaque.
I. 1914-1918

II. Les animaux et leurs hommes les hommes et leurs animaux (1920)III. Nécessités de la vie et les conséquences des rêves (1921)

IV. Répétitions (1922)

V. Capitale de la douleur (1926)
- Il s'agit ici d'une poésie toujours pastorale où la nature et la campagne sont omniprésentes.- Le lyrisme y est exacerbé: le poète projette sa propre intimité dans la nature.- On a aussi une poésie qui devient de plus en plus cosmique: le poète ne fait plus qu'un avec l'univers qui l'entoure. La poésie demeure alors le seul lien indéfectible entre le poète et le monde. Elle crée l'osmose, l'harmonie chérie et tant recherchée par Paul Eluard- La poésie d'Eluard reste toujours sous l'égide de la nouveauté, du renouveau; et par extension c'est le temps  et son passage inexorable qui est majoritairement traité: le temps qui passe, le temps qu'on perd, le temps qui reste, ce passé irrécupérable, ce présent insaisissable et ce futur incertain.- Capitale de la douleur est une sorte de périphrase métaphorique qui désigne le cœur humain car il est toujours, chez notre poète, question d'amour. Le couple prend une place prédominante et doit fusionner avec cette nature luxuriante et mystérieuse.- La seule chose qui soit certaine dans ce monde fébrile et fragile, c'est l'Amour et par analogie la poésie. La poésie est le moyen de dire et il y a chez Paul Eluard une nécessité urgente de dire le monde, de se dire, de parler, d'exprimer ce sentiment d'amour comme si la poésie permettait de tout livrer.

petite coquille: "j'entends vibrer ta voix.."

VI. 1926-1928: Les dessous d'une vie ou la pyramide humaine; Défense de savoir.
- Le premier recueil rassemble des petits poèmes en prose qui prouvent l'extension et l'extensibilité de la poésie. L'expression lyrique semble aller au-delà du vers; elle transcende la versification et les codes.- Dans Défense de savoir, on a davantage une poésie qui se veut scientifique, philosophique. Le poète questionne son rôle dans ce monde, sa place dans l'univers et surtout il interroge son rapport à l'Autre.VII. 1929-1932: L'Amour la poésie; A toute épreuve; La Vie immédiate.
- L'amour la poésie est, je pense, mon recueil préféré d'Eluard. C'est la poésie surréaliste par excellence et c'est celle que j'affectionne tout particulièrement. Le poète confronte des images contradictoires pour justement atteindre cette surréalité escomptée.- Il y a la résurgence de l'atmosphère bucolique et l'expression d'un "je" lyrique qui se cherche à travers et grâce à la poésie.- C'est une poésie qui reste amoureuse.  L'amour est le sentiment qui élève l'homme au-delà de sa condition, au-delà de lui-même, au-delà la réalité. L'Amour permet alors l'accès à cette Surréalité.Mise en musique du poème d'Eluard "Je te l'ai dit..." par Jenifer.- Dans La Vie immédiate, on retrouve les thèmes Eluardiens: l'Amour, la Femme, la Nature. L'évolution de l'histoire d'amour se fait par le passage du vers morcelé à la prose poétique ininterrompue.VIII. 1934-1935: La Rose publique; Facile.
- La Rose publique dresse un bilan sur l’amour perdu. On a affaire à une régression de l'état mental du poète qui remet en question sa condition humaine et sa condition de poète.- On note toujours un même mouvement chez Eluard: c'est lorsqu'il est au plus bas qu'il se permet d'espérer encore et toujours. Une fois l'espoir de nouveau acquis, il peut saisir le bonheur qui lui est offert. Et une fois qu'il en a fait le tour, il a l'impression d'avoir perdu quelque chose alors il resombre dans un désespoir qu'il recycle en espérance...- De la même façon, il se cherche et quand il s'est trouvé, il remet en question sa propre présence au monde.-Facile montre une évolution dans la mesure où la poésie ne se centre plus sur ce "je" récurrent mais elle est projetée sur un "tu". Et c'est peut-être là, la réponse à la question existentielle de la poésie selon Eluard. Le poète s'oublie au profit de l'Autre et réfléchit à l'impact qu'a la Femme sur lui.