Premier long-métrage pour la réalisatrice Jennifer Kent, qui met en scène un récit horrifique lorgnant souvent vers Shining. Un film d'une très grande maîtrise, et qui aurait pu prétendre au titre de l'oeuvre la plus flippante de l'année si la fin n'avait pas été aussi bâclée.
Très surprenant que ce Mister Babadook. En effet, il s'agit d'un premier film, avec tout ce que cela pourrait induire en termes de manque d'expérience, mais qui fait preuve d'une étonnante maîtrise, arrivant sans difficulté à tenir la comparaison face aux modèles du genre. On pourrait croire que la metteur en scène Jennifer Kent est une inconditionnelle de films d'épouvante pourtant, comme elle nous l'a indiqué (nous avons eu l'occasion de la rencontrer lors de la projection), ce n'est pas tant le genre qui l'a amenée à faire ce long-métrage - son prochain sera totalement différent selon elle - que la dimension psychologique extrêmement importante qu'elle a pu apporter à cette histoire. Car il s'agit surtout d'un drame, bien plus que d'un simple film d'horreur, dans lequel une mère et son fils ont à régler une situation conflictuelle manifeste. Leur relation tourmentée est bien entendu au centre de l'intrigue, la réalisatrice insistant par exemple sur l'attraction/répulsion qu'éprouve cette mère désemparée et proche du burn-out face à son exaspérant et insondable fils. Cette sorte d'intellectualisation confère au récit une certaine tension, car l'on en vient à tour à tour détester ou comprendre les actions de chaque protagoniste, en appréhendant ainsi leur plus ordinaire interaction (entre eux ou avec leur entourage) autant que les apparitions de ce Mister Babadook à proprement parler.
Quant au monstre en lui-même, il est terrifiant. Qu'il se matérialise soudainement à l'écran, qu'il soit simplement représenté dans le livre mystérieux que trouve le fils, ou qu'il soit tout juste évoqué au détour d'une réplique, Mister Babadook fait peur comme quasiment aucun autre monstre n'avait fait peur auparavant dans un film du genre. Et pendant la première heure, on peut vous le confirmer : Jennifer Kent parvient à instaurer une atmosphère pesante et angoissante avec peu de moyens et surtout peu d'effets (elle n'a pas fait appel aux effets numériques par exemple, expliquant que le côté tangible des trucages renforce la crédibilité). Elle joue habilement avec les attentes des spectateurs, notamment dans sa manière de susciter un sentiment d'oppression en quelques plans (les dessins du livre sont vraiment inquiétants). Et l'on peut également noter le travail remarquable sur les effets sonores. Puis, au bout d'une heure, le film commence à basculer et à faire dans la surenchère. Dans la dernière demi-heure du métrage, l'horreur fait place à une sorte de délire grand-guignolesque. Tout n'est pas mauvais, et certaines scènes sont franchement impressionnantes, mais l'on ne peut que se sentir un peu frustrés de voir que ce qui était jusqu'à présent irréprochable devient d'un coup beaucoup moins maîtrisé, remplaçant la subtilité du discours par une accumulation de clichés maladroits. On tenait peut-être le meilleur film du genre de l'année, et il s'avère au final tout juste excellent…
On pense souvent à Shining et à Dark Water, excusez du peu, et bien qu'il ne maintienne pas son niveau qualitatif, ce Mister Babadook s'impose néanmoins comme l'un des incontournables du genre, par une réalisatrice dont la carrière est à suivre.
Titre original
The Babadook
Mise en scène
Jennifer Kent
Date de sortie
30/07/14 avec Wild Bunch
Scénario
Jennifer Kent
Distribution
Essie Davis, Daniel Henshall & Noah Wiseman
Photographie
Radoslaw Ladczuk
Musique
Jed Kurzel
Support & durée
35 mm en 2.35:1 / 94 minutes
Synopsis : Depuis la mort brutale de son mari, Amelia lutte pour ramener à la raison son fils de 6 ans, Samuel, devenu complètement incontrôlable et qu'elle n'arrive pas à aimer. Quand un livre de contes intitulé 'Mister Babadook' se retrouve mystérieusement dans leur maison, Samuel est convaincu que le 'Babadook' est la créature qui hante ses cauchemars. Ses visions prennent alors une tournure démesurée, il devient de plus en plus imprévisible et violent. Amelia commence peu à peu à sentir une présence malveillante autour d’elle et réalise que les avertissements de Samuel ne sont peut-être pas que des hallucinations...