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Bis !

Publié le 29 juillet 2014 par Bmgeneve

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Le bis est ce moment particulier dans un concert et dans la vie d’un musicien comme dans celle du public, où le temps s’arrête en un instant de grâce, hors des contraintes et du contrat. C’est le cadeau offert par l’artiste à la fin de son récital ou de son concerto, au moment précis où il n’a plus rien à prouver, libéré soudainement de la tension de l’effort et de la concentration extrême. Pas encore calmé des effets de l’adrénaline, mais déjà sous l’effet de l’euphorie de l’après-concert. C’est une traîne de bonheur, prolongeant de quelques minutes un état de communion avec le public.

Du point de vue du public, le bis est cette supplication – « Encore ! » – faite à l’artiste de ne pas clore le moment de grâce, de ne pas quitter la scène sans un petit prolongement de bonheur. Le bis est comparable en gastronomie au dessert : plus personne autour de la table n’a faim ; c’est le moment d’étonner une dernière fois les papilles gustatives par la douceur d’un dessert coloré et crémeux.

Hilary Hahn lança il y a quelques années une invitation à 26 compositeurs d’aujourd’hui à lui composer un bis pour violon et piano en un seul mouvement et ne devant pas excéder 5 minutes. 26 pièces comme autant de parenthèses de bonheur de la part de compositeurs des quatre coins du monde, qui ont tous répondu présent à cette étrange et enthousiasmante sollicitation. On y entend certes les réminiscences des grands bis du passé comme ceux de Fritz Kreisler par exemple, mais aussi cette liberté de plume de ceux qui n’ont – comme l’interprète à la fin du concert – plus rien à démontrer, car tout est accompli. Des compositeurs dans leur temps, mais qui ne doivent plus rien à la doxa forcément tyrannique de leur époque, de l’Ecole dont ils proviennent car, n’est-ce pas ?, il ne s’agit que d’un bis en marge de l’œuvre du compositeur, une mignardise !

Et le 27ème ? qui est le compositeur du 27ème bis, puisqu’au final il y en 27 ? Comme un bouquet final au bouquet final, Hilary Hahn eut l’idée de lancer un appel public pour conclure en apothéose la collection et elle reçut pas moins de 400 partitions ! Il ne lui restait plus qu’à choisir ! Mais qui est-il, ce compositeur anonyme qui allait sortir brusquement de l’anonymat ? Hilary Hahn ne le précise pas ! Comme aucun de ces compositeurs n’est une célébrité internationale, le doute est permis. Finalement, elle nous laisse le soin et le plaisir de choisir notre 27ème, celui dont l’œuvre sera un couronnement de notre écoute.

Pour moi, je crois bien que le 27ème est bien le 27ème et dernier de l’album, ce « Mercy » de Max Richter, compositeur actif dans les musiques de films ; une méditation d’une infinie douceur, une séparation d’avec la musique sur la pointe des pieds, un chuchotement.

Concernant cet album, je ne veux pas étaler les superlatifs : tout, absolument tout y relève du cadeau : de l’idée de départ du génial concept, en passant par toutes les phases de sa réalisation, jusqu’à notre écoute émerveillée du produit fini. Et s’agissant d’Hilary Hahn il n’y a pas grand-chose à ajouter non plus, si ce n’est qu’elle est à considérer définitivement comme un des grands Mystères du génie, de la grâce, de la générosité et de l’accomplissement artistique, réunis en une seule personne. Toutes caractéristiques qu’elle porte avec une apparente fragilité, mais avec le naturel, l’aisance et la simplicité d’un colosse.

Paul Kristof

HAHN, Hilary. In 27 pieces : the Hilary Hahn encores / Hilary Hahn, vl ; Cory Smythe, p. (Deutsche Grammophon, 2013)   Disponibilité


Classé dans:Coups de coeur

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