Egalité homme/femme au travail ?
Les apports de la R.S.E. et de la certification
3ème volet de notre série sur l'égalité homme-femme en entreprise...sous l'oeil toujours acéré et vigilant de Thierry Gautret.
La loi peut-elle tout régler? Assurément pas comme nous l’avons vu précédemment puisque les inégalités entre hommes et femmes au travail subsistent alors que la France dispose d’un arsenal législatif très complet.
Dans un récent rapport du Sénat sur les inégalités entre hommes et femmes au travail, l’auteur concluait en disant que les lois sont là mais que la situation ne s’arrangerait pas tant que chacun ne prendra pas ses responsabilités, hommes, femmes, employés, dirigeants, politiques, etc…
Responsabilités… le mot est lâché ! Comment aborder ce concept dans le monde professionnel sans tomber dans les discussions de comptoir ou la démagogie ?
J’aborderai ce thème au travers de deux phénomènes économiques ou socio-économiques que sont la R.S.E. (Responsabilité Sociale des Entreprises) et de la certification (Qualité). Ces deux disciplines, avec des niveaux de contraintes différents, traitent en effet des conditions de travail et notamment de la réduction des inégalités entre hommes et femmes. Leur point commun : c’est une démarche volontaire de l’entreprise, il faut le reconnaitre toutefois, sous la pression du marché.
Et la certification ? La certification est une activité par laquelle un organisme reconnu, indépendant des parties en cause, donne une assurance écrite qu’une organisation, un processus, un service, un produit ou , des compétences professionnelles sont conformes à des exigences spécifiées dans un référentiel. En clair la certification consiste à faire évaluer et valider par une société extérieure l’application de règles internes fixées par rapport à un référentiel de base.
Concrètement en ce qui concerne notre sujet, une entreprise qui s’engage dans la R .S.E. va définir des objectifs sur l’égalité entre hommes et femmes en son sein. Elle pourra, pour se faire, s’inspirer des « référentiels » en la matière qui sont généralement issus d’organismes de certification.
Dans certains cas l’entreprise peut même aller jusqu'à adopter un référentiel existant et faire certifier sa conformité à celui-ci.
Je vous propose de survoler ici les principaux référentiels existants qui font référence à l’égalité entre hommes et femmes.
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Le GRI (Global Reporting Initiative)
Le GRI est un cadre international qui permet aux entreprises d’établir leur rapport développement durable en respectant tous les thèmes devant être abordés.
Dans le volet diversité et égalité des chances :
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l’indicateur LA13 « Composition des organes de gouvernance et répartition des employés par sexe, tranche d’âge, appartenance à une minorité et autres indicateurs de diversité » rend, notamment, compte du % d’hommes et de femmes dans l’entreprise et dans les organes de gouvernance.
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l’indicateur LA14 « Rapport du salaire de base des hommes et de celui des femmes par catégorie professionnelle ».
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La norme ISO 26000
C’est une norme ISO relative à la responsabilité sociétale des organisations, c'est-à-dire l'application des principes de développement durable aux organisations. Elle aborde des grands thèmes pour lesquels elle définit des actions et/ou attentes associées. Ce sont celles-ci qui nous intéressent.
Dans son paragraphe 6.3.7 « Domaine d’action 5 des droits de l’Homme : Discrimination et groupes vulnérables » elle intègre les femmes comme population vulnérable.
Actions et/ou attentes associées : « Les femmes ont le droit de jouir de tous les droits de l’Homme sans discrimination, y compris dans le domaine de l’éducation, de l’emploi et des activités socio-économiques ; elles ont le droit de prendre des décisions en matière de mariage, d’affaires familiales et de contraception. Il convient que les politiques et les activités de l’organisation respectent les droits de la femme et promeuvent l’égalité de traitement des femmes et des hommes dans les sphères politiques, économiques et sociales ».
Dans le paragraphe 6.4.3 « Relations et conditions de travail - Domaine d’action 1 : Emploi et relations employeur/employé »
Actions et/ou attentes associées : que l’organisation « garantisse l’égalité des chances et de traitement à tous les travailleurs et ne fasse aucune discrimination, directe ou indirecte, en matière de relations et conditions de travail, fondée, entre autres, sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la nationalité ou l’ascendance nationale, l’origine ethnique ou sociale, la caste, l’état matrimonial, l’orientation sexuelle, l’invalidité, l’état de santé comme l’infection par le VIH ou la séropositivité ou l’affiliation à un parti politique ».
C’est le 3ème OMD qui nous intéresse : « Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes ».
Malheureusement aucune Action et/ou attentes associées sur ce thème.
La norme ISO 26000, très prometteuse, n’est cependant pas certifiable pour le moment ce qui en réduit l’intérêt. Néanmoins l’Afnor a créé l’Afaq 26000 qui permet d’évaluer le niveau de conformité à la norme ISO 2600 des entreprises sans accorder de certification.
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Le label égalité professionnelle
Ce label français « est le témoignage de l’engagement des organismes et de la mise en place d’actions concrètes en matière d’égalité liée au genre, dans le domaine professionnel. »
Cependant ce label ne s’appuie sur aucun référentiel et est délivré par l’Afnor (société de normalisation et certification) après étude d’un dossier constitué « d’un rapport d’auto-évaluation, du rapport de situation comparée prévu par la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, du plan d’action triennal en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » plus quelques pièces administratives pour le dossier de candidature.
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Le label GEES
Le Gender Equality European Standard est le premier label international sur l’égalité professionnelle entre les Femmes et les Hommes lancé le 19 septembre 2010. C’est une certification qui « atteste qu’une entreprise a mis en place une politique ressources humaines qui favorise et valorise l’émergence des talents des femmes comme des hommes. Le groupe labellisé doit mettre en place des outils de pilotage, de formation et de communication afin de promouvoir le sujet de l’égalité ; l’objectif est que s’établissent un dialogue durable et des échanges d’expérience constants tant entre les individus qu’entre les différentes entités du groupe ».
Il défini un référentiel constitué de 9 critères :
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Politique générale en termes d’égalité professionnelle
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Impulsion d’actions spécifique par pays
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Organisation et qualité du dialogue social européen / international dans les CEE (Comité d’Entreprise Européen) ou équivalent pour les filiales
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Sensibilisation et/ou formation de la filière RH et des Managers
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Existence d’actions favorisant la mixité des métiers er/ou niveaux hiérarchiques
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Pratiques salariales
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Mesures visant à concilier les temps de vie
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Outils harmonisés de culture commune
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Evaluation de la politique d’égalité professionnelle
La R.S.E. ou la certification sont des démarches volontaires des entreprises. On peut se demander si cette volonté apparemment désintéressée ne cache pas autre chose. L’examen des pratiques RSE concrètes de certaines sociétés, comparé aux préoccupations officiellement communiquées sur le volet économique permet de constater un écart existant entre les discours et la réalité. Cet écart vise, d’une part à renforcer la compétitivité de l’entreprise en s’appuyant sur un discours démagogique à destination des clients et d’autre part à « dissimuler » les difficultés sociales.
Cependant, même si ce n’est pas par altruisme, des actions sont réalisées ça et là en faveur de la réduction des inégalités entre hommes et femmes, et plus généralement la dynamique est lancée.
Positif mais insuffisant !
La loi ne peut pas tout régler, le marché peut en partie compenser les inégalités dans la mesure où cela est rentable globalement pour les acteurs économiques.
Finalement les inégalités entre hommes et femmes ne sont elles pas liées au regard porté sur les femmes par la société. Ce sera l’objet de mon dernier article.