Par Max Falque, délégué général de l’International Center for Research on Environmental Issues.
Tribune extraite de « L’écologie, oui ! Les écolos, non ! », Les Enquêtes du contribuable d’août/septembre 2014 –68 pages, 3€ 50. En kiosque le 15 juillet et en vente en ligne sur www.contribuables.org/boutique (3,50 €, port gratuit).
Notre logiciel jacobino-socialiste, auquel adhèrent plus ou moins tous les partis politiques peut-il résoudre les problèmes environnementaux du XXIe siècle ? Depuis les années soixante-dix, les pouvoirs publics, face à ces enjeux, ont recouru au « tout réglementaire » d’ailleurs souvent avec succès, au moins pour lutter contre certaines pollutions. Il y a pourtant une autre voie plus efficace, moins coûteuse, mieux adaptée à la gestion de l’environnement et plus respectueuse des libertés individuelles : celle du recours aux droits de propriété et au marché.
Garrett Hardin mit en évidence, dès 1968, que toute ressource environnementale en libre accès était inévitablement vouée à la surexploitation puis à la destruction et que l’appropriation privée lorsqu’elle est matériellement possible est la meilleure solution. Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie 2009, a montré dès 1980 que la propriété en commun pouvait faire face à la « tragédie du libre accès ».
Ces penseurs ont ouvert la voie à la nouvelle économie des ressources qui a montré qu’aux « défaillances du marché » correspondaient les « défaillances de la puissance publique ». On constate, en effet, que les résultats sont rarement au rendez-vous de l’excellence et que des effets pervers mettent en échec les bonnes intentions des décideurs, hommes politiques et technocrates souvent inféodés aux ONG et aux médias.
Deux solutions sont alors envisageables : soit édicter un nouveau règlement censé être meilleur que le précédent, en se fondant sur le postulat de l’infaillibilité de la décision publique ; soit envisager une autre politique faisant appel aux institutions fondatrices des civilisations, à savoir les droits de propriété et le marché. Pour de nombreuses ressources environnementales, on a pu constater que la deuxième solution s’avérait la plus efficace et la moins coûteuse.
On le voit, le débat ouvert et les possibilités du recours au marché sont encadrés par des considérations théoriques incluant, en particulier, la possibilité de mettre en place des droits de propriété en l’absence desquels surviennent non seulement l’effondrement économique mais aussi la destruction de l’environnement.
Il est possible d’imaginer des quasi-droits de propriété et donc des marchés pour des ressources peu ou mal appropriables : par exemple, des quotas échangeables pour la pollution de l’air et de l’eau ou encore les quotas individuels transférables pour la pêche.
Par ailleurs il est démontré que les propriétaires privés et les associations, sous réserve d’incitations appropriées, peuvent, mieux que les pouvoirs publics, protéger et gérer les ressources environnementales : ainsi les conservatoires d’espaces tels le National Trust britannique ou encore les quelques 2000 « land trusts » américains. Quant au remarquable Conservatoire du littoral français, on notera que, paradoxalement, il substitue des droits de propriété à la réglementation… en quelque sorte un hommage du vice à la vertu.
Les réglementations environnementales aboutissent souvent à un affaiblissement du contenu de la propriété privée au point que l’on peut parler d’« expropriation réglementaire » ce qui devrait inciter à recourir au droit privé pour en évaluer l’indemnisation comme cela est le cas pour l’expropriation physique.
Quelques propositions de bon sens :
• Décentraliser, car il importe de résoudre en priorité les problèmes au niveau des collectivités locales les plus proches pour trois raisons :
– les responsables politiques sont proches de leurs électeurs et donc plus sensibles à leurs demandes.
– La compétition entre les collectivités locales permet de faire émerger les meilleures solutions.
– Les problèmes environnementaux sont fonction de la sensibilité du milieu naturel, économique et social et dans ces conditions les règlementations nationales sont souvent mal adaptées
• Combattre les politiques publiques nuisibles : appliquer le serment d’Hippocrate « Primum non nocere » aux multiples réglementations et programmes destructeurs telles certaines subventions à l’agriculture, à l’énergie, aux infrastructures…
• Encourager la croissance économique par la compétitivité des marchés qui obligent à une meilleure utilisation des ressources. Autrement dit, tenir compte des enseignements de la courbe environnementale de Kuznets qui met en évidence la corrélation entre croissance du revenu et amélioration de l’environnement.
• Promouvoir et protéger les droits de propriété qui sont la clé de la prospérité économique. Les ressources environnementales protégées par des institutions favorables à la propriété sont mieux gérées que celles aux mains des pouvoirs publics ou en libre accès.
• Appliquer sans faiblesse le principe « pollueur-payeur », qui découle du principe de responsabilité et protège les droits de propriété. Le droit privé doit à nouveau jouer un rôle central.
• Supprimer le « principe de précaution » qui paralyse toute innovation source de croissance économique et donc d’amélioration de l’environnement.
• Favoriser les « enviropreneurs » qui produisent des biens environnementaux pour le marché (conservatoires privés, parcs animaliers, agriculture bio, nouveaux outils de maîtrise foncière…).
En définitive le XXIe siècle doit faire face à des défis environnementaux d’une nature plus complexe et aux exigences accrues des 9 milliards d’humains à venir, alors que les contraintes économiques obligent à rechercher les institutions les plus efficaces et les moins coûteuses.
Redonner à l’action publique son véritable rôle d’orientation et limiter les réglementations à l’essentiel sont les conditions de la protection de l’environnement, de la prospérité économique et de la sauvegarde de la liberté garante de l’imagination et des innovations technologiques.
Ces préconisations de bon sens sont et seront, dans le contexte français, difficiles à mettre en œuvre en raison de la croyance jacobine en la légitimité et la capacité de la puissance publique centralisée à résoudre les problèmes relevant de « l’action collective ».