Il suffit de deux lois sur le sujet, présentées le 23 juillet en conseil des ministres, pour que la droite furibarde se réveille. Le Parlement est en congés, et la droite extrême regrette que le grand déballage xénophobe n'ait pu se dérouler au plus chaud de la rentrée. Il y a des élections à gagner. L'Etranger, surtout bronzé et musulman, reste tristement un ressort politique d'une droite républicaine sans ressort.
Pourtant, ces deux lois sont loin d'être des ouvertures laxistes.
La réforme de l'asile
Joli morceau... Les demandeurs d'asile sont comme un épouvantail pour la politique française. L'engorgement des bureaux de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) est souvent exhibé comme la preuve que la misère (politique) du monde conduit des hordes d'immigrés à débouler dans notre beau pays. En mai 2012, François Hollande commit l'erreur de laisser l'immigration, et la gestion de l'asile, dans le périmètre du ministère de l'ordre, comme si l'immigration était forcément source de désordre. Il y a des clichés qui ont la vie dure.
Car la situation était grave. En 2013, la France a enregistré 66 251 demandes, dont 45 925 pour la première fois par des adultes, 14 536 par des mineurs les accompagnants et 5 790 demandes de réexamen. En d'autres termes, il faut " sauvegarder la tradition française de l’asile."
La semaine dernière, le successeur de Manuel Valls au ministère de l’intérieur a donc présenté son projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Il avait été concocté par l'ancien titulaire, après "une large concertation conduite auprès de l’ensemble des acteurs concernés -élus, associations, Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), OPFRA, Cour nationale du droit d’asile (CNDA), Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et administrations", nous a-t-on prévenu. Le tout confié à deux parlementaires, l'une de droite mais centriste (Valérie Létard), l'autre de gauche, le député Jean-Louis Touraine.
Le gouvernement s’est abrité derrière les travaux de ces deux-là, ainsi que des nouvelles directives européennes adoptées en juin 2013 qu'il fallait transposer. Il y avait deux objectifs, répéter en long et en large: "renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale ; statuer rapidement sur les demandes d’asile", avec un délai moyen visé à 9 mois.
Le gouvernement met en valeur quelques avancées: l'enregistrement plus rapide des demandes ; la présence d’un conseil lors des entretiens avec un officier de protection ; la meilleure prise en compte des "vulnérabilités"; la suspension généralisée des recours contre les décisions refusant l’asile (avec réponse dans les 5 semaines par un un juge unique de la CNDA).
Le texte prévoit également de nouvelles procédures d’examen rapide des demandes, "par ou sous le contrôle de l’OFPRA". En procédure normale, le délai de jugement imparti à la CNDA est fixé à cinq mois.
A l'inverse, il y a aussi cette précision, qui n'est pas neutre: "le projet de loi a également pour objet de rendre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile plus justes et plus équitables, mais aussi plus directives". En d'autres termes, l'accélération généralisée des délais permettra aussi d'expulser plus rapidement. Autant dire les choses telles qu'elles seront.
Les associations concernées, tel le GISTI, s'inquiète notamment de la création de centres d'internement pour demandeurs d'asile. En langage officiel, on appelle cela "un dispositif d’hébergement contraignant permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente". Et le gouvernement de préciser: "en cas de refus de l’hébergement proposé, le demandeur perdra son droit aux allocations".
Pourquoi l'UMP râle-t-elle ?
En matière de protection des droits, le texte prévoit de "renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage, éléments essentiels de l’intégration à la société française."
L'accueil des étrangers, version Hollande
Pour sa première année de quinquennat, on avait été surpris par l'ampleur des expulsions de clandestins. 2012 était une année débutée sous Sarko, terminée sous Hollande. Il était difficile d'attribuer à l'un ou à l'autre l'entière responsabilité de ces résultats.
Les forces de l'ordre n'avaient plus d'objectifs d'expulsions à satisfaire, mais il y eut davantage d'expulsions de clandestins qu'en Sarkofrance - 36.000 éloignements en 2012, mais à peine 27.000 en 2013: 27% de reconduites à la frontière en moins, 28% de régularisations en plus, le bilan de Valls était moins catastrophiques pour les tenants de la régularisation massive. Le nombre de naturalisations a même doublé - 100.000 en rythme annuel, contre moins de 50.000 avant. Mais des cas d'expulsions de famille choquent encore; des rétentions de bébés sont encore pratiquées alors que Hollande en avait promis la suppression.
Le projet de loi présenté la semaine dernière ne résout pas ces situations dramatiques. La dénomination du texte a failli faire plaisir.
En termes d'avancées, il généralise le titre de séjour pluriannuel pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour en France. On est loin du titre de résidence valable 10 ans voté en 1984, abrogé plus tard. La gauche d'hier n'est plus celle d'aujourd'hui. Les saillies frontistes sur l'immigration responsables du chômage ou sur les difficultés d'intégration ont convaincu plus largement qu'à droite.
Le gouvernement rappelle qu'il y a aujourd’hui "5 millions de passages par an en préfecture, pour 2,5 millions d’étrangers titulaires d’un titre de séjour." Désengorger les préfectures, faciliter l'intégration, tels sont les conséquences attendus de la meusre.
Pour faire bonne figure, Cazeneuve prévoit aussi un "nouveau parcours d’intégration, marqué par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration." La Sarkofrance n'est pas morte. Combien de Français dits de souche sont incapables de parler correctement un langue nationale dont ils ont hérité la charge par le hasard d'une naissance ?
Par ailleurs, Hollande est pragmatique. Les phobies anti-migratoires sarkozystes ont décourager tout ce compte le monde de beaux esprits et étudiants doués de venir en France. Plutôt que les absurdes quotas par métier, le gouvernement Valls privilégie la création d'un passeport « talents », un titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, qui constituera "le titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés".
Ensuite, le texte assure aux journalistes, "pour la première fois", un droit d’accès dans les centres de rétention (CRA) et les zones d’attente. Un décret de juillet venait justement d'encadrer les accès des personnels associations dans les mêmes CRA: "Il est mis fin au droit d'accès d'un représentant d'une association à la demande de la personne ou de l'association concernée ou lorsque l'habilitation de cette association est retirée."
Enfin, ce projet de loi a évidemment son volet répressif contre l’immigration irrégulière. Qu'est-ce que Nicolas Sarkozy, obsédé par le sujet une décennie durant, avait oublié ?
Primo, l’assignation à résidence devient une mesure de droit commun en matière de privation de liberté des étrangers; secundo, le texte aggrave les pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle. Enfin, il "renforce les pouvoirs des préfectures en matière de lutte contre la fraude". On attend le détail.