L`ÈRE DU NUMÉRIQUE : Perdrons-nous la mémoire? ( 1 de 2 )

Publié le 26 juillet 2014 par Pege @pg120
Salut à tous,

   Article paru dans un journal dans les années 2001-2002, par Hervé Fischer, écrivain québécois.
   Incidemment. il est intéressant de constater qu`après plus de 12 ans où ce texte a été écrit, la perte de la mémoire collective de notre société ne cesse de progresser avec l`arrivée ininterrompue de ¨gadgets¨ électroniques  où les échanges écrites entre individus sont de plus en plus éphémères.
   On n`a jamais produit et imprimé autant de papier que depuis l`ère du numérique
   Après s`être associé, comme il convient, aux divers éloges de la nouvelle civilisation numérique, il faut aussi considérer l`un de ses effets possibles les plus pervers : l`amnésie qu`elle prépare pour les prochaines générations. Si l`on n`y prend garde.
   Paradoxalement, plus nous numérisons notre mémoire culturelle, plus nous risquons de la perdre. La puissance technologique à laquelle nous accordons aujourd`hui notre confiance pour mieux conserver nos livres, nos images, nos films, nos productions musicales et télévisuelles, risque fort de nous trahir. Quoi qu`en disent les fervents, elle est beaucoup moins sûr que le papier et le plastique des films et vidéos, dont nous connaissons pourtant la fragilité.
   La plupart des sites de la Toile que nous avons créés, il y a moins de 10 ans, sont déjà effacés à  jamais. Nous n`avons plus aucun moyen de lire les premiers cédéroms des années 80. Les lecteurs et les logiciels de l`époque n`existent déjà plus. Nous pouvons encore lire des manuscrits de la Mer Morte, des inscriptions dans les tombes égyptiennes, des peintures rupestres qui datent de milliers d`années. Mais comment pourrons-nous lire dans seulement 10 ans un disque optique pour lequel il n`existera plus de lecteurs, tandis que les logiciels actuels aurons tellement progressé, qu`ils ne sauront plus reconnaître le langage binaire d`un logiciel mis sur le marché en 2000 ?
   Les disques laser, tant vantés il y a encore 10 ans, sont déclarés désuets. Et les lecteurs, presque tous incompatibles entre les différentes marques, sont désormais incompatibles d`une année à l`autre dans la même marque. Les cédéroms, tant vantés à leur tour, vont céder la place au Digital Video Disc qui, lui, à son tour, va évoluer au rythme du marché. Les disques optiques des centres d`archives professionnels vont connaître la même évolution.
   Il faut être conscient, en outre, qu`à chaque vague de numérisation, on choisi ce qui semble le plus important et on rejette les 9/10e des archives disponibles. Ce choix se fait selon des critères circonstanciels et de mode au nom duquel on n`aurait conservé ni Van Gogh ni Rimbaud.
   Et il en est de même de la mémoire des gens ordinaires et de leur vie quotidienne, pourtant si précieuse aussi pour les historiens.
   Je relisais récemment de vieilles lettres de mes parents et de mes frères aînés, y compris l`une d`entre-elles qui annonçait ma naissance en 1941. les enveloppes et les lettres avaient jauni dans la boîte à chaussures. Mais elles pourront encore être lues dans 100 ans éventuellement. Aujourd`hui, je communique avec ma mère à Paris par téléphone, comme si j`étais sur place, et avec mes fils à Montréal, à San Francisco et à Hong-Kong, aussi par téléphones et beaucoup par courrier électronique. Mais plus jamais par lettre !
   Le téléphone et Internet sont bien plus rapides et tentants ! La communication s`est beaucoup améliorée ! N`est-ce pas merveilleux dans l`instant ? Mais quelle trace restera-t-il dans 10 ans, pour ne pas dire dans 5 minutes de ces échanges ? Où retrouverai-je trace de la naissance d`un peit-fils ? Et de sa fille, l`annonce de la naissance de son père?  OH ! Oh ! Prodige de la technique : ma caméra digitale et Internet me permettent enfin de voir mes photos immédiatement et de les envoyer à toute la famille dans les quatre coins du monde. Mais dans une génération, dans 10 ans, dans 5 ans, que seront devenues ces photos numériques si magique ? À moins de les avoir imprimées sur papier traditionnel, par un excès de prudence à peine avouable, je ne pourrai plus les lire avec mon nouvel ordinateur.  Et je regretterai les photos jaunies qui me donnent encore aujourd`hui une image de mon père, quand il naquit en 1899 !
   Il faudrait peut-être ici énoncer une loi : plus la technologie est puissante et sophistiquée, plus la communication est immédiate, intense et planétaire, plus la mémoire risque d`en être éphémère, à moins d`être immédiatement classée historique. Inversement, des traces de pieds d`enfants dans la glaise, comme celles qu`on vient de découvrir dans des grottes préhistoriques, peuvent demeurer intactes pendant des millénaires.
Pégé
Windows 7 / Windows XP Pro / Windows Vista / Ubuntu 10.04 LTS / Voyager 11.10 / Linux Mint 10 MacOS X iBook, version 10.4.11 ¨Tiger¨.