Dans un état totalitaire qui cultive la haine des étrangers issus du pays voisin, et opprime toute libre pensée, Nalki et sa famille se voient subitement plongés dans l'enfer des camps de concentration. Son talent exceptionnel pour le violon l'aidera-t-il à échapper à son funeste destin ?
En bref : Nalki est une jeune garçon particulièrement doué lorsqu'il joue du violon. Un après-midi, alors qu'il quitte le Conservatoire avec sa sœur pour rentrer chez lui, les deux jeunes gens sont attendus dans leur maison par des représentants de l'autorité serdane. Ils sont embarqués de force, direction le camp de concentration de Blache. Aucune explication ne leur est donnée, mais Nalki arrive à la conclusion que leur emprisonnement dans cet endroit, aux côtés de voleurs et autres escrocs, n'est dû qu'à la simple raison que sa mère est d'origine forsenne, le pays frontalier et ô combien méprisé par la Serdane. Nalki et sa sœur ne sont pas les seuls prisonniers politiques dans le camp de Blache. Les appels matinaux dans la cour précèdent les chants de l'hymne national serdan. Tous les mois, la projection d'un film de propagande est organisée, suivie d'une représentation musicale organisée par une troupe composée de musiciens extérieurs mais également de prisonniers. Serait-ce l'échappatoire aux travaux forcés que Nalki attendait tant ? Le jeune homme n'est pas au bout de ses surprises, ni de ses peines. Le système est bien plus retord qu'il le croit, et l'implication de sa famille, et notamment de ses parents, dans un complot politique est plus importante qu'il ne l'imaginait.
Mon avis : Avec Matricule 307, le premier tome de la duologie Nalki, Alice Adenot-Meyer retourne aux sources de la dystopie. Elle parvient à reconstituer tous les éléments d'une dictature contemporaine, basée sur la glorification de la Nation, et la haine de tout ce qui est étranger.
"- Tu dois comprendre que la société est constituée de plusieurs catégories de citoyens. Imagine une pyramide. Tout en haut, l'élite, dont le rôle est de mener la Nation à la réussite. Plus bas, les classes intermédiaires, qui travaillent sous les ordres de la première. Et enfin, la classe inférieure... que j'appellerai "le rebut". Formée de ceux qui n'ont pas intégré les règles, qui les ignorent, les refusent, ou sont tellement incompétents qu'ils constituent une charge pour les autres. [...]
- Ces parasites sont en grande partie des étrangers, ou des métis. Il faut les soumettre, ou alors, les éliminer. Ils ne méritent pas d'être des citoyens à part entière." [p. 137]Tout y est : La peur au quotidien, la paranoïa, la crainte de la délation, la suppression des cultes, les rafles inopinées, mais également les camps de concentration où la "rééducation" est le mot d'ordre, qui ne sont pas sans rappeler les tristement célèbres goulags russes de l'ère communiste (thème également abordé avec force par Ruta Sepetys dans son roman young adult : Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre). De même, la propagande est utilisée à tout va. Tout est bon pour faire passer le message officiel, glorifier la nation. Et pour cela, on a besoin d'icônes vivantes, qui incarnent les valeurs que l'on prône.
"Le sportif incarne le courage, l'énergie, la force. Il est en général beau, bien bâti, et toujours de bonne race. Il va au-delà de ses capacités, il se surpasse pour battre les records de ses prédécesseurs... Quel meilleur exemple à donner au peuple ?" [p. 118]
"- J'avoue être assez satisfait de la manière dont fonctionne ce camp, et je tiens à ce que les dirigeants mesurent la qualité de notre engagement en faveur de la Cause. Y a-t-il manière plus efficace de remettre les jeunes gens sur le droit chemin ? L'orchestre est une école de l'excellence, qui nécessite une discipline de fer. Et la musique, un des meilleurs moyens d'illustrer de manière plaisante le message de notre Guide. Vous savez comme moi combien elle a la capacité de déchaîner l'enthousiasme et de galvaniser les foules !" [p. 120]Pour avoir personnellement vécu dans un système totalitaire pendant une douzaine d'années, je me prenais à revivre des situations oppressantes et l'impression trop fréquente de se sentir surveillé, quoi que l'on dise ou fasse. Chapeau bas à l'auteure pour avoir réussi le pari de reconstituer cet environnement particulièrement oppressant, sans se perdre dans les traditionnels clichés du genre. L'écriture est fluide, légère et étonnamment musicale. On est emporté par les aventures du jeune Nalki et les épreuves toujours plus tortueuses auxquelles il fait face tout au long de ce roman de 300 pages. Je ne saurais que vous le conseiller, d'autant qu'il est écrit pas une auteure française et que la saga Nalki inaugure la collection young adult des éditions Le Lamantin ! Je trouve pour ma part que cela constitue un excellent choix, ce roman frisant pour moi le coup de cœur. Nalki est donc incontestablement une série littéraire jeunesse/jeunes adultes qui mériterait d'être plus médiatisée.
Ma note pour ce livre (entre 1 et 5 étoiles) :
Je remercie les éditions Le Lamantin pour m'avoir permis de découvrir cette saga.