Saint-Brieuc, ville sinistrée

Publié le 02 juin 2014 par Camélia Exsangue @Chinouette

Elle est jolie la ville de Saint-Brieuc et pourtant, en ce moment, c’est pas la grande forme. Je ne sais pas quand, ni comment ça a commencé.

Petite, je me souviens que deux fois par semaine, j’accompagnais ma mère et ma grand-mère au marché de Saint-Brieuc.

Je me rappelle très bien galoper après elles, alors que j’avais peut-être 6 ans. Elles fonçaient, déterminées, au stand de fruits et  légumes. Dix minutes plus tard, elles enchaînaient, au pas de course, pour aller chercher les langoustines. "Non, ce sera crevettes ce midi. Oh et puis, non, moules, oh puis, zut, partons pour des huîtres… Oh et puis…"

Imaginez moi, haute comme trois pommes, en train de courir après les femmes de ma famille, à droite, à gauche, m’arrêter, repartir, laisser mon regard vagabonder pour me retrouver à faire un sprint à l’autre bout de la place de la Poste pour les rejoindre. Me faire engueuler. Bouder. Repartir. Tous ces allers retours duraient à peu près 1h30. Le plus long n’était pas l’attente aux différents stands. Le plus long était de bouiner, de parler de la pluie et du beau temps aux commerçants, ou dans les pires des cas, aux amis rencontrés "par hasard", ces clients du marché qui revenaient chaque semaine.

"Ohhhhhhhhhhhhh, s’exclamaient-ils en me dévisageant. C’est ta grande elle? Qu’est-ce qu’elle a grandi!

- Non, c’est la petite elle. La grande est restée à la maison.

- Ohhhhhh, qu’est-ce ça pousse vite, hein? Hein?

…"

Cathédrale de Saint-Brieuc et cafés des Halles

Pendant ces quelques minutes où je pouvais reprendre mon souffle, je me rappelle que je regardais d’abord l’interlocuteur de ma mère, puis, après l’avoir zieuté pendant 5 secondes assez gênantes, et ne me souvenant en aucune façon si j’avais déjà rencontré cette personne, je repartais dans mes songes. C’était à ce moment là en général que ma mère et ma grand-mère se décidaient pour reprendre leur course folle. Alors, on repartait.

Une fois par trimestre, on s’arrêtait au stand de miel, où la vendeuse m’offrait, à chaque venue, un bonbon au miel… Une enfance douce et sucrée…

Mais qu’est-il arrivée à la jolie ville de Saint-Brieuc, celle qui m’a permis de me construire tant de souvenirs? Eh ben, c’est pas la joie. On dirait qu’elle est morte. Comme si un couvre feu obligatoire s’était mis en place avec interdiction d’en vouloir plus, ou d’en demander plus… Seulement deux bars restent attractifs le samedi soir…

Le parking du Champ de Mars, où nous nous garions pour aller au marché, s’est  transformé en un centre commercial, répétitivement vide et tellement moche. Ça se voulait surement jeune, moderne, branché… par rapport à ce que l’on aurait pu en faire…

La place du Chai, place des bars, garde maintenant 2 terrasses ouvertes le soir. Youhouhou, pas vraiment la grosse marade.

On reparle encore de possibles travaux sur la ville alors que souvent, l’ancien se suffit à lui-même. C’est ce charme ancien qu’on nous envie de par le monde et qu’on s’évertue à massacrer.

Promenade dans le vieux Saint-Brieuc Gare de Saint-Brieuc

Ça devient lassant d’entendre en permanence que la ville est triste et morte. Pourtant, même moi, lorsque des touristes me demandent:

"Alors, qu’est-ce qu’il y a à voir à Saint-Brieuc?"

Je réponds:

"Oh, alors, la côte de granit rose n’est pas si loin. Vous avez également l’île de Bréhat qui vous surprendra par ses couleurs et sa richesse florale. Ou alors, autrement dans les terres, Dinan est une ville avec beaucoup de charme."

C’est bien triste oui, ce que cette ville est devenue. Plus personne n’y croit. Enfin… si, on y croit, et l’on aime à se rappeler ses capacités et son potentiel. Si vous marchez dans le vieux Saint-Brieuc, prenez le temps d’observer ses petites merveilles.

Et la culture alors?

Ah ah! Parlons-en! On a la "chance" d’avoir deux cinémas à Saint-Brieuc, enfin : un à Trégueux, Cinéland (tu parles d’un nom de Bisounours à deux balles…) – un lourd, gros, multiplexe… – et un à Saint-Brieuc, le Club6, consacré au cinéma d’arts et d’essais.

"Ah bah super!"

Mais ces deux cinémas n’alimentent que le cliché entre grosse production et  cinéma plus intellectuel. Exemple tout con: Fan d’X-MEN (vous savez, ces ptits gars en collants avec de super pouvoirs qui se battent contre d’autres ptits gars en collants avec des super pouvoirs), j’aurais aimé aller voir le dernier épisode qui vient de sortir au ciné. Plus grosse production que ça, tu meurs. Et là, BAM, c’est moi qui meurs : IMPOSSIBLE D’ALLER VOIR LE FILM!! Et pourquoi? Parce que puriste, je réclame ma projection en VOST.

Mais, apparemment, dans la région de Saint-Brieuc, on est trop con pour faire deux choses aussi simples que voir le film et lire les sous-titres dans le même temps…

Nocturne Saint-Brieuc Cathédrale de Saint-Brieuc Saint-Brieuc by night

FUCK THAT SHIT YO!

Pourquoi tant de rage? Eh bien parce que cocotte (c’est moi cocotte), elle revient d’une ville (Toronto) où l’on pousse les masses à se cultiver, à sortir, à éduquer son cerveau et sa connaissance; et que de retour dans ma ville, je retrouve – avec une putain de grosse désillusion – qu’ici, on préfère que les gens soient bêtes et feignants et que ça m’énerve, et que la réponse que j’entends le plus fréquemment pour pallier à mon désarroi est "Bah oui, mais bon, que veux-tu, c’est Saint-Brieuc."

En gros… Tu peux pas test’, tu peux pas lutter…

Bah franchement, le prochain qui me parle de la fuite des cerveaux vers les États-Unis, je lui rappellerai que les cerveaux, en France, on n’en veut pas vraiment apparemment. Ah si! Sinon, y’a toujours Paris!

KAOC’H!!!

Le Saint-Brieuc de mon enfance

Alors, oui, c’est vrai, le week-end prochain, il y a Art Rock. Une fois dans l’année, il y a un événement pretty cool qui motive les masses.

On verra bien ce que diront  Alice Cooper, -M-, Foals, Fauve, Gaëtan Roussel et les autres.

Et on verra surtout ce que penseront les gens de l’extérieur.

Alors, à tous, Briochines, Briochins et les autres : je vous souhaite un bon festival et surtout une bonne re-découverte de la ville!

Merci à  Bénédicte Négaret pour ses magnifiques photographies
(Contact : ici)