Nous rêvions d’aller à Amsterdam depuis des années, mais jusqu’au mois de mars dernier toute tentative de partir sur un coup de tête au dernier moment, comme nous le faisons souvent, nous a prouvé qu’un tel voyage doit être organisé bien à l’avance.
Nous sommes partis avec le Thalys de la Gare du Nord à Paris à 7 h 20. Nous avons voyagé en 1ère classe, profitant d’un accueil personnalisé et attentionné comme si nous étions sur un vol de long courrier, de sièges ultra confortables, de magazines, d’un petit-déjeuner et même d’un goûter.
Ainsi, les trois heures et quart sont passés très vite, et nous avons à peine eu le temps de se faire une idée des pays plats que nous avons traversés, si on ne compte pas les gares des villes à l’âme nordique, les serres à perte de vue, les prés détrempés et les moulins à vent qui surgissaient de loin de temps à autre.
La visite d’Amsterdam commence à la gare (Centraal Station). Œuvre de l’architecte Pierre Cuypers (le même qui a conçu le Rijksmuseum), elle est très belle avec son habillage en briques et sa riche ornementation.
Juste après la gare commence l’immense chantier du nouveau métro (duquel, je ne sais pas pourquoi, aucun guide touristique ne nous a prévenus). On nous a assuré que les travaux avaient déjà bien avancé, malgré le retard qu’ils ont pris en raison du délabrement de quelques maisons que les forages auraient provoqué.
Étant donné que nous disposions de seulement deux jours, nous avions réservé une chambre dans un hôtel à 5 minutes de la gare et à 3 minutes du centre ville. Moi, je l’ai bien aimée ; ma fille en était un peu déçue, surtout à cause de son lit qu’elle a trouvé inconfortable. En général, le prix des nuitées est assez élevé, et la taxe pour la ville n’est pas incluse dedans (ainsi, juste au moment où vous partez en pensant que vous avez déjà tout payé, on vous demande de la régler ; prévoyez donc de garder un peu de liquide sur vous).
Quand on veut organiser un bref séjour, on craint autant de passer à côté de quelque chose d’important que de perdre du temps précieux dans un piège à touristes. Avant de partir, nous avons relu pour la énième fois nos guides sur Amsterdam, consulté les avis sur les blogs et, comme mesure ultime, avons questionné tous nos proches qui avaient séjourné là-bas. Le frère de mon mari, en plus de nous dresser une liste exhaustive de tous les endroits qu’il fallait visiter, nous a prévenu : « Faites attention aux vélos ! J’ai failli me faire renverser au moins trois fois. Et ne prenez pas des photos dans le Quartier rouge. On a échappé de peu à une grosse matrone qui voulait nous battre et allait casser nos appareils photos».
Il y a aussi des vélos gentils, parfois.
Et quand ils deviennent vraiment trop vieux, ils s’en vont au paradis des vélos.
Ma cousine, qui avait vécu pendant 5 ans à Amsterdam et que ma question a plongé dans une profonde nostalgie, m’a répondu, très émue : « C’est une ville très romantique !... Il y a pleins de lieux très amusants … Des musées … de la marijuana … du sexe … de la torture (ma cousine est très jeune). Le musée d’Anne Frank est très émouvant. Le Tropenmuseumest aussi intéressant. Vous pouvez faire une promenade en bateau sur les canaux. Le soir, c’est très romantique… Ah, pourquoi je ne suis pas là-bas !… Baladez-vous aussi dans les petites rues… Il y a des restos incroyables … J’espère qu’il fera beau. Prenez des vêtements chauds. Le temps change très vite, et il y a beaucoup de vent. Regardez pour des arcs-en-ciel – c’est la ville des arcs-en-ciel. Si vous avez du temps, allez voir les tulipes à Keukenhof. Il y a un magnifique marché aux fleurs aussi … Et j’espère qu’il fera beau ! »
Non, il n’a pas fait beau. Sauf pendant quelques minutes. Il a fait gris, puis il y a eu du soleil, il a fait froid, il a plu, il a fait du vent, il a plu de nouveau, et puis, tout a coup, on a eu le droit à une grêle doublée d’un vent violent qui la jetait avec force sur nos visages surpris. Mais à chaque fois que le ciel bleu apparaissait comme un magnifique cadeau, le soleil illuminait les bâtiments lavés d’une magnifique lumière dorée.
La première chose que l’on voit à Amsterdam, c’est la place du Dam. Quand vous mettez les pieds dessus, souvenez-vous que vous vous trouvez à 11 mètres au-dessous du niveau de la mer. Ici se situe le Palais Royal (Koninklijk Paleis), un bâtiment à l’allure très sobre et très sombre - ce qui était l’effet recherché, mais n’empêche, c’est moche. Le bâtiment est utilisé exclusivement dans le cas d’événements officiels - ce jour-ci, il était totalement inaccessible, à cause de la visite du président chinois.
A sa droite se trouve la Nieuwe Kerk – dont on se sert actuellement comme de salle d’expositions ou de concerts.
Amsterdam possède cinq églises principales, dont la Oude Kerk (la vieille église) et la Nieuwe Kerk (la nouvelle église). La première date du début du 14èmesiècle, et la deuxième, du début du 15ème siècle. Bien évidemment, l’entrée dans les deux églises est payante : la gratuité est ici un concept inédit (mais, comme me dirait la Dame de Fer, « La seule chose qui est gratuite dans la vie, ma chère, c’est le fromage dans le piège à souris » …).
Par contre, ce qui ne coute rien, c’est de flâner le long des canaux et de contempler les jolies maisons qui rappellent des maisons de poupées.
Comme tous les bâtiments ont été construits sur pilotis, ils penchent souvent vers l’avant ou sur le côté, comme s’ils avaient abusé du jenever (la boisson locale qui se boit coup sec ou, encore pire, accompagnée de bière, une habitude qui porte le nom mérité de « Coup sur la tête » (kopstoot)).
Mais il faut être très patient quand on veut les photographier : à chaque instant il y a le risque qu’un cycliste, un piéton, un touriste exaspéré ou même un pigeon un peu désorienté entre dans votre photo par effraction.
En descendant vers le sud sur le canal de Singel, on tombe sur la place de Spui et là, derrière une porte à écusson, vous attend le Begijnhof (le Béguinage). Entourée de très belles demeures, la surprenante cour intérieure a l’air très paisible, malgré le fait qu’elle soit très prisée par le tourisme organisé.
Ici se trouve la plus ancienne maison d’Amsterdam – et l’une des deux dernières maisons en bois de la ville.
Le mur à gauche réunit les plaques qui ornaient jadis les façades des autres maisons du Begijnhof, ravagées par des incendies.
La petite église « anglaise » (Engelse kerk) est très calme et lumineuse et peut également être visitée.
La place de Spui abrite quelques cafés populaires comme le célèbre Hoppe, un café brun datant du 1670 et très fréquenté par les locaux, la statue de Lieverdje (le Titi amstellodamois), ainsi qu’une librairie américaine sur trois niveaux où l’on peut passer des heures à soupirer devant les derniers livres de ses auteurs, designers, architectes, chefs culinaires ou blogueurs préférés, entre autres …
Sur la place de Spui se trouve aussi un kiosque aux harengs qui ne désemplit pas.
En amateur avéré, il faut avaler le hareng en entier, le tenant par la queue et penchant la tête en arrière :
Heureusement, ici on vend du hareng prédécoupé, parsemé d’oignon haché. Celui-ci avait un goût un peu trop prononcé de poisson cru, à mon avis, mais au moins il était très frais.
A proximité commence le Bloemenmarkt, le marché aux fleurs « flottant » (que j’imaginais composé de barques remplies de fleurs à ras bord, et qui est en fait tout à fait solide).
Ici, on peut faire une provision en bulbes de tulipes bleues ou noires et acheter une grande variété de graines des plus ordinaires aux plus exotiques, des bouquets de fleurs à un prix dérisoire ou des fleurs séchées qui sentent tellement bon !
Sur le même quai, en face des fleuristes, se trouvent de nombreuses boutiques à souvenirs, ainsi qu’un bon restaurant indonésien et une fromagerie (Kaaskamer) bien garnie.
Autre endroit incontournable, c’est le marché le plus célèbre d’Amsterdam, Albert Cuypmarkt où l’on peut acheter des cadeaux et goûter les spécialités locales, comme les fromages et les harengs, ainsi que les dernières gaufres (stroopwafels) fabriquées de façon traditionnelle de la ville et « les meilleures frites au monde » (ce marché mérite un billet entier ; vous le trouverez ici).
A proximité se trouve le Musée de la bière (Heineken experience) qui semble attirer tous les adolescents surexcités qui posent un pied dans cette ville.
Le monument de Rembrandt, sur Rembrandplein, est absolument féerique, avec la statue du célèbre maître flamand entourée des personnages de ses tableaux en 3D. Mais ici, tout le monde m’a semblé occupé par un rituel étrange dont la signification m’échappait et qui consistait, parait-il, à se faire prendre photo dans une pose ridicule impliquant les personnages sculptés.
C’est ici qu’un ami néerlandais de notre fille est venu nous rejoindre, et nous lui avons laissé avec soulagement la lourde tâche de nous guider pour le reste de la journée. Nous avons passé quelques heures formidables en sa compagnie et, grâce à lui, nous avons pu apprendre ce que veut dire «gezellig », ce mot néerlandais intraduisible que l’on emploie pour désigner les moments conviviaux et agréables passés en compagnie de gens qu’on aime.
Will nous a proposé d’aller à Wondelpark, et si nous étions moins frigorifiés et moins fatigués, nous aurions sûrement embrassé son idée avec joie. Mais là, nous avons préféré nous assoir tranquillement au chaud. Après avoir retraversé le centre historique, nous sommes allés au Café Fonteyn.
Les Néerlandais mangent très tôt, vers 18 heures, et il est préférable de faire une réservation aux restaurants bien à l’avance. A Amsterdam, on a le choix entre la cuisine locale (qui est une cuisine nordique plutôt simple et roborative, mais aussi influencée par la cuisine française) et la cuisine des anciennes colonies, Surinam et Indonésie (sans compter tous les restaurants qui proposent de la cuisine « étrangère », bien évidemment). Nous avons choisi de goûter la nourriture indonésienne, et Will a fait une réservation à Sampurna, tout simplement parce qu’il était le plus proche des trois restaurants indonésiens que nous avons repéré (les deux autres étaient le Indrapura et le Tempo Doeloe, celui où s’est rendu Anthony Bourdain dans l’épisode sur Amsterdam).
Le restaurant indonésien Sampurna (vous trouverez plus d'informations ici)
Nous nous sommes trompés quelques fois de direction - ce qui arriverait facilement même aux locaux, à cause de la disposition circulaire des canaux – mais cela nous a donné l’occasion de voir d’autres canaux avec d’autres rangées de jolies maisons ivres, ainsi que de repérer quelques cafés design très en vogue, comme le De Jaren.
Sur le chemin de retour, nous sommes passés à côté de De Dampkring(« Ronds de fumée », traduisit Will). J’avais très envie d’y entrer, car c’est l’un des plus célèbres coffee-shop d’Amsterdam. De Dampkring est un endroit mythique aux décors psychédéliques, de nombreuses fois élu meilleur coffee-shop d’Amsterdam et dont la célébrité a explosé depuis qu’on y a tourné une scène du film Ocean's Twelve. J’avais lu que les touristes qui ne consomment pas sont tolérés, mais j’ai très vite remarqué que ce n’est pas un musée et je me suis contentée de jeter un coup d’œil de l’extérieur.
Il ne faut surtout pas confondre un koffieshop (à gauche) et un coffee-shop (à droite) : on déguste des pâtisseries dans le premier et on fume de la marijuana dans le deuxième
Le lendemain, nous avons consacré la plus conséquente partie de la journée au Rijkmuseum.
Le bâtiment, conçu par l’architecte Pierre Cuypers, en lui-même est très impressionnant, et il vient d’être ouvert au public après une restauration qui a duré dix ans.
Attention, le billet pour le musée a une durée de trois heures, qui suffisent à peine à apercevoir ses quelques 5000 tableaux, ses sculptures et ses objets d’art.
Les immenses tableaux de Rembrandt se trouvent dans une immense salle – mais la foule devant eux est encore plus immense. A l’inverse, les tableaux de Vermeer sont plus petits que l’on les imagine d’habitude ; mais avec une bonne dose de patience, on peut arriver à se placer devant eux pour les contempler. Le musée comporte aussi deux tableaux de Van Gogh (pas les plus flatteurs). La collection d’arts asiatiques est aussi très bien fournie et comprend des pièces extraordinaires.
Le musée Van Gogh nous tentait aussi, mais l’imposante file d’attente devant le bâtiment rectiligne et grisâtre, né du mouvement « De Stijl », nous a dissuadés. Amsterdam possède une vingtaine de musées qu’ils méritent d’être visités, mais un séjour aussi court implique toujours des sacrifices …
Nous avions en plus envie de grignoter quelque chose (ou même plusieurs choses), mais dans ce quartier rien n’a pu nous attirer. En revanche, les lieux où l’on peut manger sur le pouce à toute heure de la journée abondent en centre ville, et on y trouve de tout, des cafés design où l’on peut goûter les pâtisseries traditionnelles, jusqu’aux endroits où l’on propose de la fast food vraiment bon marché, en passant par les boutiques branchées où tout est bio et naturel.
Nous nous sommes arrêtés net dans le premier lieu où l’on pouvait s’assoir, le Bakker Bart. C’est une boulangerie/sandwicherie qui ne paye pas mine, avec des sièges inconfortables et des tables minuscules, mais où l’on trouve de très bons sandwiches chauds préparés sur commande avec des excellents pains (bakker veut en fait dire « boulanger » en néerlandais), et qui sont à un prix très raisonnable.
Et puis, nous ne pouvions quand même pas rater l’expérience de Febo, cette chaine de « distributeurs » de sandwiches frais que l’on croise un peu partout en centre ville.
Febo, ce sont d’énormes machines à compartiments chauffés où sont exposés des sandwichs garnis de produits frits. En réalité, ces machines ne sont pas automatiques : les sandwichs sont préparés sur place par le personnel, puis déposés dans les cases au fur et à mesure que ces dernières se vident. Ma fille a courageusement goûté le sandwich le plus populaire (d’après son ami hollandais), garni de rundvleeskroket (croquette à la viande de bœuf) et l’a trouvé pas mal.
Après tout cela, ne pensez pas que nous ayons boudé le dîner à bord de Thalys !