Maddie est morte. Ca, tout le monde le sait. Notamment les élèves de son collège. Mais ils ne savent pas vraiment comment. Ni pourquoi. Et surtout, ils se demandent s’ils auraient pu empêcher ça. S’ils n’avaient pas, à leur insu, repéré des choses, d’infimes changements, qui pourraient expliquer ce qui s’est passé. Quand elle disparaît, quelques temps avant de passer son brevet, personne ne s’inquiète vraiment. Il faut dire que Marie-Madeleine, dite Maddie, ne fait pas partie des élèves les plus populaires. On la surnomme même la Grosse, quand on ne l’ignore pas purement et simplement. Et puis un jour, elle arrive au collège avec une coiffure tape-à-l’oeil, des vêtements bien trop moulants et bien trop courts. Et ensuite, elle disparaît. Trois garçons, un peu trop intrigués par la drôle d’histoire morbide qui s’est déroulée juste à côté d’eux, fouillent la vie de Maddie. Son journal, où ils découvrent son ambition de gloire et de célébrité, et son quotidien qu’elle transforme pour le rendre bien plus sensationnel.
J’ai pris une sacrée claque en lisant ce roman. La quatrième de couverture est particulièrement bien faite: elle laisse entendre qu’il est arrivé à Maddie quelque chose de particulièrement glauque, alors que que finalement, ce n’est pas vraiment ça le vrai sujet de l’histoire. Dès le départ, on le sait, Maddie est morte. On le sait aussi, elle faisait partie des victimes de ce monde bien amer que peut être le collège où l’apparence, l’opinion des autres peut vous propulser au sommet ou vous descendre dans la fange. Loin de ces lycées aseptisés et caricaturaux que l’on trouve d’habitude dans les romans jeunesse, ici, on voit cette fille qui n’est personne, parfois victime de quelques surnom mais surtout invisible au point qu’on ne s’intéresse à elle que quand elle est morte. C’est dur, mais c’est tellement vrai.
Le caractère de Maddie lui aussi est aussi émouvant qu’inquiétant. Elle est typiquement le genre d’ado dont on se moque, celle qui décide d’être célèbre parce que des tas de gens le sont en ne sachant rien faire, qui n’a aucun recul et qui croit dur comme fer à tout ce qu’elle voit à la télé et dans les magazines. Elle le vit tellement, elle est tellement sure qu’elle va être prise à Star de Demain, qu’elle en devient pathétique et on ne peut plus se moquer d’elle tant on sent qu’il y a quelque chose de malsain, de pathologique là-dedans, des blessures bien plus profondes. Et là surgit l’empathie alors qu’elle ne serait certainement jamais surgie dans la réalité: on ne trouve Maddie émouvante que parce qu’on creuse et on sait très bien qu’on l’aurait fustigé comme ado décérébrée par ailleurs.
Un peu comme les trois héros en fait, qui retracent son parcours et qui mènent leur petite enquête poussés par une curiosité morbide et malsaine que l’on ne peut s’empêcher de partager. Le livre creuse et creuse encore, revient sur les événements pour les éclairer les uns après les autres, compare les vrais événements avec la manière dont Maddie les déforme dans son journal, en une spirale profondément dérangeante qui renvoie le lecteur à ses propres analyses sociales et pas toujours les plus belles.
La note de Mélu:
Une claque, je disais.
Un mot sur l’auteure: Stéphanie Benson est une auteure britannique mais qui écrit en français.