L'histoire: A Seattle, un homme blanc est retrouvé assassiné et scalpé, deux plumes de hibou sur le corps. Le crime donne naissance à un mythe qui va enflammer la ville: le tueur indien. De son côté, John Smith, jeune indien adopté par un couple blanc, succombe à ses démons et sombre dans la folie.
Difficile de classer ce roman dans une catégorie. Il est à la croisée des genres. Entre polar et thriller, il dépeint une société rongée par la discrimination. La lutte entre Indiens et Blancs est sans merci, chacun animant inlassablement sa haine de l'autre. Je sais que les conditions de vie dans les réserves sont catastrophiques et que l'alcool et la pauvreté font des ravages. Mais au fond de mon esprit persistait une vision idéalisée des Indiens. Autant dire tout de suite qu'elle a volé en éclats après quelques pages.
Les meurtres ne sont qu'un prétexte et la curiosité qu'ils éveillent reste inassouvie. Ce n'est pas la résolution de l'enquête qui motive l'auteur et l'intérêt du roman réside dans les multiples personnages, qu'ils soient blancs ou indiens. Ce qui est frappant, c'est la souffrance et le mal être qu'ils dégagent. Certains sont victimes de racisme, de discrimination, d'autres de manque d'affection. Parfois la douleur est physique mais bien souvent, elle est psychologique. Par exemple, John Smith est torturé par le fait d'être indien par son aspect physique - il est grand, beau, a la peau brune et porte les cheveux longs - mais pas par sa culture. Il ne peut revendiquer aucune appartenance et c'est en partie ce qui le rend fou. Comme le dit Mary "On ne lui a laissé aucune chance [...] Il était foutu dès le départ". Peu importe l'amour que lui ont porté ses parents adoptifs, il est étranger à leur monde ; tout comme il est étranger à celui des Indiens. Il ne sait même pas à quelle tribu il appartient. John est le fil conducteur du roman et malgré sa folie, car il ne fait aucun doute qu'il est fou, il est attachant et émouvant. Bien que l'on sache que c'est impossible à cause du ton du livre, on voudrait sincèrement qu'il s'en sorte. C'est un roman qui marque par sa noirceur. Tout n'est que lutte, violence et pessimisme. C'est aussi un texte très poétique qui nous entraîne parfois dans un monde fantasmagorique ; où il devient difficile de faire la différence entre rêve et réalité.
Il y a juste un détail qui m'a agacée ; c'est la vision stéréotypée du Blanc aux yeux bleus. Je ne sais pas si c'est intentionnel de la part de l'auteur car c'est ainsi qu'il caractérise la quasi totalité des personnages qui ne sont pas indiens. On peut peut-être voir une symbolique derrière l'omniprésence des yeux bleus, pour les démarquer des Indiens aux yeux sombres. C'est comme si Sherman Alexie portait sur les Blancs le regard plein de préjugés dont il a lui-même souffert de la part de ces mêmes Blancs. J'avoue que je ne sais pas comment interpréter cela ; ni quelle conclusion tirer de cette lecture.