Avec la crise économique, une vague d’entreprenariat gagne l’Espagne. Avec quelques 500 incubateurs, l’écosystème autour des startups, bien qu’un peu brouillon, traduit un mouvement de fond prometteur.
Entretien dans le cadre de l’émission L'Atelier numérique sur BFM Business avec Pierre-Alban Waters, le fondateur de Moving2Madrid, une entreprise qui se charge de trouver un logement aux étrangers qui s’installent à Madrid.
L’Atelier: En plus de la startup que vous avez fondée, vous réunissez par le biais du site Internet Guiripreneurs la communauté d’entrepreneurs internationaux installés à Madrid pour les affaires. Autrement dit, l’entreprenariat vous parle. Mais cette qualité caractérise-t-elle aussi les Espagnols?
Pierre-Alban Waters: Non, pas vraiment. Mais la crise a modifié les choses et maintenant c’est sexy d’être entrepreneur! La crise et le chômage ont conduit beaucoup de personnes à se poser la question de monter leur propre entreprise et de se faire un nom. Les "success stories" comme Facebook contribuent aussi à les jeunes à faire ce choix.
Ce choix de l’entreprenariat investit-il un peu le champ de l’innovation et des startups? Et si oui, dans quel secteur en particulier?
Pendant longtemps, l’Espagne dépendait de la construction. Avec la crise, le pays recherche un nouveau moteur de croissance. C’est assez naturellement que le tourisme s’est davantage développé et certaines startups ont décidé de s’attaquer à ce marché.
Plus largement, de quoi l’écosystème espagnol autour des startups est-il constitué? Est-ce qu’il est assez solide ? Est-ce qu’il est naissant ? Est-ce qu’il est assez stimulant pour l’ensemble de l’environnement de start-ups?
En 2008-2010, il n'y avait pratiquement rien. Les entrepreneurs s’aidaient entre eux mais les choses ont beaucoup changé depuis. Beaucoup d’institutions se tournent vers les startups. Il y a même un peu trop d’initiatives parce que je dirai que ce n'est pas les plus à même de savoir quelle est la bonne opportunité. Malgré tout, le mouvement existe et l’écosystème est assez prometteur.
Les initiatives dont vous parlez se manifestent-elles par la création d’incubateurs, d’accélérateurs, d’évènements qui servent de de stimuli pour cet écosystème?
Récemment, un inventaire a été dressé sur l’ensemble du pays et plus de 500 incubateurs ont été dénombrés par exemple. Il y en a même trop maintenant. Il y a un peu une bulle d’entreprenariat mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Et tous les investisseurs avec qui je parle disent toujours la même chose, à savoir qu’il y a plus d’argent que de bons projets. Cela est aussi lié à un problème de qualité ou de maturité de l’écosystème. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a beaucoup d’opportunités.
Et le gouvernement s’engage-t-il aussi dans cet écosystème ? Est-ce qu’il propose des aides ? Est-ce qu’il y a des fonds ? Est-ce qu’il simule lui aussi tout cet environnement?
Il s’engage très peu. Surtout "pour la photo", pas beaucoup dans les actions. Il y a des bonnes étapes mais généralement c'est 10-20% de ce qu’il faudrait faire. Par exemple existe désormais l’équivalent du statut d’auto-entrepreneur français. Avant cela, il fallait payer 300 euros par mois à la sécurité sociale pour commencer son activité quand bien même l’entrepreneur ne dégageait pas encore de révenus. Maintenant, avec ce statut d’auto-entrepreneur, ce forfait n’existe plus et c’est plus facile et plus incitatif de démarrer un projet. Mais il y a toujours des problèmes de frais quand on emploie une personne. Si bien que recruter une personne en Espagne reste assez lourd et assez cher. D’un autre côté, les talents espagnols sont bon marché. Certains disent même : "Ce qu’il faut c'est produire en Espagne et vendre ailleurs."
Avez-vous des exemples de startups espagnoles ayant rencontré un gros succès?
Oui. Je peux citer mon entrepreneur préféré. Il s’agit de Martin Varsavsky [un entrepreneur argentin,ndlr]. C'est un peu l’équivalent de Xavier Niel, le créateur de Free en France. Il a créé un Jazztel le concurrent des grosses compagnies d’Internet. Jazztel était une réussite et il a vendu cette entreprise. En 2005, il a fondé Fon, un leader mondial du wifi. Cet homme illustre parfaitement l’exemple d’un étranger venu à Madrid pour la qualité de vie, puis qui a monté plusieurs grands projets qu’il a exportés avec succès.