Maître anonyme, Hainaut, dernier quart du XIIIe siècle,
Initiale historiée C avec banquet et musiciens
Antiphonaire de l'abbesse de Sainte-Marie de Beaupré, c.1280/90
Enluminure sur parchemin, 48,1 x 34,6 cm (feuillet),
Baltimore, The Walters Art Museum, don de la Fondation William R. Hearst, 1957
On avait retrouvé, il y a maintenant un peu plus de dix-huit mois, Alla francesca en compagnie de Thibaut de Champagne, une aventure dont avait résulté une magnifique anthologie vers laquelle on revient toujours aujourd'hui avec beaucoup de plaisir. Délaissant les terres septentrionales, l'ensemble, qui fêtera bientôt ses vingt-cinq années d'existence, a mis le cap plus au sud et choisi de consacrer son nouveau disque à l'art des troubadours et des jongleurs.
Même si les deux mots finirent plus ou moins par se confondre et si les pratiques qu'ils qualifient sont tout à fait
complémentaires, trobar désignait plus spécifiquement, à l'origine, l'action de trouver, donc d'écrire et de composer, tandis que joglar relevait plus de la sphère du jeu,
dont celui, entre autres, des instruments ; ainsi le second diffusait-il, non sans souvent y apposer sa patte, ce que le premier avait conçu.
La majorité des chansons composant ce programme parle d'amour, sous ses aspects plus ou moins heureux. Frémissant d'espoir
(Ab joi et ab joven m'aspais de la Comtesse de Die) ou confronté à la dure réalité du quotidien (Coindeta sui, qui exploite le thème de la jeune fille mal mariée et dont
l'auteur, demeuré anonyme, pourrait être une femme), il est au centre des préoccupation des auteurs qui, quelle que soit leur extraction, noble comme Jaufré Rudel († c.1147), prince de Blaye
que l'on dit s'être épris de la lointaine princesse de Tripoli
Alla francesca aborde ces pièces avec l'expertise mais aussi la liberté qui font qu'on le suit sans faillir depuis de
nombreuses années. S'il fallait ne qualifier que d'un mot le Trobar & Joglar qu'il nous offre, ce serait certainement celui d'enthousiasme qui viendrait le plus naturellement à
l'esprit, tant il s'en dégage une impression persistante de jubilation, y compris lorsque l'humeur se fait plus mélancolique, les deux choses n'étant pas obligatoirement incompatibles. Il faut
dire qu'en grande partie grâce aux improvisations, réalisées autant de finesse que d'efficacité, l'esprit de la danse traverse ce disque de part en part en renforçant encore l'énergie née de
l'envie évidente des quatre musiciens de servir ces musiques.
Alla francesca
Brigitte Lesne, chant & harpe-psaltérion
Pierre Hamon, flûtes & cornemuse
Vivabiancaluna Biffi, chant & vièle à archet
Carlo Rizzo, tambourins & cloches
1 CD [durée totale : 64'57"] agOgique AGO017. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Per joi que d'amor m'avenha, canso attribuée à Na Castelloza
Mélodie : contrafactum de Raimon de Miraval
Vivabiancaluna Biffi, chant, Brigitte Lesne, harpe-psaltérion
2. Ses alegratge chant, descort de Guilhem Augier Novella
Brigitte Lesne, chant, Vivabiancaluna Biffi, vièle
Illustrations complémentaires :
Deux enluminures du Manuscrit Français 854 de la Bibliothèque Nationale de France (XIIIe siècle) :
- fol. 190 r : Initiale T avec portrait de Guilhem Augier Novella
- fol. 121 v : Initiale historiée L avec le mort de Jaufré Rudel
La photographie d'Alla francesca est d'Alain Genuys.