Je m’étais pourtant interdit d’en parler. Jamais. Trop passionnel, trop chargé en symboles qui font perdre le discernement le plus élémentaire, et faire passer n’importe qui pour ce qu’il n’est pas. Le seul fait d’évoquer le sujet me semblait aussi dangereux que la visite d’un missile armé dans mon salon. Parce qu’exprimer un simple avis sur le conflit israélo-palestinien dans le sens qui ne convient pas peut exposer à de sérieux ennuis. Donc, je me taisais, gardant pour moi mon indignation. Je me tenais à ma ligne directrice : motus.
Mais parfois, ce n’est plus tenable. Chaque jour nouveau, comment ne pas se révolter devant l’horreur déversée par tout ce qui transporte des images ? Ce ne sont pas les premières. Elles ne seront malheureusement pas les dernières. Et c’est Jacques Kupfer qui m’a fait sauter le rubicon. Après avoir voulu vitrifier l’Iran, il vient, ni plus, ni moins, d’appeler à éradiquer le peuple gazaoui une fois pour toute dans une diatribe qui fait froid dans le dos, à la manière d’Arnaud Amalric décimant l’hérésie cathare il y a bien longtemps : «Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens»… S’il y en a un. Et les commentaires qui suivent sont de la même eau.
Je n’ai pas de mots pour exprimer mon dégoût. Tout cela parce ce peuple, selon vous, est de race inférieure et dégénérée, parce qu’il n’a pas le même dieu, parce qu’il est certes turbulent, parce qu’il tente maladroitement de défendre la terre qu’on lui a confisqué du jour au lendemain… le tout exprimé sans aucun état-d’âme.
Monsieur Kupfer, avec de tels propos, jamais vous n’aurez la paix. Ne comprenez-vous donc pas que toute cette violence, depuis la naissance de l’État d’Israël, et encore plus depuis 1967, est totalement improductive. Pire, vous finissez tout seul par être le grand responsable de la montée de l’anti-sémitisme un peu partout dans le monde.
C’est un peu facile, cet endoctrinement maladif du péril imminent et perpétuel de votre nation. Effectivement, je ne suis pas menacé par une roquette tirée hasardeusement. Je ne suis pas menacé par quelques barbus vociférants. Mais si je l’étais, je m’y prendrais autrement. La loi du talion n’a jamais rien résolu, et écraser quelques mouches avec un lance-flamme produit forcement des dégâts. Chaque bombe qui décime les familles palestiniennes forge une jeunesse dans le combat et produit à coup sûr les futurs membres du Hamas avec une haine sans limite. Voilà le résultat de votre raisonnement dont je peine à croire qu’il émane d’un esprit humain.
Israël et la Palestine peuvent vivre ensemble, côte à côte, chacun avec ses spécificités. Certainement pas demain, ni même après-demain. Bien sûr qu’il y aura des heurs et des drames commis par des irréductibles, mais un acte isolé ne doit pas remettre autant de choses en question. Pour cela, il faut que votre espèce, Monsieur Kupfer, et toute cette génération de vieux faucons issus des guerres passées et du Mossad, dont le passe-temps favori était de saboter tous les traités et notamment les accords d’Oslo, s’en aillent, et qu’une nouvelle classe politique moins extrémiste apparaisse et apaise enfin cette terre de providence et de repère de tant de religions. Rappelez-vous, elles sont toutes bienveillantes et respectueuses d’autrui.
Plus que jamais, j’y crois.
D’ailleurs, il ne faut jamais dire jamais.