Car, en matière de langues, si les adultes excellent à mémoriser le vocabulaire nécessaire aux activités quotidiennes de base, les enfants seuls auraient cette capacité à percevoir les nuances de la langue et après un séjour de quelques semaines seulement dans un pays étranger, à parler une seconde langue comme un natif.
L’explication est dans le cerveau, un jeune cerveau étant équipé de circuits neuronaux capables d’analyser les sons et d’appréhender l’ensemble des règles de construction sémantiques et syntaxiques à partir de ces sons. Chez l’adulte, une fois absorbé un modèle linguistique, il est plus difficile d’en « envisager » un autre pour faire l’apprentissage d’une nouvelle langue. C’est ce que démontre cette équipe de neuroscientifiques et de psychologues du MIT qui révèle un autre facteur de difficulté d’apprentissage linguistique chez l’adulte : L’apprentissage chez l’adulte va obéir en priorité aux schémas cognitifs les mieux ancrés et, plus précisément à un type de mémoire plus développé.
Les auteurs rappellent la théorie d’une linguiste, Elissa Newport (1990) sur la difficulté d’apprentissage des nuances d’une nouvelle langue chez l’adulte en raison d’une propension à analyser trop d’informations à la fois liée à un cortex préfrontal beaucoup plus développé. A partir de cette hypothèse, les chercheurs ont conçu une expérience pour tester si l’importance de l’effort aide ou entrave l’apprentissage. Ils ont inventé 9 mots de 2 syllabes, dépourvus de sens. Les mots ont été répartis en 3 catégories, A, B et C. Les participants ont dû écouter ce langage artificiel durant 10 minutes. Un groupe de sujets était invité à ne pas se concentrer et devaient constituer un puzzle durant l’écoute. L’autre groupe devait se concentrer et tenter de reconnaître les mots. Les 2 groupes ont entendu le même enregistrement, une série de séquences de 3 mots, d’abord de la catégorie A, puis B, puis C sans pause entre les mots.
· Les 2 groupes se montrent capables de segmentation, c’est-à-dire de regroupement des mots, bien que le groupe concentré fasse un peu mieux.
· Les deux groupes atteignent un bon niveau de performance dans l’ordre des mots ou la capacité de choisir entre une séquence correcte de mots (ABC) et une séquence incorrecte.
· Lorsque les chercheurs font écouter aux participants une séquence de 3 mots dont un totalement nouveau mais appartenant à la bonne catégorie, les sujets concentrés font bien moins bien que les sujets distraits.
2 types de mémoire sont sollicités : Ces résultats suggèrent que certains aspects de l’acquisition du langage sont conduits par la mémoire procédurale (qui guide nos tâches inconsciemment), tandis que d’autres sont conduits par la mémoire déclarative (qui stocke les connaissances et les faits).
· La mémoire déclarative serait plus utile pour l’apprentissage du vocabulaire et des règles de grammaire.
· La mémoire procédurale serait plus utile pour l’apprentissage des règles subtiles liées à la « morphologie » de la langue.
Ce système de mémoire procédurale vraiment important pour l’apprentissage de ces nuances de la langue serait, chez l’adulte, comme occulté par le système de mémoire déclarative.
Pour aller plus loin, les chercheurs testent actuellement, par stimulation magnétique transcrânienne, une distraction du cortex préfrontal chez l’adulte, lié à cette mémoire déclarative, pour évaluer si l’apprentissage de la langue est alors facilité.
Source: PLoS ONE July 21, 2014 DOI: 10.1371/journal.pone.0101806 When It Hurts (and Helps) to Try: The Role of Effort in Language Learning
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