Puis, à force de l'écouter, de l'entendre au travail, de la chambre de Monkee, en voiture quand la belle prenait le contrôle de la radio, les paroles, tout simplement merveilleuses, me sont entrées dans la peau.
Joli. Mais pas autant encore que ...Loves your curves and all your edges, all your perfect imperfections...
Les deux derniers mots peuvent pour moi être aussi séduisants, souvent plus, que la beauté lisse et frappante. J'appelais d'ailleurs la chanson Perfect Imperfections quand je la commandais à mon fils: "Monkee, mets-donc Perfect Imperfections!"
J'ai écouté coup sur coup deux films forts différents il n'y a pas longtemps. Le premier, malgré de grands moments visuels, m'a un peu agacé. J'ai ADORÉ le second. Je me suis demandé pourquoi.
Le premier, Lincoln de Spielberg, m'a agacé parce que je le trouvais affecté, surjoué comme au théâtre. Voilà la femme de Lincoln en dépression, voilà un homme du congrès parfaitement conscient que ce qu'il dit est historiquement important expliquant le trémolo dans la voix quand il parle, voilà un irlandais surjouant good Ol' Abe, voilà un gros plan nous montrant un article soigneusement recherché par les consultants historiques autour du film.
Voilà trop d'orgueil.
Dans le second, Nebraska d'Alexander Payne, je ne soupçonnais pas que, justement, la ville de Lincoln en Alabama, allait y jouer un rôle si important.
Et pourtant les deux films sont nettement différents.
Drôle, cynique, touchant, brillant.
Des États-Unis comme Payne les filme tout le temps. Tout en parfaites imperfections.
Et un souci du détail dans le scénario qui m'éblouit chaque fois. 2 exemples: Une ancienne copine* du fils du vieil homme vient reporter des affaires chez son ex. Elle lui souligne que les plantes près de la fenêtre vont mourir si elles y restent et auraient besoin d'eau. Sur quoi, l'homme les prends et les transporte à la cuisine. Levant les pots, on découvre des dollars cachés sous l'un de ceux-ci. La scène est filmée de loin, on pourrait ne pas l'avoir remarqué. L'homme qui prend les pots ne l'a pas remarqué. L'ex-copine, dont ce sera la seule et unique scène du film, remarque cet argent, s'en saisi, le cache dans sa veste, n'y fera plus référence avant de quitter l'endroit. Plus riche.
C'est un film totalement en lien avec l'économie actuelle aux U.S. of A.
Autre exemple de souci du détail savoureux: Lorsque le vieil homme passe dans son village natal de Hawtorne, très rapidement on le pense millionnaire. Ça suscite l'attention du journal local qui voudra un article et une photo. Le photographe déplacé pour prendre la photo pour le journal sera un jeune garçon d'à peu près 14 ans qui arrivera en vélo avec son gros appareil de 1981. Personne ne semble étonné de tout ça.
"on fait avec les moyens qu'on a" nous dit cette scène.
Le contraire d'un orgueilleux plan qui nous montre l'étendue de la mise-en-scène d'un champs de bataille, le budget investi sur les costumes et les discours à la voix chevrotante pour faire valoir son point.
Du vrai glissé dans le cinéma. Art qui reste une mise en scène artificielle.
C'est légèrement injuste de comparer le film de Steven à celui d'Alexander qui n'avait pas les mêmes visées. L'un se voulait à grand déploiement et à saveur patriotique pour une Amérique en besoin d'héros solides. L'autre plaçait sa caméra sur des anges déchus dans une Amérique obèse, gourmande et lacunaires.
Les deux, tous deux cinéphiles avant tout, font du sacré bon travail. Mais différemment. L'un avec orgueil, l'autre humilité.
*Et pas un canon à la Cameron Diaz, une jeune femme modeste, obèse, girl next door, comme on en connait des milliers.