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Jean-Jacques Schuhl : Ingrid Caven

Publié le 23 juillet 2014 par Lebouquineur @LBouquineur

jean-jacques schuhlJean-Jacques Schuhl, né en 1941 à Marseille, est un écrivain français. Il a reçu le prix Goncourt en 2000 pour son roman Ingrid Caven.

J’avais un a priori négatif sur l’écrivain, l’image qu’il véhiculait ne me poussait pas à me pencher sur ses livres et puis le hasard a mis entre mes mains son roman Entrée des fantômes qui m’a agréablement surpris. Encouragé par cet essai, je me suis lancé dans Ingrid Caven, sensé être son meilleur ouvrage. Et c’est là que mon a priori négatif s’est réveillé, me rappelant qu’il ne se trompait jamais.

Attention, tout n’est pas mauvais dans ce roman, je dois être honnête. Il est bien écrit, d’une plume nourrie des classiques de la littérature mais mise au goût du jour pour aborder un sujet moderne. De plus, l’écrivain a un don indéniable pour croquer en quelques mots ou lignes, un personnage fictif ou mieux encore, bien connu. Roman bien construit aussi, sa principale qualité peut-être, permettant dans maintenir le mince intérêt pour le lecteur, l’avancée dans le texte éclairant les pages antérieures.

Son principal défaut, le roman n’est pas très intéressant ! De quoi s’agit-il exactement ? Une fausse biographie - puisque c’est un roman - d’Ingrid Caven, actrice et chanteuse allemande révélée au cinéma par son mari Rainer Werner Fassbinder avec lequel elle fut mariée durant deux ans au début des années 70. Elle fut aussi une amie d'Yves Saint Laurent qui lui tailla sa robe de scène, un fourreau noir, qu'elle a toujours gardé comme un fétiche. Enfin dernier détail, non sans importance, elle est depuis, devenue la compagne de Jean-Jacques Schuhl. La boucle est bouclée. L’auteur construit son récit à partir d’éléments de vie habilement agencés, truffant son texte de personnages connus et nommés ou mal dissimulés derrière des pseudonymes (le Mazar du roman est Jean-Pierre Rassam). Mannequins, putes de haut vol, milieux du cinéma, coke, New York, Berlin, Paris, hôtel Chelsea mais aussi l’Allemagne d’Hitler, les déportations et Ingrid Caven âgée de quatre ans chantant devant le moustachu infâme, un grand écart plutôt bien négocié par l’auteur. Pour au final, y voir une déclaration d’amour/admiration criante sans être nunuche, de l’écrivain pour sa compagne.

S’il était mal écrit, j’aurais taxé le bouquin de texte pour initiés de la jet set, une version écrite des magazines people dont on regarde les photos dans les salles d’attente des dentistes. Mais tel n’est pas le cas. Du bon et du moins bon, donc, dans ce roman qui aurait pu éventuellement passer la rampe de ma critique, s’il n’avait été couronné d’un Goncourt. Je ne connais pas les détails de sa désignation, mais qu’un tel roman puant le parisianisme, édité dans une collection dirigée par Philippe Sollers, obtienne le prix tant convoité laisse songeur… mais ceci explique peut-être cela ?   

« Elle roule un peu les r, le reste est dans le masque. Elle fait glisser dans sa langue une autre langue, celle de son propre corps. Elle commence une phrase avec un accent althochdeutsch, haut allemand, la termine dans une sonorité yiddish, et passe, en un instant, de l’Université à la cuisine. Elle conjugue les genres, elle aime les mélanges, ce changement de ton à l’intérieur d’une chanson. Elle avance vers la rampe, cinq doigts écartés sur la hanche : le geste des premières chanteuses de saloon parodiant les cow-boys, main sur la crosse du colt, buste un peu cassé, voix poissarde. Tout en marchant d’un pas trainant, elle ramasse la longue traine de la robe, la tient roulée, chiffonnée, sur le bras, ça lui découvre les jambes, soudain c’est une mini ! Parfois, elle en a assez de cette grande robe, de tout ce noir ! »

jean-jacques schuhl
Jean-Jacques Schuhl   Ingrid Caven   Gallimard – 302 pages -


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