Mais plusieurs raisons me poussait à prendre le départ de cette course de 77 kilomètres reliant les deux plus grands lacs naturels français: d'abords, j'étais invité. Ensuite l'instigateur de cet événement est l'ami Christophe Aubonnet, et la marque Hoka, que j'apprécie depuis sa création, avait fait de cette course son premier "événement titre". J'étais d'ailleurs convié par la marque au voyage de presse organisé autour de la course par l'agence 187.com, ce qui m'a permis de passer une (courte) nuit à l'hôtel Ibis Style à 1km de mon appartement (j'ai déjà fait pire: l'autre jour en oubliant mes clés j'ai dû dormir à l'hôtel le moins cher du coin, encore plus près!). C'est vrai que cette arrivée sur les bords du lac, à Aix-les-Bains que je m'apprête à quitter comme "lieu de résidence principal", me motivait aussi. Et puis, surtout, j'avais tout de même bien envie de courir, sans forcer et pour découvrir ce parcours que j'étais finalement loin de connaître en entier. Ca a beau faire quatre ans que je suis dans le coin, en pointillé, je suis loin d'avoir tout exploré. Faute de temps et de voiture, pour beaucoup.
Toujours est il qu'après une belle et chaude journée passée à déjeuner agréablement en compagnie de collègues (bien connus pour la plupart) bloggeurs et journalistes, des responsables de la marque (Jean-Luc, Guillaume et Serge) et de la grande Elodie, fondatrice de l'agence qui ne porte pas son nom, mais sa taille! (187... c(o)m), puis d'une longue après-midi sur les stands et au bord du lac, et une très courte nuit dans ce bel hôtel, je me retrouve donc au départ de ce premier Interlac. Il est très tôt, et j'ai je pense battu mon record personnel de lever à trois heures du matin (avec les deux réveils plus que matinaux du Grand Trail Stevenson). Elodie nous a conduit (il faudra lui ériger une statue), Cédric et moi (les deux seuls de la troupe à s'aligner sur la longue distance) dans le village de Duingt où est donné le départ.
Nous sommes nombreux, près de 400 à nous réunir ici. Sur la ligne, je retrouve l'ami Sean Van Court, avec qui je bavarde. Ludo Collet, le speaker le plus fameux du trail running et du sport en général, réchauffe l'ambiance. Le jour n'est pas encore levé quand le peloton s'élance. Je suis le mouvement. Heureusement (je n'ai pas pris de lampe) les tous premiers kilomètres grimpent le long de la route. Nous croisons, c'est rigolo, deux lieux de noces. Ici, la soirée se termine et les convives s'amusent de voir passer une ribambelle de coureurs. Pour eux aussi la nuit a été courte!
Un peu plus loin, nous abordons les premiers lacets du sentier. J'ai veillé à adopter un rythme où je me sens "confortable": mon objectif est de souffrir le moins possible, d'apprécier le parcours et d'aller quand même à un rythme à peu près correct. Je marche dès que le besoin s'en fait sentir, pour m'économiser. Vu la pente, qui devient vite sévère, il n'y a de toutes façons pas d'autre choix et les coureurs qui me précèdent font de même. Un petit détour nous révèle une vue splendide sur le lac d'Annecy, dans le jour levant.
Nous grimpons ainsi, en file encore assez serrée, jusqu'au haut du col de la Cochette, que je ne connaissais pas. Ensuite, une descente bien raide, qui me rappelle déjà que mes jambes ne sont pas toutes neuves aujourd'hui, nous fait immédiatement reperdre l'altitude gagnée... Pour remonter presque aussitôt: une pente régulière mais accentuée nous entraîne sur le Semnoz. Là, la montée est longue et agréablement boisée, le chemin plutôt facile. Je prends mon temps, monte d'un bon pas. Il y a déjà moins de coureurs autour de moi, l'ambiance est un peu moins studieuse aussi: nous commençons à échanger quelques mots. La pluie, qui commence à tomber, le tonnerre qui gronde, sont un excellent sujets de conversation! Je me sens plutôt bien, en respectant à la lettre ma consigne personnelle du jour: dès que je sens que c'est un peu plus difficile, je ralentis et retombe dans une zone de confort. Vu l'enchaînement, c'est tout de même prudent.
Les alpages arrivent et le ciel, même bien chargé, nous permet de découvrir le restaurant d'altitude où est installé le premier ravitaillement. 20 kilomètres d'effectués, c'est encore loin mais je suis optimiste. Après avoir grimpé les derniers hectomètres en compagnie d'un aixois, je repars du ravitaillement avec un jeune coureur messin. Il m'explique la difficulté de trouver à proximité de son lieu d'habitation de longues pentes. Heureusement, les Vosges ne sont pas si lointaines, et d'ailleurs, ce plateau du sommet du Semnoz, où les nuages nous révèlent tout de même un splendide panorama sur la vallée, lui rappelle les crêtes vosgiennes.
Je ne suis pratiquement jamais passé par là malgré mes quatre années dans le coin, certes en pointillés. Décidément, je ne suis que de passage. Mais à la limite, cette découverte n'en est que plus agréable aujourd'hui. J'apprécie vraiment le parcours, peut-être aussi parce que j'ai bien réussi cette fois à faire abstraction de l'ambiance compétitive. Je suis dans mon effort, parfois seul et parfois discutant avec ceux qui le veulent bien.
La descente suivante est plus délicate pour moi: mes chevilles doivent vraiment être fatiguées et ne tiennent pas bien. C'est raide, sans être dangereux. La pluie, qui reste fine, est intermittente. C'est presque une chance en comparaison de la chaleur lourde qui régnait encore la veille. Je peux admirer le superbe passage du pont de l'Abîme, suspendu, qui porte bien son nom.
Dans la montée suivante, que je ne connais pas non plus, je lie conversation avec Sandrine, une traileuse que j'avais déjà croisée sur quelques épreuves régionales. Son rythme est bien régulier, comme le mien. Sa famille est venue l'encourager et l'accompagne sur quelques kilomètres. Elle semble en bonne forme, motivée. Nous discutons en grimpant jusqu'au creux de Lachat, où le point d'eau est le bienvenu. Avant Crolles, où je retrouve des terrains connus, le parcours se fait plus roulant, sur le plateau. C'est joliment boisé. Je double et me fais doubler par les mêmes coureurs pendant les derniers kilomètres qui nous amènent au deuxième ravitaillement.
Là, il y a pas mal de monde. Au 50 em kilomètre, entre les passages de relais et les coureurs qui s'accordent une pause, c'est presque foule. Je me fais un petit sandwich et repart vite. Curieusement, je serai seul pendant presque les huit prochains kilomètres, qui, bien que sur le plateau, ne sont pas tout à fait plats. Mon esprit s'évade. C'est presque comme si je me baladais, tout seul, sur un de mes grands chemins. J'ai bon moral, en ce moment.
Je passe au Revard. Pour le coup, ce coin là, je commence à le trouver familier. Depuis Aix, c'est la montée la plus logique. Le panorama, même légèrement embrumé, est vraiment splendide. Le lac du Bourget s'étend en bas. Il reste une vingtaine de kilomètres pour y retourner. Juste gérer tranquillement.
Une nappe de brouillard enveloppe le plateau de la Féclaz. A ce moment, il est parfois difficile de voir à plus de vingt mètres. Mais le parcours est logique et il n'y a rien de dangereux non plus. Cela ne dure pas; avant la Féclaz, le ciel est à nouveau plus clair. Juste avant d'arriver, Sandrine et Daniel, un coureur que j'ai beaucoup croisé aussi aujourd'hui, me rejoignent. Nous décidons alors d'avancer ensemble pour affronter la dernière petite montée qui suit, puis la longue descente qui doit nous amener sur les rives du lac.
La descente, je la connais pour l'avoir déjà emprunté dans l'autre sens. Malgré deux passages assez raides, le début n'est pas trop difficile. Je trottine avec Daniel, Sandrine est plus loin. Nous l'attendons dans un replat mais nous la perdrons de vue ensuite (elle terminera un petit quart d'heure plus tard), mais bon, la fin est proche. La dernière partie de la descente est cependant très raide, avec un sillon tracé droit dans la forêt. Les appuis n'y sont pas évident et c'est sans doute le moment de la journée où je peine le plus, mais rien de grave!
Parvenus en bas, nous ne sommes pas tout à fait arrivé: quelques kilomètres dans le village de Méry, puis nous regagnons celui de Vivier du Lac. Là aussi, je connais, pour y passer en footing de temps en temps. Une dernière butte nous attend avant de basculer vers les rives du lac. Je suis toujours en compagnie de Daniel, qui vient du sud-Essonnes, ma "patrie" natale.
Au moment de basculer vers le lac, sur une dernière très courte descente, je me souviens que j'avais une fois rencontré là Bernard Donzel , décédé tragiquement depuis. Je pense à lui, à Michel Sorine aussi. Au fait que je ne suis pas passé loin de la catastrophe il y a deux ans au Népal... C'est qu'il s'en est tout de même passé des choses depuis quatre ans que j'habite plus ou moins ici. Cela va trop vite pour repenser à tout et faire le bilan, mais cette arrivée ici est néanmoins symbolique pour moi.
Je rejoins les rives du lac, où je peux tout de même déployer un peu ma foulée d'ancien marathonien, pour finir à un rythme correct et avec de bonnes sensations. Je suis encore tellement heureux et chanceux de pouvoir encore courir ainsi. Je connais ce passage presque par coeur. D'ailleurs, sur le dernier pont qui mène au Bourget du lac, je peux voir une petite coquille: le chemin de Saint-Jacques passe aussi par là, c'est ici que j'avais débuté mon beau voyage en 2012. Aujourd'hui, c'est la fin de la course. J'aborde le port, un petit tour tout au bord du lac, le ciel de plus en plus voilé, et me voici arrivé. 11H04 après être parti.
J'ai vraiment apprécié ce beau parcours et je reviendrai, forcément, sur les rives du lac du Bourget.
http://interlactrail.com/
Mon article sur Wider mag:
http://www.widermag.com/news-interlac-trail-belle-premiere-entre-les-lacs-les-gouttes