Banco Espirito Santo : le doux nom du prochain krach bancaire ?

Publié le 22 juillet 2014 par Raphael57

 

Vous avez aimé l'affaire BNP et les cris d'orfraie poussés par les dirigeants politiques français suite à sa condamnation à 9 milliards d'euros d'amende ? Vous avez également aimé Chypre dont le système bancaire national représentait 7 fois le PIB du pays ? Vous avez par ailleurs adoré le feuilleton des banques zombies en Espagne (Bankia, NovaCaixaGalicia et Banco de Valencia) qui s'est soldé par un sauvetage européen à hauteur de 41 milliards d'euros ?

Alors vous ne serez pas déçu par l'affaire qui secoue le Portugal depuis quelques semaines et qui porte un nom charmeur : Banco Espirito Santo...

De quoi s'agit-il ?

La banque banco Espirito Santo, première banque Portugal, a perdu a perdu 30 % de sa capitalisation boursière depuis quelques mois. De plus, sa maison mère, Espirito Santo International, a falsifié ses comptes pour cacher des pertes d'un montant de 1,3 milliard d'euros, la banque étant exposée à la dette du groupe à hauteur de 1,18 milliards d'euros.

Ajoutez à cela des divisions ostensibles au sommet de la hiérarchie du groupe familial et quelques révélations croustillantes sur des cadavres financiers dans les placards (créances douteuses, 6 milliards d'euros de crédits non documentés en Angola, placement de la dette de la maison mère auprès des clients de la banque,...), et vous avez tous les ingrédients d'une crise bancaire grave qui menace de devenir systémique, c'est-à-dire de s'étendre à tout le pays et à la zone euro ensuite !

Bien entendu tout le monde se veut rassurant : aucun problème de solvabilité de la banque, ratios prudentiels exemplaires, précédente augmentation de capital réussie, etc. Bref, la banque devrait se porter comme un charme selon les canons en vigueur dans la finance. A ceci près que la banque est au bord du gouffre et que personne ne connaît l'exposition exacte au risque des autres filiales du groupe. On sait cependant que la banque, par ses ramifications tentaculaires dans l'économie portugaise, menace toute l'économie réelle du pays qui vient pourtant à peine de sortir du plan de sauvetage européen ! D'où la volatilité accrue sur les obligations de l'État portugais.

Et vendredi dernier, la maison mère du groupe ESI (Espirito Santo International) a demandé à être placée en redressement judiciaire, ce qui n'augure rien de bon sur planète finance... D'autant que ESI a son siège, comme par hasard, au Luxembourg !

Quelle est la structure du groupe ?

La réponse dans cette infographie :


[ Source : Le Figaro ]

Le groupe Espirito Santo est un groupe familial très puissant au Portugal, qui domine toute l'économie du pays par ses ramifications dans de nombreux secteurs d'activités : finance, assurance, hôtellerie, agriculture, santé, etc. Il s'agit donc d'un conglomérat très actif en Europe mais aussi au brésil et en Angola.

Espirito Santo International est la maison mère de ce groupe familial. Et c'est précisément au sein de la maison mère qu'avaient été dissimulées des pertes d'un montant de 1,3 milliard d'euros ! Mais en raison de l'exposition de la banque au reste des activités du groupe, Standard & Poor's a dégradé la note de la dette à long terme de Banco Espirito Santo, provoquant au passage un mouvement de panique puisque celle-ci est désormais en catégorie spéculative !

Vous remarquerez au passage que Crédit Agricole, après le naufrage de sa filiale grecque Emporiki, n'a décidément pas fait que des choix heureux dans ses participations bancaires...

Et l'Union bancaire européenne dans tout cela ?

La mise en place d'une Union bancaire, c'est-à-dire un mécanisme unique de supervision placé sous l'autorité de la BCE et un mécanisme unique de résolution, doit permettre d'éviter qu'une nouvelle crise bancaire ne se transforme en crise de la dette au sein de la zone euro, suivant le modèle désormais bien connu : les banques vont mal ; elles appellent l'État à l'aide ; ce dernier s'endette pour leur prêter des fonds ; tous les contribuables paient in fine pour renflouer les banques.

Or, en plus de devoir attendre 2025 pour que le mécanisme fonctionne à plein, celui-ci est tellement complexe qu'il lui sera difficile de rétablir la confiance dans le système bancaire européen. Le pire est que l'accord trouvé ne brise même pas le lien entre sauvetage des banques et endettement des États, qui était pourtant le point de départ de l'Union bancaire...

En pratique, lorsqu'une banque sera en faillite, les premiers à mettre au pot seront les actionnaires et les prêteurs (d'où le nom de bail-in), qui devront couvrir au minimum 8 % des pertes de la banque. Si cela ne suffit pas, il sera possible de faire appel à des fonds nationaux de résolution, abondés par le secteur bancaire. Enfin, les ménages et les PME seront protégés puisqu'il a été confirmé que leurs dépôts seront garantis à hauteur de 100 000 euros.

Sauf que, au Portugal, l'État envisage déjà d'intervenir pour sauver cette banque grâce à son fonds de restructuration bancaire qui pèse 6,4 milliards d'euros. Et il doit se dépêcher, car la Banque du Portugal n'est compétente que jusqu'au 4 novembre 2014, date à laquelle le superviseur européen prendra le relai dans le cadre de l'Union bancaire. Et je pense pouvoir dire avec certitude que personne en Europe n'a envie de sortir le carnet de chèques pour renflouer, encore une fois, les banques portugaises...

Et n'oublions pas que si les récents déboires du monde bancaire en Bulgarie n'avaient pas vraiment attiré l'attention - bien que 400 millions d'euros aient été retirés des comptes bancaires en une seule journée le 27 juin ! -, c'est avant tout parce que la Bulgarie n'est pas dans la zone euro. Or, une étincelle comme la Banco Espirito Santo au Portugal pourrait très bien faire sauter à nouveau le couvercle de la marmite euro qui bouillonne !

Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de vous citer les mots d'un grand clairvoyant de notre pays, mais je suis certain que le Portugal doit pouvoir en trouver un chez lui aussi : "nous avons taxé les bonus bancaires, il y a une séparation des activités spéculatives et des activités de dépôt. En France, nous avons les taux d'intérêt les plus bas de notre histoire : la finance a été maîtrisée". Là, c'est moi qui n'ai plus de mots...

N.B : l'image de ce billet provient d'un article de ce site : http://npa29.unblog.fr