Aujourd'hui, 22 juillet 2014, cela fait juste dix ans jour pour jour disparaissait un artiste qui fait incontestablement partie de mon panthéon personnel, à savoir Serge Reggiani et pour l'occasion, ces derniers jours, je me suis fait une immersion totale Reggiani avec une biographie et l'écoute fréquente d'un CD hommage.
J'avais déjà il y a deux ans dans le détail tout ce que Reggiani représentait pour moi en tant qu'acteur mais surtout en tant que chanteur. En tant qu'acteur, Serge Reggiani m'avait surtout marqué dans 2 films des années 70 que j'ai vus plusieurs fois avec mon père : Vincent, François Paul et les autres, le chef d'oeuvre de Claude Sautet, ou le chat et le souris, un film méconnu de Claude Lelouch. J'aimais particulièrement, chez Reggiani, son coté sensible et viril en même temps, matiné de son charme italien. Je sentais ses failles, et ses félures, et les épreuves qu'il a pu traverser ( le suicide d'un fils et la dépression qui s'en suivit).
Mais c'est vraiment en écoutant les disques de mon père, qui écoutait peu de chanson française, mais seulement celle de qualité ( Léo Férré, Jean Ferrat, Brel...et Reggiani) que je me suis mis à apprécier l'artiste et écouter ses disques en boucle, et à y deviner l'immense sensibilité qui se cachait derrière cet artiste.
Cette sensibilité, on la ressent bien dans la biographie de Daniel Pantchenko ( spécialisé dans les biographies de grands noms de la chanson française, de Brel à Ferrat), Serge Reggiani, L'acteur de la chanson, paru chez Fayard il y a quelques semaines seulement.
Forte de quelque trente-cinq témoignages inédits de personnalités et de proches, cette biographie très fouillée de Serge Reggiani (que l’auteur a interviewé à plusieurs reprises) est centrée sur sa carrière de chanteur, mais elle aborde évidemment l’ensemble de son parcours d’artiste et d’homme.
Si le Reggiani chanteur s'est révélé très tard; quasiment à la veille de Mai 1968, à 45 ans, le comédien était déjà bien installé. Devenu un comédien qui chante grâce à Barbara et à des amis auteurs et compositeurs nommés Georges Moustaki, Jean-Loup Dabadie ou Michel Legrand, il s’est constitué l’un des plus beaux répertoires du genre, conjuguant nostalgie, humour et engagement citoyen d’une voix identifiable entre mille.
À travers les titres phares de son deuxième album (Le Petit Garçon, Les Loups sont entrés dans Paris, Ma liberté, Sarah…) cette passionnante et très documentée biographie nous montre à quel point Reggiani se révelera être le un interprète exceptionnel de la chanson.
Très admiratif de l'artiste et de l''homme ( on est parfois pas loin de l'hagiographie, mais la plume de l'auteur aide à faire passer la pilule), le livre nous montre à quel point Serge Reggiani aura bouleversé jusqu’au bout de s carrière, malgré des dernières années bien difficiles lors de ses passages sur scène, le public francophone, français, mais aussi belge et québécois.
Le livre nous parle notamment , dans le dernier chapitre, de la passion qu'avait Isabelle Boulay pour le repertoire de Reggiani, et cette passion elle se matérialisé dans un disque paru il y a quelques semaines, pile poil à l'occasion du dixième anniversaire de la disparition du comédien et chanteur français, Isabelle Boulay a tenu à lui rendre un vibrant hommage.
Le présentant comme « une source d’inspiration et un modèle dans son métier d’interprète », Isabelle Boulay remercie Serge Reggiani en reprenant des titres cultes, dont certains ont déjà été interprétés sur scène ("Ma fille"). "Si tu me payes un verre" et "Les mensonges d’un père à son fils" font également partie de ce projet réalisé sous la direction de l'ingénieur du son québécois Philippe Bergeron et de l'omniprésent Benjamin Biolay, collaborateur de longue date.
C'est donc sur des compositions plus intimes ou personnelles que s'est penchée la chanteuse canadienne, comme le tendre « Ma fille », et « Le Petit garçon », déjà respectivement repris sur scène et notamment en 2002 lorsque je l'avais vu sur scène à l'Olympia.
Si j'ai déjà dit dans un billet ancien à quel point je considérais Isabelle Boulay comme une de nos plus grandes interprétes féminines franchophones, et que sa rencontre professionnelle avec Isabelle Boulay lui avait fait gagner en crédibilité artistique ce qu'elle avait perdu en succès populaire, ce disque pourrait bien mettre tout le monde d'accord, critiques musicales et public, tant elle semble être l'interpréte idéal pour mettre en valeur et donner un coup de jeune à l'exceptionnel répertoire de Serge Reggiani.
Le projet coordonné par la veuve du chanteur et Jean-Loup Dabadie, le projet bénéficie des présences à la console du désormais incontournable Benjamin Biolay, et de Bergeron qui apportent un savoir-faire où la sobriété le dispute à l'élégance des arrangements de très bon goût et subtilement dosés, fidèles à l'esprit des œuvres interprétées mais aussi , et c'est aussi très important à l'univers d'Isabelle Boulay, entre folk, country et grande chanson française.
Ainsi, la version plus pop que l'original du magnifique "il suffirait presque rien" donne une vraie modernité à ce titre :
Isabelle Boulay "L'italien" - C à vous - 27/05/2014
Pourquoi avoir tenu à baptiser votre album merci à Serge Reggiani?
Isabelle Boulay. Je voulais un geste de reconnaissance de ma part à l’égard de l’artiste. Il est devenu un modèle pour moi bien avant que je le rencontre en 2003. La première fois que j’ai entendu ses chansons, j’avais seize ans. Ses textes, sa façon de livrer les chansons, je me suis dit : « Quel interprète ! » Quand j’ai découvert son univers, c’est comme si j’avais enfin rencontré quelqu’un capable de tuer ma solitude, comme si j’avais trouvé un compagnon. Sa voix, ses chansons, c’était comme des compagnes. Il y a deux voix qui m’ont fait cet effet, la voix de Piaf et celle de Reggiani. Pour moi, ça a été les deux plus grands interprètes de la chanson française.
Vous donnez l’impression d’être très sensible à la chanson réaliste…
Isabelle Boulay. C’est drôle parce que même quand je fais de la chanson country, c’est aussi de la chanson réaliste. Ma tante et ma grand-mère écoutaient de la musique country. Le samedi soir, c’était presque une messe. On était tous autour de la radio parce qu’il y avait une émission consacrée à la country dans ma région, au Québec. Quand mes parents tenaient leur bar-restaurant, c’était aussi la musique que les gens venaient jouer. Et à côté de ça, il y avait ma mère qui écoutait de la grande chanson française, de la variété. On m’a souvent considérée comme une chanteuse à voix mais, en même temps, je me suis toujours sentie comme une chanteuse réaliste. Je peux donner de la voix, mais ce n’est pas ce qui me fait vibrer. Ce qui m’intéresse, c’est de servir un texte, de chercher l’émotion et le ton juste plutôt que faire de la démonstration vocale.
Qu’est-ce qui vous séduit dans l’univers de Reggiani ?
Isabelle Boulay. J’aime le côté charnel de ses textes. J’ai choisi la période de la Dolce Vita, dont la particularité est que ce sont des chansons d’homme. C’est toute la tendresse qui émane d’elles. Je voulais des chansons que j’étais capable de reconnaître dans ma chair, dans ma réalité de femme, même si elles étaient au masculin. Il y avait dans ses chansons tout un côté sentimental, sans tomber dans le sentimentalisme, beaucoup d’affection. Elles sont vivantes, comme si on passait un film, et les musiques sont sublimes aussi. Ce sont des trésors de chansons. C’est presque comme un cadeau que je me suis fait. C’est la première fois de ma vie que j’ose dire que je me suis lancée dans cette aventure pour les autres, mais aussi pour moi.
Interpréter un registre masculin a-t-il représenté un challenge particulier pour vous ?
Isabelle Boulay. Je passe beaucoup de temps avec les hommes, plus souvent qu’avec des femmes, même si leur présence a beaucoup compté dans ma vie. J’ai été élevée dans un bar-restaurant, et ce sont surtout les hommes qui fréquentaient l’établissement. Je les ai vus souffrir très tôt. C’est imprégné en moi. Il y a encore du mystère chez les hommes, mais je les connais assez bien pour faire presque partie d’eux. Ils se livrent beaucoup plus à travers les chansons ou la musique que dans la vie, parce qu’ils trouvent un espace légitime pour exprimer leur sensibilité. Dans tous les êtres humains, il y a de la féminité et de la virilité. Serge Reggiani en était un des plus beaux exemples.
Comment expliquez-vous que ses chansons restent intemporelles ?
Isabelle Boulay. C’est parce qu’elles puisent dans le sel de la vie. Dans l’histoire de l’humanité, il y a des amours, des trahisons, des amitiés, des deuils. Ce sont des thèmes et des sentiments qu’on retrouve dans les chansons de Reggiani, qui ont un caractère universel. Une chanson comme l’Absence parle à tout le monde. C’est très cinématographique, un peu comme les films de Godard, de Sautet, qui sont en dehors du temps. Ma fille, l’Italien, Il suffirait de presque rien, ce sont des chansons merveilleuses à interpréter. C’est exigeant parce que ça demande de la justesse de ton. C’est physique, mais c’est très agréable.
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Isabelle Boulay. Je voulais un geste de reconnaissance de ma part à l’égard de l’artiste. Il est devenu un modèle pour moi bien avant que je le rencontre en 2003. La première fois que j’ai entendu ses chansons, j’avais seize ans. Ses textes, sa façon de livrer les chansons, je me suis dit : « Quel interprète ! » Quand j’ai découvert son univers, c’est comme si j’avais enfin rencontré quelqu’un capable de tuer ma solitude, comme si j’avais trouvé un compagnon. Sa voix, ses chansons, c’était comme des compagnes. Il y a deux voix qui m’ont fait cet effet, la voix de Piaf et celle de Reggiani. Pour moi, ça a été les deux plus grands interprètes de la chanson française.
Vous donnez l’impression d’être très sensible à la chanson réaliste…
Isabelle Boulay. C’est drôle parce que même quand je fais de la chanson country, c’est aussi de la chanson réaliste. Ma tante et ma grand-mère écoutaient de la musique country. Le samedi soir, c’était presque une messe. On était tous autour de la radio parce qu’il y avait une émission consacrée à la country dans ma région, au Québec. Quand mes parents tenaient leur bar-restaurant, c’était aussi la musique que les gens venaient jouer. Et à côté de ça, il y avait ma mère qui écoutait de la grande chanson française, de la variété. On m’a souvent considérée comme une chanteuse à voix mais, en même temps, je me suis toujours sentie comme une chanteuse réaliste. Je peux donner de la voix, mais ce n’est pas ce qui me fait vibrer. Ce qui m’intéresse, c’est de servir un texte, de chercher l’émotion et le ton juste plutôt que faire de la démonstration vocale.
Qu’est-ce qui vous séduit dans l’univers de Reggiani ?
Isabelle Boulay. J’aime le côté charnel de ses textes. J’ai choisi la période de la Dolce Vita, dont la particularité est que ce sont des chansons d’homme. C’est toute la tendresse qui émane d’elles. Je voulais des chansons que j’étais capable de reconnaître dans ma chair, dans ma réalité de femme, même si elles étaient au masculin. Il y avait dans ses chansons tout un côté sentimental, sans tomber dans le sentimentalisme, beaucoup d’affection. Elles sont vivantes, comme si on passait un film, et les musiques sont sublimes aussi. Ce sont des trésors de chansons. C’est presque comme un cadeau que je me suis fait. C’est la première fois de ma vie que j’ose dire que je me suis lancée dans cette aventure pour les autres, mais aussi pour moi.
Interpréter un registre masculin a-t-il représenté un challenge particulier pour vous ?
Isabelle Boulay. Je passe beaucoup de temps avec les hommes, plus souvent qu’avec des femmes, même si leur présence a beaucoup compté dans ma vie. J’ai été élevée dans un bar-restaurant, et ce sont surtout les hommes qui fréquentaient l’établissement. Je les ai vus souffrir très tôt. C’est imprégné en moi. Il y a encore du mystère chez les hommes, mais je les connais assez bien pour faire presque partie d’eux. Ils se livrent beaucoup plus à travers les chansons ou la musique que dans la vie, parce qu’ils trouvent un espace légitime pour exprimer leur sensibilité. Dans tous les êtres humains, il y a de la féminité et de la virilité. Serge Reggiani en était un des plus beaux exemples.
Comment expliquez-vous que ses chansons restent intemporelles ?
Isabelle Boulay. C’est parce qu’elles puisent dans le sel de la vie. Dans l’histoire de l’humanité, il y a des amours, des trahisons, des amitiés, des deuils. Ce sont des thèmes et des sentiments qu’on retrouve dans les chansons de Reggiani, qui ont un caractère universel. Une chanson comme l’Absence parle à tout le monde. C’est très cinématographique, un peu comme les films de Godard, de Sautet, qui sont en dehors du temps. Ma fille, l’Italien, Il suffirait de presque rien, ce sont des chansons merveilleuses à interpréter. C’est exigeant parce que ça demande de la justesse de ton. C’est physique, mais c’est très agréable.
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