La traversée des Alpes a confirmé la supériorité de Vincenzo Nibali, désormais promis à la victoire finale du 101e Tour de France. Derrière l’intouchable Italien, cinq coureurs devraient se disputer les deux dernières places sur le podium au cours de la troisième semaine, parmi lesquels trois Français, Romain Bardet, Thibaut Pinot et Jean-Christophe Péraud.
Comme pressenti depuis les abandons de Christopher Froome et d’Alberto Contador, Vincenzo Nibali n’a plus de rival à sa mesure sur le Tour de France 2014. Débarrassé des deux favoris annoncés de cette édition, l’Italien a assis avec une facilité déconcertante sa domination sur le peloton. Déjà en jaune avant les Alpes, il a profité des deux arrivées en altitude à Chamrousse (1er), puis à Risoul (2e, derrière l’héroïque Polonais Rafal Majka), pour creuser encore un peu plus l’écart sur ses poursuivants au classement général.
Cinq hommes pour deux places sur le podium
Ainsi, à l’entame de la troisième semaine, c’est un véritable gouffre qui sépare le Requin de Messine de ses rivaux, le plus proche d’entre eux, Alejandro Valverde, se trouvant relégué à 4’37″. Plus que jamais, Nibali a posé sa patte sur cette 101e Grande Boucle, qu’il devrait, sauf accident, remporter dans une semaine sur les Champs-Elysées. Si on pourra toujours regretter, vu la forme étincelante du leader d’Astana, de ne pas l’avoir vu se frotter à Froome et Contador, les retraits de ces deux derniers offrent des perspectives inespérées à ceux qui ne visaient au départ qu’une place dans le top 10 final.
Dans ce jeu rebattu, les outsiders français ont pour l’instant saisi les opportunités avec un appétit épatant, et semblent désormais idéalement placés pour mettre un terme à la série en cours de 16 Tours consécutifs sans Tricolore sur le podium depuis la deuxième place de Richard Virenque derrière Jan Ullrich en 1997. Loin derrière Nibali, cinq coureurs se tiennent en effet en 1’31″, de la deuxième à la sixième place du général. S’il ne faut pas totalement écarter la menace du Néerlandais Bauke Mollema (7e à 8’32″ et 6e du Tour l’an passé), les deux places restantes sur le podium final devraient logiquement se disputer entre ces cinq-là, parmi lesquels figurent trois (!) Français.
Du Bleu partout
L’excellente tenue du cyclisme hexagonal est d’ailleurs confirmée par la présence, à l’entame de la dernière semaine, d’un quatrième Français dans le Top 10, Pierre Rolland (10e à 10’48″), qui, malgré la fatigue née d’un Giro réussi (4e), reste une valeur sûre en montagne. Davantage que le leader d’Europcar, ce sont bien sûr Romain Bardet (3e à 4’50″), Thibaut Pinot (4e à 5’06″) et Jean-Christophe Péraud (6e à 6’08″) qui focalisent les attentions et cristallisent les espoirs. Déjà dans le coup dans les Vosges, le trio a été omniprésent au cours de la séquence alpestre, confirmant qu’il était bel et bien au niveau des plus costauds (hormis Nibali bien sûr) sur ce Tour 2014.
Vendredi, dans la montée vers Chamrousse, où Richie Porte, leader de l’équipe Sky depuis l’abandon de Froome a perdu tout espoir de finir sur le podium à Paris, Pinot avait attaqué, Bardet s’était accroché, et Péraud avait souffert, mais limité les dégâts. Redistribution des rôles le lendemain vers Risoul, où le « vétéran » Péraud (37 ans) fut le plus fringant, et le seul à pouvoir suivre le rythme de Nibali lorsque celui-ci accéléra à 4 km du sommet. Moins en jambes, Bardet et Pinot le furent tout de même suffisamment pour assurer une fin de montée très correcte, et même reprendre une trentaine de secondes à Valverde.
Deuxième du général, le Murcian sera assurément l’homme à abattre pour nos petits Français, mais la course arrive justement dans les Pyrénées, un terrain qui lui convient bien et où il avait remporté une étape du Tour en 2012. Le cinquième candidat au podium, Tejay Van Garderen (5e à 5’49), présente quand à lui, comme Valverde ou Péraud, de meilleures garanties contre-la-montre que Bardet ou Pinot. Dans la perspective du chrono de 53 km prévu la veille de l’arrivée à Paris, ces deux derniers vont donc devoir mettre à profit les trois étapes de montagne restantes pour tenter de grappiller encore du temps, voire de faire exploser l’un des concurrents au podium. Coéquipier de Péraud chez AG2R, Bardet devra sans doute davantage la jouer collectif, même si le déroulement de la course a montré que chacun des deux pouvait suivre sa propre stratégie sans mettre l’autre en danger. Pour l’Auvergnat (23 ans), comme pour le Franc-Comtois Pinot (24 ans), cette dernière semaine à lutter pour le podium, et au cours de laquelle les deux hommes vont aussi se disputer le maillot blanc de meilleur jeune, va en tout cas constituer une expérience précieuse en termes d’apprentissage du très haut niveau. A n’en pas douter, et même si le présent est déjà très excitant, l’avenir leur appartient…