Ce devait être une manifestation de protestations contre l'attaque israélienne à Gaza.
Ce fut un fiasco.
Pour le gouvernement, l'interdiction de la manifestation parisienne a eu l'effet inverse recherchée. Pour les promoteurs de ce rassemblement, les images de guérilla urbaine ont desservi la cause pro-palestinienne en France.
L'erreur de HollandeSamedi 19 juillet, de nombreuses manifestations se sont déroulées en France contre les bombardements israéliens et l'intervention terrestre à Gaza, et/ou en soutien aux Palestiniens. Partout, même à l'étranger, sauf à Paris, les défilés se déroulèrent pour la plupart sans heurts.
Strasbourg, Marseille, Lille, Lens, Bordeaux, Saint-Étienne, Montpellier, et Nantes, nombreuses ont été les villes à accueillir pacifiquement quelques rassemblements pro-palestiniens.
A Paris, pourtant, Manuel Valls et François Hollande avaient refusé toute manifestation parisienne. Grossière erreur... Cette décision est aussi rarissime que stupide. Officiellement, on craignait des débordements, après l'attaque de deux synagogues plus tôt dans les semaine. L'argument était aussi qu'il ne fallait pas "importer" le conflit israélo-palestinien en France. La France s'est ainsi tristement démarquée de toutes les démocraties.
Le NPA fut le seul parti politique français à appeler à participer malgré l'interdiction officielle. Avant la démonstration, l'un de ses porte-paroles eut ce commentaire: "aujourd'hui, ce n'est pas nous qui mettons le feu aux poudres".
Dans la capitale, la démonstration de force, interdite par les autorités, a dégénéré dans le quartier de Barbès. Trois ou quatre heures durant, quelques dizaines de manifestants s'en sont pris aux forces de l'ordre. Comme souvent, on a aussi accusé la police de provoquer les manifestants.
Les heurts ont été violents, longs, trop longs, mais ils n'impliquaient pas la majorité des manifestants, loin de là.
Il n'y a pas eu de marche blanche pour la Palestine. On a beau exhibé ce gigantesque drapeau palestinien tenu calmement à bout de bras par des centaines de manifestants, on retiendra autre chose, ces scènes de "guérilla urbaine". "La stratégie gouvernementale s'est avérée un fiasco" résume Mediapart.
Aux jets de pierre des uns ont répliqué les gaz lacrymogènes des autres. On a vu des voitures de police caillassées. En fin de journée, on a compté 38 interpellations. Sur YouTube ou Dailymotion, des dizaines de vidéos amateurs, filmées à l'aide de téléphones portables, ont été rapidement postées. Camionnettes renversées, panneaux de signalisation arrachés, cabines téléphoniques ravagées, les images que laisse le défilé de quelques milliers de protestataires contre les massacres à Gaza sont dévastatrices.
Mais il y eut pire.
"Complot juif"
On peut soutenir la cause palestinienne sans être antisémite. Pourtant, quelques témoignages et images de la manifestation parisienne de samedi laisseront des traces détestables.
"Ce qui m’a le plus effaré, ce samedi, c’est l’antisémitisme, très fréquent dans les propos des jeunes. Je n’ai jamais entendu autant de phrases antisémites en aussi peu de temps."Ce témoignage d'un journaliste de Rue89, quelques heures après les faits, n'est pas isolé. Il rapporte aussi cet échange entre deux jeunes beurettes et un gendarme mobile.
Sarah : « Non monsieur, Hollande il est même pas là. Hollande c’est un Collabo. C’est le CRIF qui l’a éli. »Sur les réseaux sociaux, les mêmes acharnés antisémites ont obscurci la journée. L'ineffable Alain Soral, dont l'obsession antisémite n'est plus à prouver, lâchait sur Twitter, "Gaza-Paris, même combat". Un journaliste de Libération a vu des jeunes masqués fendre la foule vers 15h40 pour aller provoquer les CRS: "Certains arboraient des tee-shirts du virage Auteuil, une tribune du Parc des Princes".
Un gendarme (professoral) corrige : « Elu ».
A Bruxelles comme dans certaines rues de Paris, on a entendu les mêmes "morts aux juifs ". Entre 200 à 300 casseurs pour la plupart masqués se sont répandus dans le quartier de la Gare centrale, à Bruxelles.
Valls, hors sol
Manuel Valls était sur l'une des étapes du Tour de France. L'image d'un premier ministre souriant sur le parcours de cette épreuve cycliste quand des scènes d'échauffourées mobilisaient les chaînes d'information était surréaliste de désynchronisation politique totale. Il avait pris "une journée un peu de vacances, oui pour admirer le Tour, pour admirer des coureurs formidables et des paysages uniques, pour admirer la France"
Le lendemain dimanche, Valls a beau jeu de s'inquiéter d'une résurgence de l'antisémitisme.
C'est trop tard, c'est trop facile, c'est trop simple.
"On a entendu “Mort aux juifs !”. Une fois de plus. Une fois de trop ! On s'en est pris à nouveau à des synagogues. Nos synagogues, comme nos églises, nos temples, nos mosquées, ce sont notre patrimoine commun, ce sont des parties indivisibles de la France, protégées par notre idéal de laïcité."