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Pour ne pas oublier Nadine Gordimer

Par Pmalgachie @pmalgachie
Pour ne pas oublier Nadine Gordimer J'étais absent - en province et peu connecté - quand j'ai appris la mort de Nadine Gordimer, à un âge certes respectable. Malgré une actualité qui, hors littérature surtout, avait tout pour secouer tout le monde, c'est sur cet événement que je veux m'arrêter au moment de reprendre le cours normal des jours. A travers un article que j'avais écrit en 1998 (la date est importante pour situer les allusions au présent... d'alors) sur L'arme domestique, un roman qui venait d'être traduit chez Plon, a été réédité un peu plus tard en poche chez 10/18 et est, semble-t-il, épuisé sous l'une et l'autre forme aujourd'hui. Peut-on espérer le voir resurgir ou faudra-t-il que des pirates s'en emparent? Nadine Gordimer, qui vient d'être nommée ambassadrice du programme des Nations unies pour le développement, n'en aura jamais fini avec son pays, l'Afrique du Sud. Bien sûr, la situation y a considérablement changé depuis la fin de l'apartheid. Mais celui-ci est encore trop inscrit dans le passé de ceux qui l'ont vécu pour ne pas laisser des traces dans les comportements. Des comportements que la romancière explore, dans L'arme domestique, en exploitant la situation particulière dans laquelle se trouvent quelques personnes. Les Lindgard sont un couple de blancs bien tranquilles. Harald est administrateur dans une société qui octroie des prêts aux sans-abri pour leur permettre de se loger. Claudia est médecin. Ils n'ont jamais milité, au temps de l'apartheid, dans les mouvements qui luttaient contre lui. Ils ne se sont jamais non plus, semble-t-il, comportés comme ceux de leur race qui estimaient que le pouvoir et les richesses leur étaient dus. Malgré tout, ils ont vécu dans une société emplie de préjugés par lesquels ils n'ont pas été complètement épargnés. Leur fils, Duncan, a évolué plus vite et plus loin. Il vit en compagnie de Natalie, qu'il a sauvée d'un suicide, et partage une existence presque communautaire avec elle et trois homosexuels de couleurs diverses. Un soir, un ami de Duncan débarque chez ses parents, porteur d'une mauvaise nouvelle: le jeune homme est en prison, accusé d'avoir tué un des trois hommes qui habitaient avec lui, au lendemain de l'avoir surpris occupé à faire l'amour avec Natalie. Les faits sont accablants, Duncan les reconnaît d'ailleurs, et c'est une véritable bombe qui explose sur la tête des Lindgard. Passé le premier moment de stupéfaction pendant lequel ils n'arrivent pas à y croire, ils ne pensent plus qu'à assurer la meilleure défense possible à leur fils. Duncan a déjà, en fait, choisi son avocat dont il dit qu'il est un ami. Cet ami, Hamilton Motsamaï, est noir... Harald et Claudia ne peuvent s'empêcher de craindre qu'il ne soit pas à la hauteur. Les fameux préjugés... Il leur faudra du temps pour être apprivoisés par un homme brillant, intelligent et bon. Encore n'est-ce pas là pour eux le plus difficile. Si leur fils leur a toujours semblé un être raisonnable, ils ont maintenant à le connaître plus complètement, en fonction du travail accompli par une justice qui, sous les apparences, cherche à savoir qui il est, et découvre quelques aspects cachés qui ne sont pas toujours des plus plaisants. Sa relation avec Natalie était, par exemple, marquée par une volonté de pouvoir assez forte pour que la jeune femme - elle n'est pas une sainte non plus - en ait souvent souffert. Au point de pouvoir dire qu'entre l'eau où elle voulait se noyer et la vie avec Duncan, elle a choisi cette dernière car elle ressemblait plus sûrement à un suicide. Par ailleurs, Duncan avait eu, plus tôt, une relation homosexuelle avec l'homme qu'il a tué, et cela ne simplifie pas les choses. Et puis, il y a l'arme, L'arme domestique qui donne son titre au roman. Un revolver qui se trouvait posé sur la table du salon, comme un objet familier, et que Duncan a saisi sans s'y être préparé pour abattre son ami. La présence de l'arme au milieu de la vaisselle témoigne d'un climat d'insécurité régnant dans l'Afrique du Sud aujourd'hui. Tous les problèmes ne sont donc pas résolus, loin de là, et la violence ambiante pèse lourdement sur les personnages du roman.
Un roman qui a quelque chose d'américain, dans la grande tradition des ouvrages de fiction consacrés à des procès dont toute la procédure constitue l'essentiel de la trame romanesque, mais qui s'inscrit aussi dans le regard d'un écrivain attaché à rendre compte de ce qui se passe dans son voisinage proche. Les êtres décrits ici sont contraints par les circonstances de se situer plus exactement dans une société où ils se trouvaient jusqu'alors démunis de toute conscience profonde. On les suit, dans cette plongée en eux-mêmes, avec l'attention passionnée que l'on met à considérer les bonheurs et les malheurs d'amis proches.

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