Bande dessinée - 80 pages
Editions Aire Libre - mai 2014
Afghanistan, 2010. La journaliste reporter Pascale Bourgaux est en reportage dans un village du nord de l'Afghanistan, à la rencontre de Mamour Hasan, héros de la résistance anti-talibane. Accompagnée d'un cameraman et des contacts chargés de sa protection, elle veut comprendre la situation du pays, coincé entre la libération de l'ancien joug taliban, la corruption née de l'aide humanitaire déversée dans le pays, les mécontentements liés à la présence militaire afghane et étrangère, et le spectre des fondamentalistes, tapis dans l'ombre...Sur la forme, Les larmes du seigneur afghan nous offre des planches flamboyantes. J'ai beaucoup aimé le travail des couleurs, et encore plus celui de la lumière et des ombres. J'ai moins apprécié le dessin, aux traits un peu statiques et gentiment crayonnés.Sur le fond, l'album est instructif sur la situation passée (qui apparaît en filigrane des récits et des souvenirs de la journaliste qui s'y est rendu en 2001) et le présent (des années 2010) qui nous est révélé par le quotidien parfois délicat de la journaliste et les interviews. Pendant 10 ans, Pascale Bourgaux a suivi Mamour Hasan et sa famille, pour les besoins d'un film documentaire. Dans la bande dessinée, apparaissent certaines captures - dessinées - du film, et l'avantage de la BD est justement de disposer de scènes absentes du film, pour des raisons de contexte ou de non autorisation.
Au fil des jours, on navigue entre désarroi, hantise, crainte. L'espoir de démocratie semble à présent rejeté par les populations, déçue de la corruption, déçue des bavures militaires tues, déçues de l'indifférence internationale. Les "nouveaux" talibans font miroiter un avenir meilleur. Les burqas ont déjà fait leur retour, la scolarisation des filles est tantôt soutenue par les talibans, tantôt menacée. Mais l'essentiel n'est pas là pour les femmes comme pour tous : le pays a faim, les infrastructures sont menacées, l'isolement des régions reculées est sensible, et la tension est partout. L'opposition aux talibans, même chez ce grand combattant de Mamour Hasan et son entourage proche, semble plus timorée. L'enclave (nord) où il réside ne semble résister que grâce à l'aura et l'autorité légendaire du personnage. Jusqu'à quand ?
On peut regretter un peu de narcissisme pour cette journaliste (auto)-décrite comme téméraire, courageuse, autoritaire, respectueuse. Héroïne protégée, vertu ambulante. Mais l'album a le mérite de mettre en lumière un métier essentiel, ici exercé au coeur d'un pays sublime et sacrifié.L'avis de Philippe Rochot - Reportages pour mémoire
Interview de Pascale Bourgaux - TV5 Monde
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