Commençons tout d'abord par passer en revue ce que contient exactement l'accord en question. Il se compose de 4 volets : le développement de plus de 100 nouvelles applications verticales (ciblant, entre autres, la banque et l'assurance), une intégration optimisée du cloud d'IBM pour iOS, un service de support et d'assistance AppleCare spécifique et la mise en place d'un circuit de distribution et d'administration dédié aux entreprises. Passons maintenant en revue chacun d'eux.
Du côté des applications promises, dont seulement une poignée sera disponible à l'automne, il ne faut pas attendre les miracles auxquels quelques observateurs semblent croire. Il n'est pas esquissé une seule seconde l'hypothèse d'ouvrir à la mobilité les vieux logiciels fonctionnant sur les « mainframes » (grands systèmes historiques) d'IBM. La cible est bien précisée : ce sont des solutions analytiques et décisionnelles qui deviendront accessibles sur iPad et iPhone. Et même si les « big data » sont citées, Watson n'est même pas évoqué…
Deuxième partie, l'intégration du cloud concerne en fait essentiellement la gestion de flotte mobile d'entreprise, avec ses services classiques de configuration, de sécurisation, de surveillance, d'AppStore privé… Malgré son nouveau nom, « MobileFirst Platform for iOS » ressemble étrangement à la plate-forme qui existe de longue date dans le catalogue du constructeur. La seule différence notable est peut-être l'ajout d'options de stockage dans le cloud IBM, accessibles aussi aux développeurs d'applications.
Passons rapidement sur le support AppleCare dédié (pour lequel IBM assurera uniquement les interventions sur site), qui marque tout de même un virage important de la marque à la pomme vers le marché des entreprises, sous la probable pression d'un nombre de clients en forte croissance. Il reste enfin ce positionnement de « Big Blue » en revendeur Apple, s'accompagnant d'une offre d'administration déléguée de parc, dans laquelle il est impossible de percevoir une énorme valeur ajoutée.
Quelle impression retirer de cet ensemble ? Celle d'un mélange hétéroclite, sans innovation ni ambition et peu différenciateur. Après l'abandon progressif de ses activités dans le matériel, puis les investissements massifs dans le « cloud computing », dans Watson, ainsi que, plus récemment, dans les semi-conducteurs, il devient difficile de décrypter la stratégie d'IBM. Où est la cohérence ? La réalité est que, comme bien d'autres entreprises, le géant informatique subit la révolution numérique et cherche son avenir, à tâtons.
Alors, certes, un positionnement sur le secteur en vogue du mobile, et, mieux encore, avec un des leaders incontestés du marché, peut représenter un choix sensé. Malheureusement, IBM est bien loin des attentes réelles des utilisateurs, telles qu'elles sont reflétées justement par les fantasmes relayés à l'occasion de cette annonce. Seules les grandes organisations clientes du constructeur (et surtout leurs décideurs informatiques) seront enchantées de pouvoir travailler avec leur fournisseur favori dans un domaine qui leur échappaient déjà.
Mais celles-là – qui, naturellement, comptent dans leurs rangs la plupart des banques et compagnies d'assurance – font également partie des entreprises les plus menacées par les bouleversements actuels. Ce n'est donc qu'un écosystème fermé, sans grand avenir, qui s'auto-entretient de la sorte, en conservant ses pratiques anciennes et dépassées. Et ce n'est pas en donnant à Apple l'occasion de mieux s'implanter dans ces structures, sans vision clairement établie, qu'IBM trouvera les opportunités de se réinventer…