Deux bons copains, Florian, 24 ans, et Vincent, 29 ans « se retrouvent en Chine dans le but de regagner l’Europe ensemble, avec les moyens du bord (à pied, en bus, en train ou en auto-stop). Sacs et guitare sur le dos, la tête pleine de rêves orientaux, ils traversent avec ravissement les déserts du Turkestan et les plateaux glacés du Pamir, avant d’être confrontés aux dures réalités de sociétés en pleine tourmente…. Au rythme de nombreuses rencontres, ils vont ainsi défaire un à un les fils qui ont tissé les Routes de la Soie ». (extrait de la 4e de couverture)
Le sous-titre du livre « Tribulations sur la route de la soie », (de Pékin jusqu’à Istanbul sur une durée de 5 mois) annonce la couleur : aventures, difficultés, épreuves, mésaventures, adversité. Le récit se présente sous la forme d’un journal, avec date et nom de la ville des 8 pays traversés. Le lecteur est informé en début de paragraphe d’un brin d’histoire puis de la situation actuelle de chaque ville. La description des paysages est parfois un spectacle déchirant. L’Asie centrale est très polluée à un point tel que la mer d’Aral est asséchée dans sa totalité. Les personnes rencontrées sont décrites par petites touches allusives. Au milieu d’une page, quelques miettes existentielles de l’auteur et de sa recherche de sens.
Les deux amis ont déjà connu la bohème ensemble et si Florian reste zen à toute épreuve, Vincent peut voir rouge et s’énerver violemment, notamment quand le sadisme fleurit derrière les guichets des administrations pour l’obtention des visas. Une vraie galère !
Quand rien ne va plus ils ont un remède efficace : ils se mettent à rire, soudainement, pour rien ! Et quand l’un agace l’autre, pas question de répliquer : « Le voyage nous aura au moins appris à régler nos conflits par le silence ». Chapeau !
Côté pratique, c’est de la folie. Un sac de 25 kg sur le dos, un de 5 kg sur le ventre, dont une guitare, un ordinateur et le luxe suprême, un petit réchaud avec recharge miniature. Un jour, à cours de gaz « la plus petite bonbonne de gaz qu’ils nous proposent pourrait déjà faire péter trois rames de métro ! Quant à la faire rentrer dans un sac à dos … A quoi pourrait bien leur servir une bonbonne de 500 gr ? ». Panique à bord car le seul plat qui leur permet de ne pas voyager plus lourd : les nouilles lyophilisées. En effet, « les légumes sont dangereux, l’eau aussi, une tomate mal lavée et c’est la dysenterie assurée, un concombre peut être fatal, une gorgée au robinet est un véritable suicide… Nous nous rabattons donc sur ce qui nous paraît le plus sain : le kebab et la vodka ! ».
D’ailleurs Florian est souvent malade (tiendra-t-il jusqu’au bout du périple ?) mais qu’à cela ne tienne, une journée à l’hôtel entre une cuvette et les toilettes, et nos compagnons reprennent la route, après avoir goûté toutes les amibes.
Côté hébergement, le bivouac, avec risques de campement sur des mines. Les loups rôdent (la hantise de Florian), les chacals ne sont pas loin, beaucoup de fourmis. Parfois ils logent à l’hôtel ou chez l’habitant.
Les rencontres sont nombreuses et providentielles car l’eau vient souvent à manquer (c'est lourd...) en plein milieu d’un chemin désert et à plus d'une centaine de kilomètres d’une ville, en fin de journée qui plus est. Une angoisse surgit chez le lecteur ; un vrai thriller de survie. Les deux voyageurs restent zen quoiqu’il arrive. Admiration totale.
Le style est enlevé, musical, rythmé. Des phrases simples mais élégantes. C’est léger et de l’humour à foison. Une fin qui ne s’invente pas. Terrible !
Enfin Vincent Robin a inséré de très belles photos prises par son compagnon de route, Florian Molenda. Du grand art !
Un hasard de sourcier m’a fait lire d’affilée « Immortelle randonnée » de J.C. Rufin et « l’art d’user ses babouches » de Vincent Robin. Deux récits de marcheurs à l’état primitif avec chacun une quête différente mais un point commun apparaît dans leur écriture : tous deux manient les anecdotes avec une ironie réjouissante !
Je classe le livre de J.C Rufin dans mes coups de coeur (Annie a déjà fait un beau billet le 5 septembre 2013). J’ai adoré.
Et j’ai adoré « l’art d’user ses babouches » que je range dans mes coups de foudre !
mjo