« Attention, film coup de poing », aurai-t-on pu titrer dans notre indigente originalité pour entamer cette critique du film The Raid 2. Sous-titrée Berandal d’après le projet original de son réalisateur Gareth Evans, cette suite au choc 2013 du cinéma d’action entend élever la tension d’un cran. En témoignent les teasers alléchants où se dévoilent par giclées ce qui signe le retour d’une recette martiale intarissable : à mains nues, armes blanches ou contondantes, le spectacle carmin de corps mutilés au combat s’apprête à prendre une nouvelle dimension. Deux heures après les évènements de The Raid, on retrouve Rama forcé d’infiltrer la famille criminelle la plus influente de Bangkok en sympathisant avec le fils prodigue… en prison. Conférer une noirceur plus mature à une épopée d’une violence déjà inouïe : un challenge relevé par le cinéaste caméra au poing.
D’emblée, Evans impose une griffe nerveuse et incisive mais surtout virtuose. D’une fluidité vertigineuse, les rixes sanglantes sont filmées sans compromis. Entre voyeurisme jouissif et sadisme suggestif, la violence en crescendo éclate en feu d’artifice sanglant. Impossible de ressortir indemne d’une telle tuerie sur 2h30, c’est forcément l’esprit noyé dans les visions d’os brisés et de chair lacérée qu’on ressort en titubant. De morceaux de bravoures en scènes d’anthologie, Evans s’amuse avec une passion communicative. Du prodigieux combat dans la boue en plans-séquences à l’escalade finale impeccablement chorégraphiée, sont relevés des défis de mise en scène exaltants qui malgré tout n’éclipsent jamais la narration intimiste et crade. A raison.
Captivant, le scénario de The Raid 2 joue l’amour-haine avec celui de son prédécesseur. Les ramifications de cette nouvelle histoire sont plus infiniment plus complexes et fractales que l’assaut du premier épisode. La cascade de noms, de visages et d’interactions roublardes aux différentes strates de la pègre thaïlandaise pourrait laisser même le spectateur averti sur le banc de la confusion. En voulant volontiers nous perdre en aller-retours et secousses, la progression conserve pourtant un lisibilité très « Videogame ». Quitte à rappeler The Raid 1, elle installe des repères : de vagues d’ennemis en boss jusqu’au combat final, Evans théâtralise son récit et la dimension épique s’en trouve magnifiée.
Sur 2h30 se tisse un jeu de massacre où rayonne le charisme d’une galerie ensorcelante. Rama (l’incroyable Iko Uwais) entre dans un duel avec Uco, fils du patriarche criminel de Bangkok, Bangun. Amitié déguisée, rivalité à fleur de peau… Gravitent autour d’eux une poignée d’assassins déjà cultes : la Hammer Girl et son Baseball Bat Man côtoient les tueurs impitoyables prêts à tout pour rester protégés par la corruption policière (la silhouette du démoniaque Béjo hantera nos nuits encore longtemps). Servis par des effets visuels remarquables, ce casting d’inconnus brille d’une attention particulière.
Même constat côté technique : photo comme BO sont d’une facture justement audacieuse. Oubliés les thèmes discrets du premier The Raid, ici les variations abstraites côtoient le répertoire classique. Non sans iconoclasme (la sarabande d’Haendel), le film va jusqu’à rappeler le travail de Wendy Carlos avec Winding Refn ou de Trent Reznor chez Fincher. Ambiance électrique, couleurs sombres, crépitantes ou exotiques, l’atmosphère du film est très efficacement servie par une palette sinueuse. Entendre NIN aux commandes du générique de fin avec le 14 Ghosts 2 apparaît comme une évidence finale.
The Raid 2 a l’envergure d’un immense thriller sombre autant que la verve d’un film d’art martiaux unique. Le tableau bouillonne d’intelligence visuelle, s’égarant parfois dans le baroque d’un scénario un dédale mais ne nous perd jamais. A faire d’une inimaginable violence la norme, Evans aurai pu épuiser : il fascine. On trépigne et jubile, et ne ronge le cœur que la hâte d’en voir davantage.
The Raid 2. De Gareth Evans. Avec Iko Uwais, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra, Oka Antara, Tio Pakusodewo, Cok Simbara, Cecep Arif Rahman, …
Sortie le 23 juillet 2014.