- « Vous est-il arrivé de prendre des substances interdites pour améliorer vos performances sur le vélo » ?
- « Oui ».
- « L’une de ces substances interdites était-elle l’EPO » ?
- « Oui ».
- « Vous est-il arrivé de recourir au dopage sanguin ou d’utiliser des transfusions sanguines » ?
- « Oui ».
Ce 22 octobre 2013, Armstrong, face à Oprah Winfrey, la papesse du talk show outre-Atlantique, crache le morceau : acculé, le sextuple vainqueur du Tour, avoue qu’il a triché. Au détour de l’une de ses nombreuses questions (l’interview sera diffusée en deux parties), Oprah Winfrey lui demande s’il doit « des excuses à David Walsh ». Acculé, l’ex-champion consent à répondre que, oui, il doit des excuses à David.
Bientôt le film
L’homme en question est un célèbre reporter britannique du Sunday Times. Elu quatre fois journaliste sportif de l’année en Angleterre, il est celui qui, au terme d’une enquête de treize années, a fait chuter Armstrong. Qu’il a payé au prix fort : pressions, chantage, mise au ban dans le peloton et procès. Après un premier ouvrage – La Confidentiel, écrit en collaboration avec le journaliste français, Pierre Ballester dans lequel ils révélaient que Lance Armstrong trempait bien dans le dopage -, David Walsh publie Sept péchés capitaux – A la poursuite de Lance Armstrong (Talent Sport), « résumé », en 365 pages, de cette longue traque qui a mis fin au mythe. Une telle odyssée a aussi fourni le scénario d’un long métrage en cours de tournage sous la direction de Stefen Frears (Les liaisons dangereuses, The queen), dont Ben Foster et Guillaume Canet sont les principaux personnages.
Des piqures « dissimulées proprement »
Inutile de dire que de nombreux témoins viennent corroborer et étayer les soupçons du journaliste. Ainsi Emma O’Reilly, la masseuse personnelle du champion pendant deux ans. « En 1999, raconte Walsh, la veille du prologue, Lance remarqua les marques de seringue sur son bras en se rendant à la visite médicale d’avant-course. Il voulait qu’Emma étale un peu de son maquillage sur les marques d’aiguilles, mais elle affirma que celui-ci ne conviendrait pas. Elle se rendit à une pharmacie et se procura de quoi dissimuler les piqûres proprement… » Elle vécut d’autres épisodes. Tant qu’un jour, Lance Armstrong lui avoua : « Maintenant, Emma, tu en sais assez pour me faire tomber. » Elle démissionna de l’équipe Us Postal en 2000.
La première rencontre entre le reporter sportif et le champion déchu eut lieu sur le Tour de France 1993. Lance Armstrong avait 22 ans. « Me voici assis avec un jeune homme qui sera au centre de ma vie pour quasiment les vingt années suivantes », écrit David Walsh. « J’avais envie de l’aimer. Les journalistes sportifs sont comme ça. Nous avons envie de dire que nous avons fait une partie du chemin avec eux. Et cet Armstrong-là, vous saviez qu’il n’allait pas embarquer pour une vie ordinaire. Il avait quelque chose en lui qui le rendait différent de tous les jeunes sportifs que j’avais rencontrés. De la radioactivité. Comment savais-je cela ? Parce que c’était évident. » Il ne se doutait pas qu’un jour, tel un chevalier blanc, il ferait tomber le champion de son piédestal. Sans pour autant en tirer de la fierté. « Aujourd’hui, je ressens plus de pitié que de mépris pour lui. Je ne considère pas Lance Armstrong comme un grand champion. Son histoire est celle d’un échec et rien d’autre. »
Philippe de La Grange