Après un premier épisode qui avait su créer la surprise en 2011, la nouvelle Planète Des Singes commence à montrer ce que l'on attend depuis l'annonce du projet : la guerre entre les hommes et les singes. Il semblerait cependant que les auteurs en aient gardé sous le coude, histoire de justifier un troisième épisode. Car celui-ci n'est qu'une transition, en témoigne cet « affrontement » mentionné dans le titre et qui ne se révèle pas si mémorable qu'escompté. En revanche, on appréciera la montée en puissance des enjeux du film, avec ses séquences au suspens indéniable et ses images saisissantes. Intelligent et émouvant, La Planète Des Singes : L'Affrontement est une nouvelle réussite.
L'on pourra toujours se demander l'intérêt d'avoir entrepris d'expliquer les origines de La Planète Des Singes. Après tout, la force du matériau cinématographique de base (du film originel en l'occurrence voire du remake de 2001) résidait dans la découverte, à travers les aventures d'un astronaute égaré, d'une planète déjà soumise aux règles simiesques et dans la stupéfaction découlant de la célèbre révélation finale (le héros comprend qu'il est en réalité sur une Terre futuriste dans laquelle les singes ont supplanté l'espèce humaine). Le roman, quant à lui, s'il est également sensiblement identique au premier film, décrivait encore davantage l'état de fatigue intellectuelle dans lequel semblent enfermés les hommes, les primates ayant conquis la plus haute place sur l'échelle de l'évolution. Bref, ce qui faisait clairement le sel des précédentes adaptations filmiques était la confrontation directe entre les deux civilisations, et l'incompréhension du héros face à cet étonnant monde, qui contribuait énormément à l'implication du public. Or, avec ce projet de réinterprétation de la franchise, commencé avec La Planètes Des Singes les Origines, les auteurs annihilent dès le départ toute forme de mystère, renvoyant la dimension presque philosophique de l'histoire (la faiblesse de l'Homme l'ayant conduit à céder sa place d'espèce dominante) à un simple fait pseudo-scientifique (un virus issu d'expérimentations de laboratoire). Ainsi les seules sources d'étonnement du public proviennent de quelques rebondissements ponctuels, comme lorsque César en vient à prononcer un « non » dans le premier épisode, et non plus d'une révélation marquante (mais désormais connue de tous) à l'instar du plan sur la Statue de la liberté dans le film de Schaffner. Toute la réflexion et la portée du message du métrage d'origine se voient relégués au second plan au profit d'une nouvelle forme de divertissement, beaucoup plus immédiat et en apparence sans prise de risque – ce qui nous conduit à remettre en question l'utilité d'une telle relecture, malgré toutes les qualités de ces deux nouveaux films.
Une interrogation encore plus prégnante aujourd'hui avec la sortie de L'Affrontement, dont l'histoire appelle sans aucune contestation un troisième épisode pour boucler enfin tous les enjeux mis en place depuis deux films. Et c'est évidemment dans cet envisageable troisième suite que l'on pourra probablement comprendre où voulaient en venir les auteurs. Car en l'état, et c'est ce qui explique le plus gros défaut de L'Affrontement, l'ambiguïté constatée dans Les Origines consistant à faire apprécier les singes du public en les mettant de leurs côtés face aux agissements paradoxalement inhumains de certains hommes, se retrouve considérablement amoindrie dans ce second épisode. « Pris à leur propre piège », les auteurs semblent obligés de jouer la carte de la facilité voire de la sécurité, en se servant du personnage de Koba, le singe balafré, pour justifier les actes de violence des deux civilisations en conflit. L'Affrontement se voit affublé d'un script manichéen avec un méchant auto-proclamé, pour ne pas heurter un public acquis à la cause de César et de sa tribu mais aussi à celle du petit groupe d'hommes mis en avant dans le film. C'est pour cela que l'on reste impatient de voir un hypothétique nouvel épisode afin de savoir si, oui ou non, cette fois-ci, les scénaristes auront eu le courage de narrer la réelle prise de pouvoir des singes et l'asservissement des hommes, quitte à rendre leur personnage emblématique, César, plus antipathique (en se dispensant par exemple de lui trouver des circonstances atténuantes). Le fait est que, pour l'instant, le sort de l'humanité importe beaucoup moins que celui de César et de ses congénères, ce qui pourrait à terme discréditer le propos de l'œuvre originelle (et ce n'est pas le jeu fade de Jason Clarke qui fera pencher la balance en la faveur des humains).
Quoiqu'il en soit, depuis 2011, La Planète Des Singes est devenue une toute autre franchise, et même si l'on peut être en droit de se demander où l'histoire va mener (et si la conclusion aura autant d’impact sémantique que dans l'œuvre initiale), l'on ne peut nier la très grande qualité formelle des deux long-métrages qui ont été produits. Ainsi, ce nouvel épisode sortant le 30 juillet confirme tout le bien que l'on avait pu penser du premier film, s'apparentant à une véritable suite plutôt qu'à une redite sans imagination. On ne pourra pas reprocher à cette saga de faire du surplace. En mettant donc de côtés les quelques petites réserves sur la pertinence d'une telle entreprise, on a de nouveau en face de nous un excellent blockbuster, intelligent et émouvant. Si son scénario reste convenu et ne crée jamais la surprise (les spectateurs ont toujours une longueur d'avance sur l'histoire), le spectacle est total et franchement jouissif. Conscient des limites de son film - quasiment aucune violence graphique et des personnages stéréotypés servant de prétexte pour faire avancer l'intrigue - Matt Reeves prend le parti de mettre en scène des images fortes, des moneyshots, afin de satisfaire son public en lui laissant l'impression d'avoir vu un divertissement unique et particulièrement ambitieux. Il est vrai que le film aurait gagné à être davantage choquant et effrayant, à l'instar du personnage de Koba (qui aurait mérité un meilleur traitement et une caractérisation plus subtile) le singe balafré, mais certaines images sont parfois saisissantes. A cette intelligente réalisation (compte tenu des quelques contraintes pour en faire un film tout public), s'ajoutent la pertinence de la performance capture et l'incroyable émotion insufflée par les interprètes, avec un immense Andy Serkis en ambassadeur de ce procédé révolutionnaire (qu'on lui file enfin un Oscar !). L'acteur que nous avions eu le plaisir de rencontrer en avril dernier est une nouvelle fois tout simplement bluffant et donne vie à César avec une telle aisance que sa prestation en devient déconcertante de naturel. Les effets numériques, s'ils sont assez variables d'un plan à un autre, sont sidérants de réalisme et à ce titre, le dernier plan du film est probablement ce que l'on a vu de plus réussi dans le genre. On pourrait presque retenir de ce film que ce ne sont pas tant les singes qui arrivent à devenir finalement plus humains que les humains (pour citer une réplique de Blade Runner) mais plutôt la technologie et le talent des artistes chez Weta qui ont pu permettre de faire un progrès considérable pour « singer » (sic) le réel. Cependant la technique ne prend jamais le pas sur l'histoire, et l'on oublie très vite que l'on n'a pas à faire à de réels primates.
A défaut d'être follement original, La Planète Des Singes : L'Affrontement ne prend jamais
ses spectateurs pour des idiots et sous son aspect de blockbuster inoffensif -mais enthousiasmant - tente par instants de renouer avec certaines thématiques des premiers films (notamment dans la manière dont est abordée la vie en communauté chez les singes, leurs règles, leur système politique…). Bref, malgré les défauts inhérents à ce genre de production, ce film, de par la générosité, le défi technique et l'émotion qui le caractérisent, est l'un des films immanquables de l'été, si ce n'est le meilleur (avec Edge Of Tomorrow).
Titre original
Dawn Of The Planet Of The Apes
Mise en scène
Matt Reeves
Date de sortie
30 juillet 2014 avec la Fox
Scénario
Rick Jaffa, Amanda Silver & Mark Bomback, d'après Pierre Boulle
Distribution
Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman & Keri Russell
Photographie
Michael Seresin
Musique
Michael Giacchino
Support & durée
1.85 : 1 / 131 minutes
Synopsis : Une nation de plus en plus nombreuse de singes évolués, dirigée par César, est menacée par un groupe d’humains qui a survécu au virus dévastateur qui s'est répandu dix ans plus tôt. Ils parviennent à une trêve fragile, mais de courte durée : les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre qui décidera de l’espèce dominante sur Terre.