Pour ce troisième samedi du mois de juillet, Case Départ vous propose sa sélection de la semaine. En cette période d’été, les nouveautés sont moins importantes; les éditeurs publient moins. Parmi les albums dans les bacs des libraires, il y a quelques belles bandes dessinées. . Un excellent album d’anticipation original dans son traitement graphique : Quasar contre Pulsar, le troisième tome de la saison 2 de la très bonne série Alter Ego : Gail, le premier opus de la série fantastique mettant en scène des sorcières : Magda Ikklepotts et le premier volume du manga prometteur édité chez Tonkam : Seven. Bonnes lectures !
Plieurs d’univers
Quasar contre Pulsar est un très beau roman graphique d’anticipation paru aux éditions 2024. Cet album de science-fiction est signé par un trio d’auteurs Matthieu Lefèvre, Alexis Beauclair et Etienne Chaize et met en scène le combat homérique entre Pulsar, être puissant qui détruit les mondes et Quasar, un humain issu de la Guilde des Plieurs.
Dans un univers futuriste, Pulsar, être surpuissant et dictateur patenté, soumet les planètes une à une sous son joug. Cet ancien savant, expert en mécanique génétique et biologie cellulaire a réussi à modifier son cerveau et ainsi se doter de pouvoirs psychiques immenses. Au fur et à mesure, son ambition en a fait un véritable psychopathe. Son pouvoir grandissant de jour en jour, plus aucun être ne peut s’opposer à son dessein destructeur.
Sur chaque planète, il récupère les êtres vivants, les broie cellule par cellule et les transforme en une armée de géants cyclopes, prête à détruire et recréer des planètes à son image et ainsi conquérir tout l’univers-visible.
Pourtant, sans le vouloir, un homme va se dresser contre cette envie destructrice. Cet être, c’est Quasar, un membre de la Guilde des Plieurs d’univers, des êtres capables de plier l’Espace et le Temps afin de permettre aux humains de traverser l’univers sans se déplacer. Armé de son coupe-papier, il est l’un des meilleurs spécialistes de la Guilde. Alors qu’il s’épanouit dans son travail, ce n’est pas la même chose côté cœur. Véritable coureur de jupons, il multiplie les conquêtes féminines sans jamais les rappeler.
Alors qu’il faisait de nouveau la cour à une belle femme, la planète sur laquelle il se trouve, est attaquée par l’armée de Pulsar. Obligé de fuir avec sa belle, il va mettre son talent de plieur au service de la lutte contre le génie du mal…
Le récit de Quasar contre Pulsar est un excellent titre de science-fiction. Mettant en scène les desseins destructeurs d’un être mégalomane et véritable dictateur, il se joue des codes de ce genre littéraire. En faisant d’un être ordinaire, Quasar, véritable anti-héros, le seul capable de s’opposer, les auteurs réinventent le mythe de David contre Goliath. Les trio réussit son pari risqué. L’histoire originale mêle habilement l’action, la réflexion (sur la déstruction-reconstruction, le pouvoir d’un seul homme, mais aussi les mythologies : comme les géants cyclopes…). L’idée forte du scénario de Matthieu Lefèvre est sans conteste la Guilde des Plieurs, véritable association de génies facilitant la vie des hommes. Réunir l’univers en le pliant permet un jeu graphique intéressant et singulier.C’est Alexis Beauclair qui a la tâche de mettre en image l’histoire qui part dans tous les sens. Son trait sobre et élégant est le fruit de simples traits où les courbes des hommes s’opposent aux lignes droites des architectures, du lettrage et des cases déstructurées. Le découpage vif et non-conventionnel apporte une ambiance de fin du monde et de vitesse. Il existe beaucoup d’influences graphiques dans cet album comme les récits de science-fiction des années 80 de Moebius, de Druillet ou de Jodorowsky. Etienne Chaize termine l’ouvrage par des couleurs éclatantes et presque saturantes. Les couleurs sombres des armées et des maîtres de la Guilde s’opposent au jaune éclatant de Quasar, symbole de renouveau.
Quasar contre Pulsar : Entre poésie et fantastique, un récit et un graphisme singuliers pour cet album à part. Une très belle réussite !
- Quasar contre Pulsar
- Auteurs : Matthieu Lefèvre, Alexis Beauclair et Etienne Chaize
- Editeur: 2024
- Prix: 17€
- Sortie: 01 juillet 2014
A la tête du comité
Gail Llewellyn est désigné pour piloter le comité scientifique international qui doit valider ou non la théorie des Alter ego. Victime d’un attentat, il va mener sa propre enquête contre vents et marées, et notamment contre les membres du comité. Cette nouvelle déclinaison, c’est l’histoire de Gail, le troisième tome de la saison 2 de Alter ego, la série de Pierre-Paul Renders et Denis Lapière, mise en image par Pierre-Paul Renders, Benjamin Béneteau, Erbetta et Elias. Ce succès populaire est publié aux éditions Dupuis.Toronto, Canada. Gail est heureux, il va être nominé dans les prochains jours à la tête du Comité scientifique concernant les Alter ego. Homme de sciences, sa nomination est appuyée par l’ONU, malgré de nombreuses réticences : il n’est pas expert dans ce domaine. Pourtant sa femme n’est pas si enthousiaste que lui, elle commence a avoir des soupçons d’infidélité et s’éloigne de plus en plus de lui.
A bord de l’avion à destination de Singapour, le scientifique est rejoint par Pia, son assistante mais aussi maîtresse. Depuis sa nomination, des messages incendiaires voire menaçants arrivent sur ses pages de réseaux sociaux.
Siège de SIMORG. Le lendemain, il découvre ses futurs collègues : Pancini, Rochant, Seth et surtout Impi Tuominen, une scientifique suédoise, à cheval sur la théorie et en opposition frontale avec lui. De plus, l’ONU mettrait une grosse pression pour que la commission rende un avis négatif. Mais petit à petit, le scepticisme de Llewellyn s’effrite.
Quelques jours plus tard, il est victime d’un attentat : sa voiture est la cible de balles et finit sa course en contrebas d’un pont, dans un fleuve. Arrivée quelques secondes plus tard, une femme motarde lui sauve la vie. Qui est-elle ? Pourquoi l’a-t-elle sauvé ?
L’on comprend aisément le succès éditorial de la série Alter ego, tant le scénario dense tient ses promesses de nouveau dans cet album. Après Delia, Lapière et Renders axent leur album sur Gail, un scientifique désinvolte, coureur de jupons, dont les doutes vont l’assaillir jusqu’à changer d’idée concernant ces êtres différents. Parfois manipulateur avec les membres du comité, il est aussi manipulable, par la jeune femme qui le sauve ou le scientifique rencontré dans le restaurant de son hôtel. Pieuvre tentaculaire, le récit est extrêmement bien écrit. Les rebondissements, les fausses pistes et les ramifications sont très recherchés. Le tout s’imbriquant comme un véritable puzzle. Le lecteur en sait un peu plus par les révélations de la sénatrice Delia mais pas encore assez pour tout comprendre. Il faudra d’ailleurs attendre octobre et le dernier album de la saison 2, intitulé Verdict pour avoir une vue d’ensemble. Côté graphisme, c’est toujours aussi efficace et d’une belle qualité. S’appuyant sur les personnages de Renders, le trio de dessinateurs (Béneteau, Erbetta et Elias) livrent de belles planches soignées et d’un trait semi-réaliste. Les décors de Singapour, signés Béneteau, ont été modélisés pour un rendu bluffant.Gail, Alter ego : un album dans la veine des précédents. Case Départ a hâte de connaître le dénouement final de cette saison 2. Une série fantastico-politico-humaniste a (re)lire !
- Alter ego, saison 2 : Gail
- Auteurs : Pierre-Paul Renders, Denis Lapière, Benjamin Béneteau, Erbetta et Elias
- Editeur: Dupuis
- Prix: 12€
- Sortie: 13 juin 2014
Sorcière et escroc
Les éditions Ankama publient le premier tome de la série fantastique Magda Ikkelpotts, signé François Debois et Krystel.Paris. Magda Ikklepotts, sorcière aux pouvoirs immenses vit de menus larcins. Accompagnée de Magpïe, une pie dotée de parole, elle joue de ses dons pour arnaquer les antiquaires. Pour mener à bien son projet, quelques jours avant des phénomènes surnaturels qu’elle produit, elle laisse sa carte de visite aux brocanteurs. Ne sachant pas quoi faire pour les arrêter, il se tourne vers Magda. Son plan, elle le multiplie à tout va. C’est le cas pour le propriétaire de L’antiquaire parisien qui lui demande de venir d’urgence. Des objets flottent dans l’air et une épaisse fumée verte se propasge au sol. A l’aide de sa tablette, elle se connecte à Wikipédia et délivre le CV du fantôme farceur. Là encore, quelques jours auparavant, elle lui invente un faux profil pour le fonctionnement de sa supercherie.
Après quelques incantations, les objets retombent comme l’argent que le brocanteur lui laisse, dans les poches. Cette stratégie bien huilée, elle la connaît sur le bout des doigts. Seul Driss, son ami la met en garde après dix clients pigeonnés.
Et il avait raison ! A peine parti, des policiers débarquent dans son appartement et après un folle course-poursuite, elle se retrouve au poste, non pas pour ses larcins mais pour aider la police. Maulincourt, un jeune inspecteur lui apprend que des hommes sont victimes d’hallucinations et qu’elle serait la seule à pouvoir arrêter ce phénomène. En contrepartie, Magda demande que le Centre National de Surveillance des Sorcières (CNSS) n’interfère pas dans son enquête.
Ils se rendent alors dans un ancien quartier de Paris, noyé sous le eaux et découvrent le Gibet de Montfaucon, principal lieu de pendaison sous Louis XIII où gisent des cadavres suspendus…
Début prometteur pour Magda Ikklepotts. Le scénario de François Debois mêle habilement le fantastique et l’action. Bien posée, l’intrigue principale laisse entrevoir de belles possibilités. Le personnage de Magda, lui aussi, n’a pas révélé tous ses secrets : D’où vient-elle ? D’où viennent ses pouvoirs ? Pourquoi sa mère est-elle décédée ? De plus, sa relation avec Maulincourt risque de faire des étincelles. Les hommages et clins d’œil sont de nombreux telle la mandragore venue tout droit de Harry Potter. Le récit fait de sorcières et de magie plaira aux jeunes adolescentes. Son ambiance parfois baroque est bien restituée par Krystel dont le trait mangaïsant est efficace. Si on peut déceler quelques erreurs, l’ensemble est agréable à la lecture. Les teintes pastel permettent d’éclairer les planches au découpage dynamique.Magda Ikklepotts : un album qui apportera un bon moment de lecture-plaisir.
- Magda Ikklepotts, tome 1/2
- Auteurs : François Debois et Krystel
- Editeur: Ankama
- Prix: 13,90€
- Sortie: 04 juillet 2014
Tekigôsha
Seven, snow white and the seven dwarfs est un récit d’anticipation signé Kuroko Yabuguchi. Ce manga post-apocalyptique est paru en juin aux éditions Tonkam.Tokyo, Japon. Une énorme catastrophe a isolé l’archipel du reste du monde. Depuis l’île est administrée par Kuroyuki, une gouverneur dictatrice.
Quartier de Hachiôji. Comme tous les jours, Makoto et ses camarades doivent travailler pour le Gouvernement Métropolitain de Tokyo. Par des chaleurs écrasantes, il doivent déblayer des gravats sans être rémunérés. En plus de ces corvées, les habitants sont dans l’obligation de reverser la moitié de leurs revenus à ce même gouvernement. L’échéance approche : le dernier vendredi du mois est consacré à la récolte d’impôts, une ressource vital pour l’économie du pays.
Dans l’amoncellement de briques, le jeune lycéen découvre Takeru, à moitié mort. Se relevant avec difficulté, le jeune garçon est amnésique. Son seul souvenir : son départ pour Yokohama avec son frère. Comme si les deux dernières années avaient été effacées de sa mémoire. Mais le plus étrange réside dans la chaleur de son bras. Cette énergie, il ne la canalise pas et n’arrive pas à la contrôler, arrivant surtout lorsqu’il est en danger.
Makoto l’emmène alors chez sa mère très malade, dans un bidonville proche. Takeru prend alors conscience de l’isolement du Japon et apprend que l’Office Métropolitain a procédé aux opérations de sauvetage. L’inconnu de seize ans promet à la femme qu’il lui trouvera des médicaments.
En chemin, les deux garçons croisent la route de deux policiers. Ils reprochent à Takeru de ne pas être au lycée. Après un violent accrochage avec eux, les deux adolescents entrent en classe. Les deux policiers arrivent alors pour donner des cours : construction pour les garçons et arts ménagers pour les filles.
Sur le chantier, arrive alors une petite fille mendiante qui s’évanouit. Sa mère vient alors la chercher mais les policiers reprochent à la femme de ne pas payer ses impôts, ce qui énerve au plus haut point Takeru. Sans contrôle de son bras, il décapite les deux policiers. Il serait un Takigôsha : membre de la garde rapprochée de la Gouverneur. Il est alors poursuivi par Fujimari, maire de Hachiôji qui souhaite le contraindre à le suivre pour l’emmener chez la dictatrice…
Seven est un excellent seinen d’action fantastique, publié depuis 2012 au Japon. Avec 5 volumes déjà édités (série achevée), il est prépublié dans la magazine Weekly Young Jump. Le récit de Kuroko Yabuguchi est une agréable surprise. Si le titre fait référence au célèbre conte, le lecteur oubli vite cet aspect. En effet, cette allusion semble encore très secrète. Peut être que l’on comprendra mieux dans les prochains tomes. Même si une petite fille prénommée Blanche-Neige semble être une personnage central du manga. L’histoire alterne les scènes de bagarre et d’action, ainsi que les pouvoirs magiques. Takeru, jeune garçon amnésique au bras surpuissant (Takigôsha) est un adolescent naïf et parfois gaffeur, ce qui apporte beaucoup de fraîcheur et d’humour au récit. Si la quête d’un seul homme contre une grande puissance obscure n’est pas nouvelle en bande dessinée, ici, le personnage et l’intrigue permettent d’entrevoir une très belle suite. Les habitants sont soumis au diktat de cette gouverneur et sont obligés de vivre dans des conditions difficiles, comme dans les véritables dictatures. Ils ne peuvent d’ailleurs pas se rebeller tant le pouvoir les accable. Si l’Office Métropolitain a joué les sauveurs après la catastrophe (pour l’instant très secrète), il deviendra en moins de deux ans, un objet aux mains du pouvoir central pour l’imposer à tous. L’intrigue, les décors et les personnages sont bien posés dans ce premier tome, nous en savons assez pour comprendre le mécanisme de ce Tokyo futuriste et il reste des pans entiers de mystères pour nous donner envie de lire les prochains volumes. Le trait du mangaka est efficace et d’une grande lisibilité.Seven : un démarrage sur les chapeaux de roue pour ce seinen d’une grande efficacité. Case Départ attend la suite avec impatience. Un très bon titre !
- Seven, Snow White and the seven dwarfs, volume 1/5
- Auteur : Kuroko Yabuguchi
- Editeur: Tonkam
- Prix: 9,35€
- Sortie: 11 juin 2014